Contes de Grimm

Les Contes de fées des frères Grimm, initialement compilés par Jacob et Wilhelm Grimm, sont une collection de contes populaires intemporels qui enchantent les lecteurs depuis des siècles. Ces récits sont un véritable trésor de folklore, présentant des histoires de courage, de magie et de moralité qui résonnent à travers les générations. Des classiques comme « Cendrillon », « Blanche-Neige » et « Hansel et Gretel » aux perles moins connues telles que « Le Pêcheur et sa Femme » et « Rumpelstiltskin », chaque histoire offre un aperçu de la riche tapisserie de la tradition orale européenne. Les Contes de fées des Grimm se caractérisent par leurs personnages vivants, leurs leçons morales et leurs tonalités souvent sombres, reflétant les réalités dures et les éléments fantastiques de leurs contextes historiques. Leur attrait durable réside dans leur capacité à divertir, enseigner et inspirer l’émerveillement, faisant d’eux une pierre angulaire de la littérature pour enfants et une source de fascination pour les chercheurs en folklore et en narration.

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Episodes

Les trois feuilles du serpent

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois un homme si pauvre qu'il ne pouvait pas même nourrir son fils unique. Celui-ci lui dit un jour:- Mon cher père, vous avez tant de peine à vivre, que mon entretien vous est un trop lourd fardeau; je veux vous quitter, et chercher à gagner moi-même mon pain.Le pauvre père lui donna donc sa bénédiction et le vit prendre congé de lui non sans un grand chagrin.C'était le moment où le roi d'un puissant empire faisait la guerre; le jeune homme s'engagea à son service et l'accompagna dans les camps. On ne tarda pas à rencontrer l'ennemi; on livra bataille; l'affaire fut des plus meurtrières, les balles qui sifflaient de toutes parts firent tomber comme grêle ses camarades à ses côtés; le commandant lui-même fut frappé à mort; et les soldats privés de leur chef criaient déjà:- Sauve qui peut!Lorsque le hardi jeune homme sortit des rangs, arrêta les fuyards et ranima leur courage en leur criant:- Laisserons-nous succomber notre patrie?Aces mots, les autres le suivirent, et faisant volteface à l'ennemi, ils le mirent en déroute.Lorsque le roi apprit à qui il était redevable de la victoire, il éleva le jeune homme au-dessus des autres, le combla de trésors et lui donna une des premières charges dans l'état.Le roi avait une fille dont la beauté était aussi remarquable que son humeur était bizarre. Elle avait fait vœu de n'accepter pour époux que celui qui lui promettrait de se laisser enterrer vivant avec elle, si elle mourait avant lui.- S'il m'aime vraiment, disait-elle, pourquoi tiendrait-il à la vie après m'avoir perdue?De son côté, elle voulait faire la même promesse: s'il mourait le premier, elle le suivrait dans la tombe. Ce vœu étrange avait jusqu'à ce jour écarté les prétendans, mais notre jeune homme fut si touché de la beauté de la princesse que, sans s'inquiéter des conditions, il demanda sa main à son père.- Sais-tu bien, lui dit le roi, quel est l'engagement que tu devras prendre!- Je devrai l'accompagner au tombeau si je lui survis, répondit-il, mais mon amour est si grand, que cela ne peut m'arrêter.Le roi donna donc son consentement, et le mariage fut célébré avec une grande pompe.Les jeunes époux vécurent heureux et satisfaits pendant un certain temps. Cependant il arriva que la jeune princesse tomba dangereusement malade; tous les médecins firent de vains efforts pour la guérir. Elle mourut.Alors seulement son mari se rappela son imprudente promesse; il frémit d'horreur à cette pensée; mais il n'y avait pas moyen d'éviter sa destinée cruelle; le roi avait fait poser des sentinelles à toutes les portes du palais.Lorsqu'arriva le jour où le corps de la princesse devait être conduit dans le caveau royal, le malheureux prince y fut mené à sa suite, et les verroux se fermèrent sur lui.A côté du cercueil, se trouvait une table sur laquelle étaient placés quatre bougies, quatre morceaux de pain et quatre bouteilles de vin. Ces provisions épuisées, le prisonnier devait mourir de faim.Le malheureux jeune prince s'assit là plein de tristesse et de deuil; il mangea chaque jour quelque peu de pain, but à peine quelques gorgées de vin, et n'en vit pas moins la mort s'approcher à grands pas.Pendant qu'il était livré aux plus sombres réflexions, il vit un serpent dresser sa tête dans un coin du caveau, puis s'avancer en rampant vers le cadavre. Il s'imagina que l'horrible animal voulait faire sa proie de la morte; il tira soudain son épée en disant:- Tant que je vivrai, tu ne toucheras pas à ce corps!Et il coupa le serpent en quatre.Quelques moments après, un second serpent sortit du même coin; mais ayant aperçu son compagnon mort et partagé en quatre tronçons, il rentra dans son trou, puis reparut bientôt après portant dans la gueule trois feuilles vertes. Il commença par réunir les quatre morceaux du serpent, les replaça adroitement dans l'ordre où ils se trouvaient avant d'être coupés, et mit sur chaque blessure une des trois feuilles. Aussitôt, ce qui avait été séparé se rejoignit, le serpent revint à la vie, et disparut avec son compagnon.Les trois feuilles étaient restées par terre; l'idée vint au malheureux jeune homme, témoin de cette scène extraordinaire, d'essayer si la vertu magique de ces feuilles, qui avait rendu la vie au serpent, pourrait aussi ranimer un être humain. Dans cette espérance, il ramassa les feuilles, en plaça une sur la bouche de la morte, et les deux autres sur ses yeux. A l'instant même, le sang circula de nouveau dans les veines et remonta vers le pâle visage qui se colora d'une vive rougeur. En même temps, la jeune princesse recouvra la respiration, rouvrit les yeux, et s'écria:- Hélas! mon Dieu, où suis-je?- Tu es près de moi, chère épouse, repartit le jeune prince.Et il lui raconta alors tout ce qui s'était passé, et comment elle avait été arrachée à la mort. Il lui fit prendre ensuite un peu de vin et de pain; puis elle se leva, et ils se dirigèrent tous les deux vers la porte, où ils se mirent à frapper et à crier de toutes leurs forces; si bien que le bruit qu'ils faisaient arriva jusqu'aux sentinelles qui s'empressèrent d'aller avertir le roi.Celui-ci vint lui-même ouvrir la porte, trouva le jeune couple frais et bien portant, et se réjouit avec eux de l'heureuse issue d'un si terrible événement.Le jeune prince avait emporté avec lui les trois feuilles du serpent; il les donna à son serviteur de confiance, en lui disant:- Conserve-les avec soin, et ne t'en sépare jamais: qui sait si elles ne pourront pas encore nous arracher à quelque péril?Cependant depuis que la jeune femme avait été rappelée à la vie, il s'était opéré en elle un grand changement; tout l'amour qu'elle avait autrefois pour son mari, s'en était allé. C'est ainsi que quelque temps après, ayant dû s'embarquer sur mer pour aller voir le roi son vieux père, elle oublia entièrement le dévouement et la fidélité dont son époux avait fait preuve en l'arrachant à la mort, et se laissa entraîner à un coupable penchant pour le commandant du vaisseau.Un jour que le jeune prince dormait, elle appela le commandant, et saisissant son mari par la tête, elle fit signe à son complice de le prendre par les pieds, et ils le jetèrent à la mer.Quand ce crime fut consommé, elle dit au commandant:- Hâtons-nous maintenant de faire voile vers les états de mon père; nous lui dirons que mon mari est mort en route. Je te promets de faire si bien ton éloge, que le vieux roi te donnera ma main et te désignera pour son successeur.Cependant le fidèle serviteur, qui avait tout vu, détacha secrètement du vaisseau une petite nacelle, fit force de rames vers l'endroit où son maître avait été jeté dans les flots, et laissa les infâmes assassins poursuivre leur voyage. Il eut le bonheur de repêcher son jeune maître, et grâce au secours des trois feuilles du serpent, qu'il portait toujours avec lui et qu'il plaça sur les yeux et sur la bouche du mort, il le rappela heureusement à la vie.Alors ils ramèrent tous deux jour et nuit sans relâche; et leur légère nacelle courait si vite sur les flots, qu'ils arrivèrent avant les coupables dans les états du vieux roi.Celui-ci s'étonna de les voir se présenter seuls, et leur demanda ce qui leur était advenu. Lorsqu'il eut appris l'action barbare de sa fille, il s'écria:- Je ne puis croire qu'elle se soit conduite d'une manière si indigne, mais la vérité apparaîtra bientôt au grand jour.Cela dit, il les fit cacher tous deux dans une chambre à l'écart.Peu de temps après, le vaisseau arriva, et la femme criminelle se présenta devant son père avec un visage empreint de tristesse.- Pourquoi viens-tu seule? lui dit le vieux roi; où est ton époux?- Hélas! mon bon père, répondit-elle, vous me voyez dans un grand deuil; mon mari est mort subitement pendant la traversée, et sans le zèle et le dévouement du commandant, vous n'auriez plus revu votre fille'; il a assisté à ses derniers moments et pourra tout vous raconter.- Je veux rendre la vie aux morts, répondit le roi, qui ouvrit aussitôt la porte de la chambre et fit entrer le jeune prince et son fidèle serviteur.A la vue de son mari, l'odieuse femme fut comme frappée de la foudre; elle tomba à genoux et demanda pardon.- Point de pardon, s'écria le vieux* roi: il avait consenti à mourir avec toi, et c'est à lui que tu es redevable de la vie; toi au contraire, tu as profité de son sommeil pour la lui ôter: tu dois recevoir le châtiment que tu mérites.En conséquence, l'épouse criminelle fut placée avec son complice dans un bateau où l'eau pénétrait par le fond; on le lança sur la mer où les vagues ne tardèrent pas à les engloutir.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Hansel et Gretel

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

A l'orée d'une grande forêt vivaient un pauvre bûcheron, sa femme et ses deux enfants. Le garçon s'appelait Hansel et la fille Grethel. La famille ne mangeait guère. Une année que la famine régnait dans le pays et que le pain lui-même vint à manquer, le bûcheron ruminait des idées noires, une nuit, dans son lit et remâchait ses soucis. Il dit à sa femme- Qu'allons-nous devenir? Comment nourrir nos pauvres enfants, quand nous n'avons plus rien pour nous-mêmes?- Eh bien, mon homme, dit la femme, sais-tu ce que nous allons faire? Dès l'aube, nous conduirons les enfants au plus profond de la forêt nous leur allumerons un feu et leur donnerons à chacun un petit morceau de pain. Puis nous irons à notre travail et les laisserons seuls. Ils ne retrouveront plus leur chemin et nous en serons débarrassés.- Non, femme, dit le bûcheron. je ne ferai pas cela! Comment pourrais-je me résoudre à laisser nos enfants tout seuls dans la forêt! Les bêtes sauvages ne tarderaient pas à les dévorer.- Oh! fou, rétorqua-t-elle, tu préfères donc que nous mourions de faim tous les quatre? Alors, il ne te reste qu'à raboter les planches de nos cercueils.Elle n'eut de cesse qu'il n'acceptât ce qu'elle proposait.- Mais j'ai quand même pitié de ces pauvres enfants, dit le bûcheron.Les deux petits n'avaient pas pu s'endormir tant ils avaient faim. Ils avaient entendu ce que la marâtre disait à leur père. Grethel pleura des larmes amères et dit à son frère:- C'en est fait de nous- Du calme, Grethel, dit Hansel. Ne t'en fais pas; Je trouverai un moyen de nous en tirer.Quand les parents furent endormis, il se leva, enfila ses habits, ouvrit la chatière et se glissa dehors. La lune brillait dans le ciel et les graviers blancs, devant la maison, étincelaient comme des diamants. Hansel se pencha et en mit dans ses poches autant qu'il put. Puis il rentra dans la maison et dit à Grethel:- Aie confiance, chère petite soeur, et dors tranquille. Dieu ne nous abandonnera pas.Et lui-même se recoucha.Quand vint le jour, avant même que le soleil ne se levât, la femme réveilla les deux enfants:- Debout, paresseux! Nous allons aller dans la forêt pour y chercher du bois. Elle leur donna un morceau de pain à chacun et dit:- Voici pour le repas de midi; ne mangez pas tout avant, car vous n'aurez rien d'autre.Comme les poches de Hansel étaient pleines de cailloux, Grethel mit le pain dans son tablier. Puis, ils se mirent tous en route pour la forêt. Au bout de quelque temps, Hansel s'arrêta et regarda en direction de la maison. Et sans cesse, il répétait ce geste. Le père dit:- Que regardes-tu, Hansel, et pourquoi restes-tu toujours en arrière? Fais attention à toi et n'oublie pas de marcher!- Ah! père dit Hansel, Je regarde mon petit chat blanc qui est perché là-haut sur le toit et je lui dis au revoir.La femme dit:- Fou que tu es! ce n'est pas le chaton, c'est un reflet de soleil sur la cheminée. Hansel, en réalité, n'avait pas vu le chat. Mais, à chaque arrêt, il prenait un caillou blanc dans sa poche et le jetait sur le chemin.Quand ils furent arrivés au milieu de la forêt, le père dit:- Maintenant, les enfants, ramassez du bois! je vais allumer un feu pour que vous n'ayez pas froid.Hansel et Grethel amassèrent des brindilles au sommet d'une petite colline. Quand on y eut mit le feu et qu'il eut bien pris, la femme dit:- Couchez-vous auprès de lui, les enfants, et reposez-vous. Nous allons abattre du bois. Quand nous aurons fini, nous reviendrons vous chercher.Hansel et Grethel s'assirent auprès du feu et quand vint l'heure du déjeuner, ils mangèrent leur morceau de pain. Ils entendaient retentir des coups de hache et pensaient que leur père était tout proche. Mais ce n'était pas la hache. C'était une branche que le bûcheron avait attachée à un arbre mort et que le vent faisait battre de-ci, de-là. Comme ils étaient assis là depuis des heures, les yeux finirent par leur tomber de fatigue et ils s'endormirent. Quand ils se réveillèrent, il faisait nuit noire. Grethel se mit à pleurer et dit:- Comment ferons-nous pour sortir de la forêt?Hansel la consola- Attends encore un peu, dit-il, jusqu'à ce que la lune soit levée. Alors, nous retrouverons notre chemin.Quand la pleine lune brilla dans le ciel, il prit sa soeur par la main et suivit les petits cailloux blancs. Ils étincelaient comme des écus frais battus et indiquaient le chemin. Les enfants marchèrent toute la nuit et, quand le jour se leva, ils atteignirent la maison paternelle. Ils frappèrent à la porte. Lorsque la femme eut ouvert et quand elle vit que c'étaient Hansel et Grethel, elle dit:- Méchants enfants! pourquoi avez-vous dormi si longtemps dans la forêt? Nous pensions que vous ne reviendriez jamais.Leur père, lui, se réjouit, car il avait le coeur lourd de les avoir laissés seuls dans la forêt.Peu de temps après, la misère régna de plus belle et les enfants entendirent ce que la marâtre disait, pendant la nuit, à son mari:- Il ne nous reste plus rien à manger, une demi-miche seulement, et après, finie la chanson! Il faut nous débarrasser des enfants; nous les conduirons encore plus profond dans la forêt pour qu'ils ne puissent plus retrouver leur chemin; il n'y a rien d'autre à faire.Le père avait bien du chagrin. Il songeait - « Il vaudrait mieux partager la dernière bouchée avec les enfants. » Mais la femme ne voulut n'en entendre. Elle le gourmanda et lui fit mille reproches. Qui a dit « A » doit dire « B. »Comme il avait accepté une première fois, il dut consentir derechef.Les enfants n'étaient pas encore endormis. Ils avaient tout entendu. Quand les parents furent plongés dans le sommeil, Hansel se leva avec l'intention d'aller ramasser des cailloux comme la fois précédente. Mais la marâtre avait verrouillé la porte et le garçon ne put sortir. Il consola cependant sa petite soeur:- Ne pleure pas, Grethel, dors tranquille; le bon Dieu nous aidera.Tôt le matin, la marâtre fit lever les enfants. Elle leur donna un morceau de pain, plus petit encore que l'autre fois. Sur la route de la forêt, Hansel l'émietta dans sa poche; il s'arrêtait souvent pour en jeter un peu sur le sol.- Hansel, qu'as-tu à t'arrêter et à regarder autour de toi? dit le père. Va ton chemin!- Je regarde ma petite colombe, sur le toit, pour lui dire au revoir! répondit Hansel.- Fou! dit la femme. Ce n'est pas la colombe, c'est le soleil qui se joue sur la cheminée.Hansel, cependant, continuait à semer des miettes de pain le long du chemin.La marâtre conduisit les enfants au fin fond de la forêt, plus loin qu'ils n'étaient jamais allés. On y refit un grand feu et la femme dit:- Restez là, les enfants. Quand vous serez fatigués, vous pourrez dormir un peu nous allons couper du bois et, ce soir, quand nous aurons fini, nous viendrons vous chercher.À midi, Grethel partagea son pain avec Hansel qui avait éparpillé le sien le long du chemin. Puis ils dormirent et la soirée passa sans que personne ne revînt auprès d'eux. Ils s'éveillèrent au milieu de la nuit, et Hansel consola sa petite soeur, disant:- Attends que la lune se lève, Grethel, nous verrons les miettes de pain que j'ai jetées; elles nous montreront le chemin de la maison.Quand la lune se leva, ils se mirent en route. Mais de miettes, point. Les mille oiseaux des champs et des bois les avaient mangées. Les deux enfants marchèrent toute la nuit et le jour suivant, sans trouver à sortir de la forêt. Ils mouraient de faim, n'ayant à se mettre sous la dent que quelques baies sauvages. Ils étaient si fatigués que leurs jambes ne voulaient plus les porter. Ils se couchèrent au pied d'un arbre et s'endormirent.Trois jours s'étaient déjà passés depuis qu'ils avaient quitté la maison paternelle. Ils continuaient à marcher, s'enfonçant toujours plus avant dans la forêt. Si personne n'allait venir à leur aide, ils ne tarderaient pas à mourir. À midi, ils virent un joli oiseau sur une branche, blanc comme neige. Il chantait si bien que les enfants s'arrêtèrent pour l'écouter. Quand il eut fini, il déploya ses ailes et vola devant eux. Ils le suivirent jusqu'à une petite maison sur le toit de laquelle le bel oiseau blanc se percha. Quand ils s'en furent approchés tout près, ils virent qu'elle était faite de pain et recouverte de gâteaux. Les fenêtres étaient en sucre. - Nous allons nous mettre au travail, dit Hansel, et faire un repas béni de Dieu. Je mangerai un morceau du toit; ça a l'air d'être bon!Hansel grimpa sur le toit et en arracha un petit morceau pour goûter. Grethel se mit à lécher les carreaux. On entendit alors une voix suave qui venait de la chambre
- Langue, langue lèche!Qui donc ma maison lèche?
Les enfants répondirent
- C'est le vent, c'est le vent.Ce céleste enfant.
Et ils continuèrent à manger sans se laisser détourner de leur tâche. Hansel, qui trouvait le toit fort bon, en fit tomber un gros morceau par terre et Grethel découpa une vitre entière, s'assit sur le sol et se mit à manger. La porte, tout à coup, s'ouvrit et une femme, vieille comme les pierres, s'appuyant sur une canne, sortit de la maison. Hansel et Grethel eurent si peur qu'ils laissèrent tomber tout ce qu'ils tenaient dans leurs mains. La vieille secoua la tête et dit:- Eh! chers enfants, qui vous a conduits ici? Entrez, venez chez moi! Il ne vous sera fait aucun mal.Elle les prit tous deux par la main et les fit entrer dans la maisonnette. Elle leur servit un bon repas, du lait et des beignets avec du sucre, des pommes et des noix. Elle prépara ensuite deux petits lits. Hansel et Grethel s'y couchèrent. Ils se croyaient au Paradis.Mais l'amitié de la vieille n'était qu'apparente. En réalité, c'était une méchante sorcière à l'affût des enfants. Elle n'avait construit la maison de pain que pour les attirer. Quand elle en prenait un, elle le tuait, le faisait cuire et le mangeait. Pour elle, c'était alors jour de fête. La sorcière avait les yeux rouges et elle ne voyait pas très clair. Mais elle avait un instinct très sûr, comme les bêtes, et sentait venir de loin les êtres humains. Quand Hansel et Grethel s'étaient approchés de sa demeure, elle avait ri méchamment et dit d'une voix mielleuse:- Ceux-là, je les tiens! Il ne faudra pas qu'ils m'échappent!À l'aube, avant que les enfants ne se soient éveillés, elle se leva. Quand elle les vit qui reposaient si gentiment, avec leurs bonnes joues toutes roses, elle murmura:- Quel bon repas je vais faire!Elle attrapa Hansel de sa main rêche, le conduisit dans une petite étable et l'y enferma au verrou. Il eut beau crier, cela ne lui servit à rien. La sorcière s'approcha ensuite de Grethel, la secoua pour la réveiller et s'écria:- Debout, paresseuse! Va chercher de l'eau et prépare quelque chose de bon à manger pour ton frère. Il est enfermé à l'étable et il faut qu'il engraisse. Quand il sera à point, je le mangerai.Grethel se mit à pleurer, mais cela ne lui servit à rien. Elle fut obligée de faire ce que lui demandait l'ogresse. On prépara pour le pauvre Hansel les plats les plus délicats. Grethel, elle, n'eut droit qu'à des carapaces de crabes. Tous les matins, la vieille se glissait jusqu'à l'écurie et disait:- Hansel, tends tes doigts, que je voie si tu es déjà assez gras.Mais Hansel tendait un petit os et la sorcière, qui avait de mauvais yeux, ne s'en rendait pas compte. Elle croyait que c'était vraiment le doigt de Hansel et s'étonnait qu'il n'engraissât point. Quand quatre semaines furent passées, et que l'enfant était toujours aussi maigre, elle perdit patience et décida de ne pas attendre plus longtemps.- Holà! Grethel, cria-t-elle, dépêche-toi d'apporter de l'eau. Que Hansel soit gras ou maigre, c'est demain que je le tuerai et le mangerai.Ah, comme elle pleurait, la pauvre petite, en charriant ses seaux d'eau, comme les larmes coulaient le long de ses joues!- Dieu bon, aide-nous donc! s'écria-t-elle. Si seulement les bêtes de la forêt nous avaient dévorés! Au moins serions-nous morts ensemble!- Cesse de te lamenter! dit la vieille; ça ne te servira à rien!De bon matin, Grethel fut chargée de remplir la grande marmite d'eau et d'allumer le feu.- Nous allons d'abord faire la pâte, dit la sorcière. J'ai déjà fait chauffer le four et préparé ce qu'il faut. Elle poussa la pauvre Grethel vers le four, d'où sortaient de grandes flammes.- Faufile-toi dedans! ordonna-t-elle, et vois s'il est assez chaud pour la cuisson. Elle avait l'intention de fermer le four quand la petite y serait pour la faire rôtir. Elle voulait la manger, elle aussi. Mais Grethel devina son projet et dit:- Je ne sais comment faire , comment entre-t-on dans ce four?- Petite oie, dit la sorcière, l'ouverture est assez grande, vois, je pourrais y entrer moi-même.Et elle y passa la tête. Alors Grethel la poussa vivement dans le four, claqua la porte et mit le verrou. La sorcière se mit à hurler épouvantablement. Mais Grethel s'en alla et cette épouvantable sorcière n'eut plus qu'à rôtir.Grethel, elle, courut aussi vite qu'elle le pouvait chez Hansel. Elle ouvrit la petite étable et dit:- Hansel, nous sommes libres! La vieille sorcière est morte!Hansel bondit hors de sa prison, aussi rapide qu'un oiseau dont on vient d'ouvrir la cage. Comme ils étaient heureux! Comme ils se prirent par le cou, dansèrent et s'embrassèrent! N'ayant plus rien à craindre, ils pénétrèrent dans la maison de la sorcière. Dans tous les coins, il y avait des caisses pleines de perles et de diamants.- C'est encore mieux que mes petits cailloux! dit Hansel en remplissant ses poches.Et Grethel ajouta- Moi aussi, je veux en rapporter à la maison!Et elle en mit tant qu'elle put dans son tablier.- Maintenant, il nous faut partir, dit Hansel, si nous voulons fuir cette forêt ensorcelée.Au bout de quelques heures, ils arrivèrent sur les bords d'une grande rivière.- Nous ne pourrons pas la traverser, dit Hansel, je ne vois ni passerelle ni pont.- On n'y voit aucune barque non plus, dit Grethel. Mais voici un canard blanc. Si Je lui demande, il nous aidera à traverser.Elle cria:
- Petit canard, petit canard,Nous sommes Hansel et Grethel.Il n'y a ni barque, ni gué, ni pont,Fais-nous passer avant qu'il ne soit tard.
Le petit canard s'approcha et Hansel se mit à califourchon sur son dos. Il demanda à sa soeur de prendre place à côté de lui.- Non, répondit-elle, ce serait trop lourd pour le canard. Nous traverserons l'un après l'autre.La bonne petite bête les mena ainsi à bon port. Quand ils eurent donc passé l'eau sans dommage, ils s'aperçurent au bout de quelque temps que la forêt leur devenait de plus en plus familière. Finalement, ils virent au loin la maison de leur père. Ils se mirent à courir, se ruèrent dans la chambre de leurs parents et sautèrent au cou de leur père. L'homme n'avait plus eu une seule minute de bonheur depuis qu'il avait abandonné ses enfants dans la forêt. Sa femme était morte. Grethel secoua son tablier et les perles et les diamants roulèrent à travers la chambre. Hansel en sortit d'autres de ses poches, par poignées. C'en était fini des soucis. Ils vécurent heureux tous ensemble.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Les trois fileuses

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une jeune fille paresseuse qui ne voulait pas filer. Sa mère avait beau se mettre en colère, elle n'en pouvait rien tirer. Un jour elle en perdit tellement patience qu'elle alla jusqu'à lui donner des coups, et la fille se mit à pleurer tout haut. Justement la reine passait par là; en entendant les pleurs, elle fit arrêter sa voiture, et, entrant dans la maison, elle demanda à la mère pourquoi elle frappait sa fille si durement que les cris de l'enfant s'entendaient jusque dans la rue. La femme eut honte de révéler la paresse de sa fille, et elle dit: « Je ne peux pas lui ôter son fuseau; elle veut toujours et sans cesse filer, et dans ma pauvreté je ne peux pas suffire à lui fournir du lin. » La reine répondit: « Rien ne me plaît plus que la quenouille; le bruit du rouet me charme; donnez-moi votre fille dans mon palais; j'ai du lin en quantité; elle y filera tant qu'elle voudra. » La mère y consentit de tout son cœur, et la reine emmena la jeune fille. Quand on fut arrivé au palais, elle la conduisit dans trois chambres qui étaient remplies du plus beau lin depuis le haut jusqu'en bas. « File-moi tout ce lin, lui dit-elle, et quand tout sera fini, je te ferai épouser mon fils aîné. Ne t'inquiète pas de ta pauvreté, ton zèle pour le travail te sera une dot suffisante. » La jeune fille ne dit rien, mais intérieurement elle était consternée; car eût-elle travaillé pendant trois cents ans sans s'arrêter, depuis le matin jusqu'au soir, elle ne serait pas venue à bout de ces énormes tas d'étoupe. Quant elle fut seule, elle se mit à pleurer, et resta ainsi trois jours sans faire œuvre de ses doigts. Le troisième jour, la reine vint la visiter; elle fut fort étonnée en voyant qu'il n'y avait rien de fait; mais la jeune fille s'excusa en alléguant son chagrin d'avoir quitté sa mère. La reine voulut bien se contenter de cette raison; mais elle dit en s'en allant: « Allons, il faut commencer demain à travailler. » Quand la jeune fille se retrouva seule, ne sachant plus que faire, dans son trouble, elle se mit à la fenêtre, et elle vit venir à elle trois femmes, dont la première avait un grand pied plat; la seconde une lèvre inférieure si grande et si tombante qu'elle couvrait et dépassait le menton; et la troisième, un pouce large et aplati. Elles se plantèrent devant la fenêtre, les yeux tournés vers la chambre, et demandèrent à la jeune fille ce qu'elle voulait. Elle leur conta ses chagrins; les trois femmes lui offrirent de l'aider. « Si tu nous promets, lui dirent-elles, de nous inviter à ta noce, de nous nommer tes cousines sans rougir de nous, et de nous faire asseoir à ta table, nous allons te filer ton lin, et ce sera bientôt fini. - De tout mon cœur, répondit-elle; entrez, et commencez tout de suite. » Elle introduisit ces trois singulières femmes et débarrassa une place dans la première chambre pour les installer; elles se mirent à l'ouvrage. La première filait l'étoupe et faisait tourner le rouet; la seconde mouillait le fil; la troisième le tordait et l'appuyait sur la table avec son pouce, et, à chaque coup de pouce qu'elle donnait, il y avait par terre un écheveau de fil le plus fin. Chaque fois que la reine entrait, la jeune fille cachait ses fileuses et lui montrait ce qu'il y avait de travail de fait, et la reine n'en revenait pas d'admiration. Quand la première chambre fut vidée, elles passèrent à la seconde, puis à la troisième, qui fut bientôt terminée aussi. Alors les trois femmes s'en allèrent en disant à la jeune fille: « N'oublie pas ta promesse; tu t'en trouveras bien. » Lorsque la jeune fille eut montré à la reine les chambres vides et le lin filé, on fixa le jour des noces. Le prince était ravi d'avoir une femme si habile et si active, et il l'aimait avec ardeur. « J'ai trois cousines, dit-elle, qui m'ont fait beaucoup de bien, et que je ne voudrais pas négliger dans mon bonheur; permettez-moi de les inviter à ma noce et de les faire asseoir à notre table. » La reine et le prince n'y virent aucun empêchement. Le jour de la fête, les trois femmes arrivèrent en équipage magnifique, et la mariée leur dit: « Chères cousines, soyez les bienvenues. - Ah! lui dit le prince, tu as là des parentes bien laides. » Puis s'adressant à celle qui avait le pied plat, il lui dit: « D'où vous vient ce large pied? - D'avoir fait tourner le rouet, répondit-elle, d'avoir fait tourner le rouet. » A la seconde: « D'où vous vient cette lèvre pendante? - D'avoir mouillé le fil, d'avoir mouillé le fil.» Et à la troisième: « D'où vous vient ce large pouce? - D'avoir tordu le fil, d'avoir tordu le fil. » Le prince, effrayé de cette perspective, déclara que jamais dorénavant sa belle épouse ne toucherait à un rouet, et ainsi elle fut délivrée de cette odieuse occupation.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Il était un homme dont la femme mourut, et une femme dont le mari mourut; et l'homme avait une fille, et la femme avait une fille. Les petites filles se connaissaient et allaient se promener ensemble et rentraient ensuite à la maison de la femme. Alors elle dit à la fille de l'homme: "Ecoute, dis à ton père que je veux l'épouser, alors tu auras chaque matin du lait pour te laver et du vin à boire, tandis que ma fille se lavera dans de l'eau et boira de l'eau." La petite fille rentra chez elle et raconta à son père ce que la femme avait dit. L'homme: "Que dois-je faire? Le mariage est une joie et aussi un tourment." Pour finir, comme il ne parvenait pas à se décider, il retira sa botte et dit: " Prends cette botte, la semelle en est percée, va au grenier, pends-la au gros clou et verse de l'eau dedans. Si elle ne fuit pas, je me remarierai, mais si elle fuit, je refuse." La fillette fit ce qu'il lui avait ordonné: mais sous l'effet de l'eau le trou se resserra et la botte se remplit jusqu'au bord. Elle rapporta à son père ce que le sort avait décidé. Alors il monta voir lui-même et il constata que c'était vrai; il alla demander la veuve en mariage et les noces eurent lie.
Le lendemain, quand les deux jeunes filles se lévèrent, la fille de l'homme trouva du lait pour se laver et du vin à boire, tandis que la fille de la femme avait de l'eau pour se laver et de l'eau à boire. Le surlendemain, il y eut pour l'une comme pour l'autre de l'eau pour se laver et de l'eau à boire. Et le troisième jour la fille de l'homme eut de l'eau pour se laver et de l'eau à boire, tandis que la fille de la femme avait du lait pour se laver et du vin à boire, et on en resta là. La femme se mit à détester cordialement sa belle-fille et ne sut qu'inventer pour lui rendre la vie de plus en plus dure. De plus elle était jalouse, parce que sa belle-fille était belle et aimable, tandis que sa vraie fille était laide et repoussante.
Un jour d'hiver, comme il avait gelé à pierre fendre et que monts et vallées étaient ensevelis sous la neige, la femme confectionna une robe de papier, appela la jeune fille et lui dit: " mets cette robte, va dans la fort et rapporte-moi un petit panier de fraise: j'en ai envie. -- Mon Dieu, dit la jeune fille, c'est que les fraises ne poussent pas en hiver, la terre est felée, et puis la neige a tout recouvert. Et pourquoi irais-je dans cette robe en papier? Il fait si froid dehors qu'on en a l'haleine gelée: le vent va passer au travers et les ronces me l'arracheront. -- Vas-tu encore répliquer? Répondit la belle-mère, tâche de filer et ne t'avise pas de reparaître avant d'avoir rempli le panier de fraisers." Après quoi elle lui donna un petit bout de pain dur et dit: "Tu en auras pour toute la journée," et elle pensait qu'elle allait mourir de faim et de froid et qu'elle ne reparaîtrait jamais devant ses yeux.
Or la jeune fille était obéissante, elle mit la robe de papier et s'en alla avec son petit panier. Il n'y avait rien que de la neige à la ronde et l'on ne voyait pas le moindre brin d'herbe. En arrivant dans la forêt, elle aperçut une petite maison où trois nains étaient à la fenêtre. Elle leur souhaita la bonjour et frappa discrétement à la porte. ILs crient d'entrer, elle entra dans la pièce et s'asit sur un banc près du poêle, afin de se réchauffer et de manger son goûter. Les nains lui dirent: "Donne-nous-en un morceau.--Volontiers," dit-elle, elle coupa son morceau de pain en deux et leur en donna la moitié. Ils lui demandèrent: "Que vas-tu faire dans la forêt par ce jour d'hiver, avec ta petite robe mince? --Ah! dit-elle, eil faut que je cherche des fraises pour remplir mon panier et tant que je ne le rapporterai pas je ne pourrai pas rentrer à la maison." Quand elle eut mangé son pain, ils lui donnèrent un balai et dirent: "balaie la neige à la porte de derrière." Mais quand elle fut dehors, les trois petits hommes se dirent: "Qu'allons-nous lui donner pour récompenser d'être si gentille et si bonne et d'avoir partagé son pain avec nous?" ALors le premier dit: "Elle aura le don d'embellir de jour en jour." Le deuxième dit: "Il lui tombera des pièces d'or de la bouche à chaque fois qu'elle proférera un mot." Le troisième dit: "Un roi viendra et la prendra pour femme."
Cependant la jeune fille faisait ce que les nains lui avaient dit, elle balayait la neige, derrière la petite maison, et que croyez-vous qu'elle trouvea? Rien que des fraises mûres qui faisaient des tâches rouges sombre sur la neige. Alors, dans sa joie, elle en ramassa plein son panier, remercia les petits hommes, donna la main à chacun d'eux et rentra chez elle en courant pour rapporter ce que sa belle-mère lui avait demandé. Comme elle disait"Bonjour" en entrant, aussitôt une pièce d'or lui tomba de la bouche. Puis elle raconta ce qui lui était arrivé dans la forêt, et à chaque mot qu'elle prononcait les pièces d'or lui sortaient de la bouceh, de sorte que bientôt toute la pièce en fut couverte. "Voyez un peu cette outrecuidance, dit sa demi-soeur, gaspiller ainsi l'argent," mais elle était secrétement jalouse et voulut aller à son tour chercher des fraises dans la forêt. "Non, ma petite fille, dit la mère, il fait trop froid, tu pourrais en mourir." Mais comme elle ne lui laissait pas de répit, elle finit par céder, lui fit une splendide veste de fourrure, qu'elle dut mettre, et lui donna des tartines et un gâteau pour la route.
La jeune fille alla dans la forêt et se dirigea tout droit vers la petite maison, les trois petits hommes étaient toujours à la fenêtre, mais elle ne les salua pas et sans accorder un regard ni un bonjour, elle entra dans la pièce en trébuchant, s'assit près du poêle et se mit à manger ses tartines et son gâteau. "Donne-nous-en un morceau," s'écrierent les petits hommes, mais elle répondit: "Je n'en ai pas assez pour moi, comment en donnerais-je encore aux autres?" Quand elle eut fini de manger, ils lui dirent: "Voilà un balai, nettoie la neige dehors, à la porte de derrière." Mais elle répondit: "Hé, balayez vous-mêmes, je ne suis pas votre servante." Voyant qu'ils ne voulaient rien lui donner, elle prit la porte et s'en alla. Alors les trois petits hommes se dirent entre eux: "Qu'allons-nous lui donner pour la punir d'être si désagréable et d'avoir un coeur méchant et jaloux qui n'accorde rien à personne?" Le premier dit: "Elle aura la don d'enlaidir de jour en jour." Le deuxième dit: "A chauqe mot qu'elle prononcera, un crapaud lui sortira de la bouche." Le troisième dit: "Elle mourra d'une mort terrible." La jeune fille cherchait des fraises dehors; mais comme elle n'en trouva pas, elle rentra de méchante humeur à la maison. Et quand elle ouvrit la bouche pour raconter à sa mère ce qui lui était arrivé dans la forêt, voici qu'à chaque mot un crapaud lui sortait de la bouche, de sorte qu'elle inspirait à tous de la répulsion.
A prèsent, la belle-mère était encore plus en colère et ne pensait plus qu'à faire tout le mal possible à la fille de l'homme, dont la beauté croissait vraiment de jour en jour. Enfin elle prit un chaudront, le mit sur le feu et y fit bouillir du fil. Quand il fut bouilli, elle le pendit aux épaules de la jeune fille et lui donna une hache: elle devait aller avec cela sur la rivière gelée, faire un trou dans la glace et rouir le fil. Comme elle était obéissante, elle y alla, fit un trou dans la glae et elle était en train de creuser quand passa un splendide carrose dans lequel se trouvait le roi. Le carrose s'arrêta et le roi demanda: "Mon enfant, qui es-tu et que fais-tu là?" - "je suis une pauvre fille et je rouis du fil." Alors le roi la prit en pitié et quand il vit qu'elle était si belle, il lui dit: "veux-tu venir avec moi?" - "Oh oui, de tout coeur," répondit-elle,car elle était bien aise de ne plus avoir à paraître devant sa mère et sa soeur.
Elle monta donc dans le carrosse et quand ils furent arrivés au château, on célébra la noce en grande pompe, selon le don que les nains lui avait fait. AU bout d'un an, la jeune reine eut un fils, et quand sa belle-mère eut entendu parler de son grand bonheur, elle vint au château avec sa fille et feignit de vouloir lui faire une visite. Mais comme le roi était sorti un moment et qu'il n'y avait personne d'autre dans la chambre, la méchante femme saisit la reine par la tête, sa fille la saisit par les pieds, puis elles la soulevèrent du lit et la jetèrent par la fenêtre dans le fleuve qui coulait devant. Après quoi elle coucha sa vilaine fille dans le lit, et la vieille la couvrit jusqu'à la tête. Quand le roi revint et voulut parler à sa femme, la vieille s'écria: 'Chut chut, pas maintenant, elle est toute baignée de sueur, il faut la laisser en repos aujourd'hui" Le roi n'y vit rien de mal et ne revint que le lendemain matin, et quand il se mit à parler à sa femme et qu'elle lui répondit, voici qu'à chaque mot un crapaud lui sortait de la bouche, tandis que d'ordinaire il en tombait une pièce d'or. Il demanda alors comment cela se faisait, mais la vieille lui dit que cela venait de la forte transpiration et que cela ne tarderait pas à disparaître.
La nuit, pourtant, le marmiton, vit une cane qui nageait dans le caniveau et disait: "Roi, que fais-tu?, Dors tu ou veilles-tu?"Et comme il ne donnait pas réponse, elle dit: "Que font mes hôtes?"Alors le marmiton répondit: "Ils dorment d'un profond sommeil." Elle demanda encore: "Que fait mon petit enfant?" et il répondit:"Dans son berceau il dort gentiment."
Alors la reine reprit sa forme et monta, elle lui donna à boira, arrangea son petit lit, le couvrit et repartir sous l'aspect d'une cane en nageant dans le caniveau. Elle vint ainsi deux nuits de suite, la troisième nuit elle dit au marmiton: "Va dire au roi de prendre son épée et de la brandir trois fois sur le seul au dessus de mio." Le marmiton courut le dire au roi, qui vint avec son épée et la brandit trois fois au-dessus du fantôme: et à la troisième fois son épouse se trouva devant lui, fraîche, saine et sauve, telle qu'elle était auparavent.
Alors le roi fut en grande joie; mais il tint la reine cachée dans un cabinet jusqu'au dimanche, où l'enfant devait être baptisé. Et quand il fut baptisé, il dit: "Que convient-il de faire à quelqu'un qui en a tiré un autre du lit et l'a jeté à l'eau? -- Il ne mérite rien de mieux, dit la vieille, que d'être mis dans un tonneau garni de clous que l'on fera rouler du haut de la montagne jusqu'au fleuve." Alors le roi dit: "Tu as prononcé ta sentence," il fit faire un tonneau semblabe et mettre la vieille avec sa fille dedans, puis le fond fut cloué et le tonneau dégringolant le long de la montagne roula jusqu'au fleuve.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Raiponce

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois un mari et sa femme qui avaient depuis longtemps désiré avoir un enfant, quand enfin la femme fut dans l'espérance et pensa que le Bon Dieu avait bien voulu accomplir son vœu le plus cher. Sur le derrière de leur maison, ils avaient une petite fenêtre qui donnait sur un magnifique jardin où poussaient les plantes et les fleurs les plus belles; mais il était entouré d'un haut mur, et nul n'osait s'aventurer à l'intérieur parce qu'il appartenait à une sorcière douée d'un grand pouvoir et que tout le monde craignait. Un jour donc que la femme se tenait à cette fenêtre et admirait le jardin en dessous, elle vit un parterre planté de superbes raiponces avec des rosettes de feuilles si vertes et si luisantes, si fraîches et si appétissantes, que l'eau lui en vint à la bouche et qu'elle rêva d'en manger une bonne salade. Cette envie qu'elle en avait ne faisait que croître et grandir de jour en jour; mais comme elle savait aussi qu'elle ne pourrait pas en avoir, elle tomba en mélancolie et commença à dépérir, maigrissant et pâlissant toujours plus. En la voyant si bas, son mari s'inquiéta et lui demanda: "Mais que t'arrive-t-il donc, ma chère femme?" - "Ah!" lui répondit-elle, "je vais mourir si je ne peux pas manger des raiponces du jardin de derrière chez nous!" Le mari aimait fort sa femme et pensa: "Plutôt que de la laisser mourir, je lui apporterai de ces raiponces, quoi qu'il puisse m'en coûter!" Le jour même, après le crépuscule, il escalada le mur du jardin de la sorcière, y prit en toute hâte une, pleine main de raiponces qu'il rapporta à son épouse. La femme s'en prépara immédiatement une salade, qu'elle mangea avec une grande avidité. Mais c'était si bon et cela lui avait tellement plu que le lendemain, au lieu que son envie fût satisfaite, elle avait triplé. Et pour la calmer, il fallut absolument que son mari retournât encore une fois dans le jardin. Au crépuscule, donc, il fit comme la veille, mais quand il sauta du mur dans le jardin, il se figea d'effroi car la sorcière était devant lui! "Quelle audace de t'introduire dans mon jardin comme un voleur," lui dit-elle avec un regard furibond, "et de venir me voler mes raiponces! Tu vas voir ce qu'il va t'en coûter!" - "Oh!" supplia-t-il, "ne voulez-vous pas user de clémence et préférer miséricorde à justice? Si Je l'ai fait, si je me suis décidé à le faire, c'est que j'étais forcé: ma femme a vu vos raiponces par notre petite fenêtre, et elle a été prise d'une telle envie d'en manger qu'elle serait morte si elle n'en avait pas eu. La sorcière fit taire sa fureur et lui dit: "Si c'est comme tu le prétends, je veux bien te permettre d'emporter autant de raiponces que tu voudras, mais à une condition: c'est que tu me donnes l'enfant que ta femme va mettre au monde. Tout ira bien pour lui et j'en prendrai soin comme une mère." Le mari, dans sa terreur, accepta tout sans discuter. Et quelques semaines plus tard, quand sa femme accoucha, la sorcière arriva aussitôt, donna à l'enfant le nom de Raiponce et l'emporta avec elle.
Raiponce était une fillette, et la plus belle qui fut sous le soleil. Lorsqu'elle eut ses douze ans, la sorcière l'enferma dans une tour qui se dressait, sans escalier ni porte, au milieu d'une forêt. Et comme la tour n'avait pas d'autre ouverture qu'une minuscule fenêtre tout en haut, quand la sorcière voulait y entrer, elle appelait sous la fenêtre et criait:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
Raiponce avait de longs et merveilleux cheveux qu'on eût dits de fils d'or. En entendant la voix de la sorcière, elle défaisait sa coiffure, attachait le haut de ses nattes à un crochet de la fenêtre et les laissait se dérouler jusqu'en bas, à vingt aunes au-dessous, si bien que la sorcière pouvait se hisser et entrer.
Quelques années plus tard, il advint qu'un fils de roi qui chevauchait dans la forêt passa près de la tour et entendit un chant si adorable qu'il s'arrêta pour écouter. C'était Raiponce qui se distrayait de sa solitude en laissant filer sa délicieuse voix. Le fils de roi, qui voulait monter vers elle, chercha la porte de la tour et n'en trouva point. Il tourna bride et rentra chez lui; mais le chant l'avait si fort bouleversé et ému dans son cœur, qu'il ne pouvait plus laisser passer un jour sans chevaucher dans la forêt pour revenir à la tour et écouter. Il était là, un jour, caché derrière un arbre, quand il vit arriver une sorcière qu'il entendit appeler sous la fenêtre:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
Alors Raiponce laissa se dérouler ses nattes et la sorcière grimpa. "Si c'est là l'escalier par lequel on monte, je veux aussi tenter ma chance," se dit-il. Et le lendemain, quand il commença à faire sombre, il alla au pied de la tour et appela:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
Les nattes se déroulèrent aussitôt et le fils de roi monta.
Sur le premier moment, Raiponce fut très épouvantée en voyant qu'un homme était entré chez elle, un homme comme elle n'en avait jamais vu; mais il se mit à lui parler gentiment et à lui raconter combien son coeur avait été touché quand il l'avait entendue chanter, et qu'il n'avait plus eu de repos tant qu'il ne l'eût vue en personne. Alors Raiponce perdit son effroi, et quand il lui demanda si elle voulait de lui comme mari, voyant qu'il était jeune et beau, elle pensa: " Celui-ci m'aimera sûrement mieux que ma vieille mère-marraine, la Taufpatin ," et elle répondit qu'elle le voulait bien, en mettant sa main dans la sienne. Elle ajouta aussitôt: "Je voudrais bien partir avec toi, mais je ne saurais pas comment descendre. Si tu viens, alors apporte-moi chaque fois un cordon de soie: j'en ferai une échelle, et quand elle sera finie, je descendrai et tu m'emporteras sur ton cheval. Ils convinrent que d'ici là il viendrait la voir tous les soirs, puisque pendant la journée venait la vieille. De tout cela, la sorcière n'eût rien deviné si, un jour, Raiponce ne lui avait dit: "Dites-moi, mère-marraine, comment se fait-il que vous soyez si lourde à monter, alors que le fils du roi, lui, est en haut en un clin d'œil?" - "Ah! scélérate! Qu'est-ce que j'entends?" s'exclama la sorcière. "Moi qui croyais t'avoir isolée du monde entier, et tu m'as pourtant flouée!" Dans la fureur de sa colère, elle empoigna les beaux cheveux de Raiponce et les serra dans sa main gauche en les tournant une fois ou deux, attrapa des ciseaux de sa main droite et cric-crac, les belles nattes tombaient par terre. Mais si impitoyable était sa cruauté, qu'elle s'en alla déposer Raiponce dans une solitude désertique, où elle l'abandonna à une existence misérable et pleine de détresse.
Ce même jour encore, elle revint attacher solidement les nattes au crochet de la fenêtre, et vers le soir, quand le fils de roi arriva et appela:
"Raiponce, Raiponce,Descends-moi tes cheveux."
la sorcière laissa se dérouler les nattes jusqu'en bas. Le fils de roi y monta, mais ce ne fut pas sa bien-aimée Raiponce qu'il trouva en haut, c'était la vieille sorcière qui le fixait d'un regard féroce et empoisonné. "Ha, ha!" ricana-t-elle, "tu viens chercher la dame de ton coeur, mais le bel oiseau n'est plus au nid et il ne chante plus: le chat l'a emporté, comme il va maintenant te crever les yeux. Pour toi, Raiponce est perdue tu ne la verras jamais plus!" Déchiré de douleur et affolé de désespoir, le fils de roi sauta par la fenêtre du haut de la tour: il ne se tua pas; mais s'il sauva sa vie, il perdit les yeux en tombant au milieu des épines; et il erra, désormais aveugle, dans la forêt, se nourrissant de fruits sauvages et de racines, pleurant et se lamentant sans cesse sur la perte de sa femme bien-aimée. Le malheureux erra ainsi pendant quelques années, aveugle et misérable, jusqu'au jour que ses pas tâtonnants l'amenèrent dans la solitude où Raiponce vivait elle-même misérablement avec les deux jumeaux qu'elle avait mis au monde: un garçon et une fille. Il avait entendu une voix qu'il lui sembla connaître, et tout en tâtonnant, il s'avança vers elle. Raiponce le reconnut alors et lui sauta au cou en pleurant. Deux de ses larmes ayant touché ses yeux, le fils de roi recouvra complètement la vue, et il ramena sa bien-aimée dans son royaume, où ils furent accueillis avec des transports de joie et vécurent heureux désormais pendant de longues, longues années de bonheur.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Frérot et sœurette

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Frérot prit sa sœurette par la main et dit:- Depuis que notre mère est morte, nous ne connaissons plus que le malheur. Notre belle-mère nous bat tous les jours et quand nous voulons nous approcher d'elle, elle nous chasse à coups de pied. Pour nourriture, nous n'avons que de vieilles croûtes de pain, et le petit chien, sous la table, est plus gâté que nous; de temps à autre, elle lui jette quelques bons morceaux. Que Dieu ait pitié de nous! Si notre mère savait cela! Viens, nous allons partir par le vaste monde!Tout le jour ils marchèrent par les prés, les champs et les pierrailles et quand la pluie se mit à tomber, sœurette dit:- Dieu et nos cœurs pleurent ensemble!Au soir, ils arrivèrent dans une grande forêt. Ils étaient si épuisés de douleur, de faim et d'avoir si longtemps marché qu'ils se blottirent au creux d'un arbre et s'endormirent.Quand ils se réveillèrent le lendemain matin, le soleil était déjà haut dans le ciel et sa chaleur pénétrait la forêt. frérot dit à sa sœur:- Sœurette, j'ai soif. Si je savais où il y a une source, j'y courrais pour y boire; il me semble entendre murmurer un ruisseau.Il se leva, prit Sœurette par la main et ils partirent tous deux à la recherche de la source. Leur méchante marâtre était en réalité une sorcière et elle avait vu partir les enfants. Elles les avait suivis en secret, sans bruit, à la manière des sorcières, et avait jeté un sort sur toutes les sources de la forêt. Quand les deux enfants en découvrirent une qui coulait comme du vif argent sur les pierres, Frérot voulut y boire. Mais Sœurette entendit dans le murmure de l'eau une voix qui disait: « Qui me boit devient tigre. Qui me boit devient tigre. » Elle s'écria:- Je t'en prie, Frérot, ne bois pas; sinon tu deviendras une bête sauvage qui me dévorera. Frérot ne but pas, malgré sa grande soif, et dit:- J'attendrai jusqu'à la prochaine source.Quand ils arrivèrent à la deuxième source, Sœurette l'entendit qui disait: « Qui me boit devient loup. Qui me boit devient loup. » Elle s'écria:- Frérot, je t'en prie, ne bois pas sinon tu deviendras loup et tu me mangeras.Frérot ne but pas et dit:- J'attendrai que nous arrivions à une troisième source, mais alors je boirai, quoi que tu dises, car ma soif est trop grande.Quand ils arrivèrent à la troisième source, Sœurette entendit dans le murmure de l'eau: « Qui me boit devient chevreuil. Qui me boit devient chevreuil. » Elle dit:- Ah! Frérot, je t'en prie, ne bois pas, sinon tu deviendras chevreuil et tu partiras loin de moi.Mais déjà Frérot s'était agenouillé au bord de la source, déjà il s'était penché sur l'eau et il buvait. Quand les premières gouttes touchèrent ses lèvres, il fut transformé en jeune chevreuil.Sœurette pleura sur le sort de Frérot et le petit chevreuil pleura aussi et s'allongea tristement auprès d'elle. Finalement, la petite fille dit:- Ne pleure pas cher petit chevreuil, je ne t'abandonnerai jamais.Elle détacha sa jarretière d'or, la mit autour du cou du chevreuil, cueillit des joncs et en tressa une corde souple. Elle y attacha le petit animal et ils s'enfoncèrent toujours plus avant dans la forêt. Après avoir marché longtemps, longtemps, ils arrivèrent à une petite maison. La jeune fille regarda par la fenêtre et, voyant qu'elle était vide, elle se dit: « Nous pourrions y habiter. » Elle ramassa des feuilles et de la mousse et installa une couche bien douce pour le chevreuil. Chaque matin, elle faisait cueillette de racines, de baies et de noisettes pour elle et d'herbe tendre pour Frérot. Il la lui mangeait dans la main, était content et folâtrait autour d'elle. Le soir, quand Sœurette était fatiguée et avait dit sa prière, elle appuyait sa tête sur le dos du chevreuil -c'était un doux oreiller - et s'endormait. Leur existence eût été merveilleuse si Frérot avait eu son apparence humaine!Pendant quelque temps, ils vécurent ainsi dans la solitude. Il arriva que le roi du pays donna une grande chasse dans la forêt. On entendit le son des trompes, la voix des chiens et les joyeux appels des chasseurs à travers les arbres. Le petit chevreuil, à ce bruit, aurait bien voulu être de la fête.- Je t'en prie, Sœurette, laisse-moi aller à la chasse, dit-il; je n'y tiens plus. Il insista tant qu'elle finit par accepter.- Mais, lui dit-elle, reviens ce soir sans faute. Par crainte des sauvages chasseurs, je fermerai ma porte. À ton retour, pour que je te reconnaisse, frappe et dis « Sœurette, laisse-moi entrer. » Si tu n'agis pas ainsi, je n'ouvrirai pas.Le petit chevreuil s'élança dehors, tout joyeux de se trouver en liberté. Le roi et ses chasseurs virent le joli petit animal, le poursuivirent, mais ne parvinrent pas à le rattraper. Chaque fois qu'ils croyaient le tenir, il sautait par-dessus les buissons et disparaissait. Quand vint le soir, il courut à la maison, frappa et dit:- Sœurette, laisse-moi entrer!La porte lui fut ouverte, il entra et se reposa toute la nuit sur sa couche moelleuse. Le lendemain matin, la chasse recommença et le petit chevreuil entendit le son des cors et les « Oh! Oh! » des chasseurs. Il ne put résister.- Sœurette, ouvre, ouvre, il faut que je sorte! dit-il.Sœurette ouvrit et lui dit:- Mais ce soir il faut que tu reviennes et que tu dises les mêmes mots qu'hier.Quand le roi et ses chasseurs revirent le petit chevreuil au collier d'or, ils le poursuivirent à nouveau. Mais il était trop rapide, trop agile. Cela dura toute la journée. Vers le soir, les chasseurs finirent par le cerner et l'un d'eux le blessa légèrement au pied, si bien qu'il boitait et ne pouvait plus aller que lentement. Un chasseur le suivit jusqu'à la petite maison et l'entendit dire:- Sœurette, laisse-moi entrer!Il vit que l'on ouvrait la porte et qu'elle se refermait aussitôt. Il enregistra cette scène dans sa mémoire, alla chez le roi et lui raconta ce qu'il avait vu et entendu. Alors le roi dit:- Demain nous chasserons encore!Sœurette avait été fort affligée de voir que son petit chevreuil était blessé. Elle épongea le sang qui coulait, mit des herbes sur la blessure et dit:- Va te coucher, cher petit chevreuil, pour que tu guérisses bien vite.La blessure était si insignifiante qu'au matin il ne s'en ressentait plus du tout. Quand il entendit de nouveau la chasse il dit:- Je n'y tiens plus! Il faut que j'y sois! Ils ne m'auront pas.Sœurette pleura et dit:- Ils vont te tuer et je serai seule dans la forêt, abandonnée de tous. Je ne te laisserai pas sortir!- Alors je mourrai ici de tristesse, répondit le chevreuil. Quand j'entends le cor, j'ai l'impression que je vais bondir hors de mes sabots.Sœurette n'y pouvait plus rien. Le cœur lourd, elle ouvrit la porte et le petit chevreuil partit joyeux dans la forêt. Quand le roi le vit, il dit à ses chasseurs:- Poursuivez-le sans répit tout le jour, mais que personne ne lui fasse de mal!Quand le soleil fut couché, il dit à l'un des chasseurs:- Maintenant tu vas me montrer la petite maison!Quand il fut devant la porte, il frappa et dit:- Sœurette, laisse-moi entrer!La porte s'ouvrit et le roi entra. Il aperçut une jeune fille si belle qu'il n'en avait jamais vu de pareille. Quand elle vit que ce n'était pas le chevreuil, mais un homme portant une couronne d'or sur la tête qui entrait, elle prit peur. Mais le roi la regardait avec amitié, lui tendit la main et dit:- Veux-tu venir à mon château et devenir ma femme?- Oh! oui, répondit la jeune fille, mais il faut que le chevreuil vienne avec moi, je ne l'abandonnerai pas.Le roi dit:- Il restera avec toi aussi longtemps que tu vivras et il ne manquera de rien.Au même instant, le chevreuil arriva. Sœurette lui passa sa laisse et, la tenant elle-même à la main, quitta la petite maison.Le roi prit la jeune fille sur son cheval et la conduisit dans son château où leurs noces furent célébrées en grande pompe. Sœurette devint donc altesse royale et ils vécurent ensemble et heureux de longues années durant. On était aux petits soins pour le chevreuil qui avait tout loisir de gambader dans le parc clôturé. Cependant, la marâtre méchante, à cause de qui les enfants étaient partis par le monde, s'imaginait que Sœurette avait été mangée par les bêtes sauvages de la forêt et que Frérot, transformé en chevreuil, avait été tué par les chasseurs. Quand elle apprit que tous deux vivaient heureux, l'envie et la jalousie remplirent son cœur et ne la laissèrent plus en repos. Elle n'avait d'autre idée en tête que de les rendre malgré tout malheureux. Et sa véritable fille, qui était laide comme la nuit et n'avait qu'un œil, lui faisait des reproches, disant:- C'est moi qui aurais dû devenir reine!- Sois tranquille! disait la vieille. Lorsque le moment viendra, je m'en occuperai.Le temps passa et la reine mit au monde un beau petit garçon. Le roi était justement à la chasse. La vieille sorcière prit l'apparence d'une camériste, pénétra dans la chambre où se trouvait la reine et lui dit:- Venez, votre bain est prêt. Il vous fera du bien et vous donnera des forces nouvelles. Faites vite avant que l'eau ne refroidisse.Sa fille était également dans la place. Elles portèrent la reine affaiblie dans la salle de bains et la déposèrent dans la baignoire. Puis elles fermèrent la porte à clef et s'en allèrent. Dans la salle de bains, elles avaient allumé un feu d'enfer, pensant que la reine étoufferait rapidement.Ayant agi ainsi, la vieille coiffa sa fille d'un béguin et la fit coucher dans le lit, à la place de la reine dont elle lui avait donné la taille et l'apparence. Mais elle n'avait .pu remplacer œil qui lui manquait. Pour que le roi ne s'en aperçût pas, elle lui ordonna de se coucher sur le côté où elle n'avait pas œil. Le soir, quand le roi revint et apprit qu'un fils lui était né, il se réjouit en son cœur et voulut se rendre auprès de sa chère épouse pour prendre de ses nouvelles. La vieille s'écria aussitôt:- Prenez bien garde de laisser les rideaux tirés; la reine ne doit voir aucune lumière elle doit se reposer!Le roi se retira. Il ne vit pas qu'une fausse reine était couchée dans le lit.Quand vint minuit et que tout fut endormi, la nourrice, qui se tenait auprès du berceau dans la chambre d'enfant et qui seule veillait encore, vit la porte s'ouvrir et la vraie reine entrer. Elle sortit l'enfant du berceau, le prit dans ses bras et lui donna à boire. Puis elle tapota son oreiller, le recoucha, le couvrit et étendit le couvre-pieds. Elle n'oublia pas non plus le petit chevreuil, s'approcha du coin où il dormait et le caressa. Puis, sans bruit, elle ressortit et, le lendemain matin, lorsque la nourrice demanda aux gardes s'ils n'avaient vu personne entrer au château durant la nuit, ceux-ci répondirent:- Non, nous n'avons vu personne.La reine vint ainsi chaque nuit, toujours silencieuse. La nourrice la voyait bien, mais elle n'osait en parler à personne. Au bout d'un certain temps, la reine commença à parler dans la nuit et dit:
- Que devient mon enfant? Que devient mon chevreuil?Deux fois encore je reviendrai; ensuite plus jamais.
La nourrice ne lui répondit pas. Mais quand elle eut disparu, elle alla trouver le roi et lui raconta tout. Le roi dit alors:- Mon Dieu, que signifie cela? Je veillerai la nuit prochaine auprès de l'enfant.Le soir, il se rendit auprès du berceau et, à minuit, la reine parut et dit à nouveau:
- Que devient mon enfant? Que devient mon chevreuil?Une fois encore je reviendrai ensuite plus jamais.
Elle s'occupa de l'enfant comme à l'ordinaire avant de disparaître. Le roi n'osa pas lui parler, mais il veilla encore la nuit suivante. De nouveau elle dit:
- Que devient mon enfant? Que devient mon chevreuil?Cette fois suis revenue, jamais ne reviendrai.
Le roi ne put se contenir. Il s'élança vers elle et dit:- Tu ne peux être une autre que ma femme bien-aimée!Elle répondit:- Oui, je suis ta femme chérie.Et, en même temps, par la grâce de Dieu, la vie lui revint. Elle était fraîche, rose et en bonne santé. Elle raconta alors au roi le crime que la méchante sorcière et sa fille avaient perpétré contre elle. Le roi les fit comparaître toutes deux devant le tribunal où on les jugea. La fille fut conduite dans la forêt où les bêtes sauvages la déchirèrent. La sorcière fut jetée au feu et brûla atrocement. Quand il n'en resta plus que des cendres, le petit chevreuil se transforma et retrouva forme humaine. Sœurette et Frérot vécurent ensuite ensemble, heureux jusqu'à leur mort.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Les vagabonds

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Coq dit à poule: "Voici la saison des noix; il faut aller sur la côte avant que l'écureuil les ait toutes récoltées." - "Bonne idée," répondit poule, "partons; nous allons bien nous divertir." Ils allèrent ensemble sur la côte et y restèrent jusqu'au soir. Alors, soit par vanité, soit parce qu'ils avaient trop mangé, ils ne voulurent pas retourner à pied chez eux, et le coq fut obligé de fabriquer une petite voiture avec des coquilles de noix. Quand elle fut prête, la poule monta dedans et dit au coq de s'atteler au timon. "Et pour qui me prends-tu?" répondit le coq, "j'aimerais mieux m'en retourner à pied que de m'atteler comme un cheval; non, cela n'est pas dans nos conventions: je veux bien être cocher et m'asseoir sur le siège; mais traîner moi-même la voiture, c'est ce que je ne ferai pas."
Comme ils se disputaient ainsi, une cane se mit à crier: "Eh! voleurs, qui vous a permis de venir sous mes noyers! Attendez, je vais vous arranger!" Et elle se précipita, le bec ouvert, sur le coq. Mais celui-ci, prompt à la riposte, frappa la cane en plein corps et lui laboura si bien les chairs à coups d'ergot, qu'elle demanda grâce et se laissa atteler à la voiture en punition de son attaque. Le coq s'assit sur le siège pour conduire l'équipage, et il le lança à fond de train en criant: "Au galop, cane, au galop!" Comme ils avaient déjà fait un bout de route, ils rencontrèrent deux voyageurs qui cheminaient à pied; c'était une épingle et une aiguille, qui crièrent: "Halte! halte!" Bientôt, dirent-ils, il ferait nuit noire, ils ne pouvaient plus avancer; le chemin était plein de boue; ils s'étaient attardés à boire de la bière devant la porte, à l'auberge du Tailleur; finalement ils prièrent qu'on leur permît de monter dans la voiture. Le coq, vu la maigreur des nouveaux venus et le peu de place qu'ils tiendraient, consentit à les recevoir, à condition qu'ils ne marcheraient sur les pieds de personne. Fort tard dans la soirée ils arrivèrent à une auberge, et, comme ils ne voulaient pas se risquer de nuit sur la route, et que la cane était fatiguée, ils se décidèrent à entrer. L'hôte fit d'abord des difficultés; sa maison était déjà pleine, et les nouveaux voyageurs ne lui paraissaient pas d'une condition très relevée, mais enfin, vaincu par leurs belles paroles, par la promesse qu'on lui fit de lui abandonner l'œuf que la poule venait de pondre en route et de lui laisser la cane qui en pondait un tous les jours, il voulut bien les recevoir pour la nuit. Ils se firent servir du meilleur et passèrent la soirée à faire bombance. Le lendemain matin, à la pointe du petit jour, quand tout le monde dormait encore, le coq réveilla la poule, et, piquant l'œuf à coups de bec, ils l'avalèrent tous deux et en jetèrent la coquille dans la cheminée; ils allèrent ensuite prendre l'aiguille qui dormait encore, et la saisissant par la tête, ils la plantèrent dans le fauteuil de l'hôte, ainsi que l'épingle dans sa serviette; puis ils prirent leur vol par la fenêtre. La cane qui couchait volontiers à la belle étoile et qui était restée dans la cour, se leva en les entendant passer, et entrant dans un ruisseau qui coulait au pied du mur, elle le descendit plus vite qu'elle n'avait couru la poste la veille. Deux heures plus tard l'hôte sortit du lit, et, après s'être lavé la figure, il prit la serviette pour s'essuyer; mais l'épingle lui égratigna le visage et lui fit une grande balafre rouge qui allait d'une oreille à l'autre. Il descendit à la cuisine pour allumer sa pipe; mais en soufflant sur le feu, les débris de la coquille de l'œuf lui sautèrent dans les yeux. "Tout conspire contre moi ce matin," se dit-il, et dans son chagrin il se laissa tomber dans son grand fauteuil; mais il se releva bientôt en poussant des cris, car l'aiguille l'avait solidement piqué et non pas à la tête. Ce dernier accident acheva de l'exaspérer; ses soupçons tombèrent tout de suite sur les voyageurs qu'il avait reçus la veille au soir; et en effet, quand il alla pour voir ce qu'ils étaient devenus, il les trouva décampés. Alors il jura bien qu'à l'avenir il ne recevrait plus dans sa maison de ces vagabonds qui font beaucoup de dépenses, ne payent pas, et pour tout merci vous jouent quelque méchant tour.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Les douze frères

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il y avait une fois un roi et une reine qui vivaient ensemble en bonne intelligence. Ils avaient douze enfants, mais c'étaient douze garçons. Un jour le roi dit à la reine:- Si le treizième enfant que tu me promets est une fille, les douze garçons devront mourir, afin que l'héritage de leur sœur soit considérable, et que le royaume tout entier lui appartienne.Il fit donc construire douze cercueils qu'on remplit de copeaux; puis le roi les fit transporter dans un cabinet bien fermé, dont il donna la clef à la reine, en lui recommandant de n'en rien dire à personne.Cependant, la mère était en proie à un violent chagrin. Le plus jeune de ses fils, à qui elle avait donné le nom de Benjamin, s'aperçut de sa peine et lui dit:- Ma bonne mère, pourquoi es-tu si triste?- Cher enfant, lui répondit-elle, je ne dois pas te le dire.Mais l'enfant ne lui laissa point de repos, qu'elle ne l'eût conduit au cabinet mystérieux, et qu'elle ne lui eût montré les douze cercueils remplis de copeaux:- Mon bien-aimé Benjamin, lui dit-elle, ton père a fait construire ces cercueil pour tes onze frères et pour toi, car si je mets au monde une petite fille, vous devez tous mourir et être ensevelis là.Et comme elle pleurait, l'enfant chercha à la consoler en lui disant:- Ne pleure pas, nous saurons bien éviter la mort. La reine reprit:- Va dans la forêt avec tes onze frères, et que l'un de vous se tienne sans cesse en sentinelle sur la cime de l'arbre le plus élevé, les yeux tournés vers la tour du château. J'aurai soin d'y arborer un drapeau blanc si je mets au monde un garçon, et alors vous pourrez revenir sans danger; si au contraire je deviens mère d'une fille, j'y planterai un drapeau rouge comme du sang; alors hâtez-vous de fuir bien loin, et que le bon Dieu vous protège.Lorsque la reine eut donné sa bénédiction à ses fils, ceux-ci se rendirent dans la forêt. Chacun d'eux eut son tour de faire sentinelle pour la sûreté des autres, en grimpant au haut du chêne le plus élevé, et en tenant, de là, ses yeux fixés vers la tour. Quand onze jours furent passés, et que ce fut à Benjamin de veiller, il vit qu'un drapeau avait été arboré, mais c'était un drapeau rouge comme du sang, ce qui prouvait trop qu'ils devaient tous mourir. Lorsqu'il eut annoncé la nouvelle à ses frères, ceux-ci s'indignèrent et dirent:- Sera-t-il dit que nous aurons dû subir la mort pour une fille? Faisons serment de nous venger! Partout où nous trouverons une jeune fille, son sang devra couler. Cela dit, ils allèrent tous ensemble au fond de la forêt, et à l'endroit le plus épais, ils trouvèrent une petite cabane misérable et déserte. Alors ils dirent:- C'est ici que nous voulons fixer notre demeure et toi, Benjamin, comme tu es le plus jeune et le plus faible, tu resteras au logis et te chargeras du ménage nous autres, nous irons à la chasse afin de nous procurer de la nourriture.Ils allèrent donc dans la forêt, et tuèrent des lièvres, des chevreuils sauvages, des oiseaux et des pigeons; puis ils les rapportèrent à Benjamin qui dut les préparer et les faire cuire pour apaiser la faim commune. C'est ainsi qu'ils vécurent pendant dix années dans la forêt; et ce temps leur parut court. Cependant la jeune fille que la mère avait mise au monde était devenue grande sa beauté était remarquable, et elle avait sur le front une étoile d'or. Un jour que se faisait la grande lessive, elle remarqua parmi le linge douze chemises d'homme, et demanda à sa mère:- À qui appartiennent ces douze chemises, car elles sont beaucoup trop petites pour mon père?La reine lui répondit avec un soupir:- Chère enfant, elles appartiennent à tes douze frères.La jeune fille reprit:- Où sont donc mes douze frères? je n'en ai jamais entendu parler.La reine répondit:- Où ils sont! Dieu le sait: ils sont errants par le monde.Alors, entraînant avec elle la jeune fille, elle ouvrit la chambre mystérieuse, et lui montra les douze cercueils, avec leurs copeaux et leurs coussins funèbres.- Ces cercueils, lui dit-elle, étaient destinés à tes frères; mais ils se sont échappés de la maison avant ta naissance.Et elle lui raconta tout ce qui s'était passé. Alors la jeune fille lui dit:- Ne pleure pas, chère mère, je veux aller à la recherche de mes frères.Elle prit donc les douze chemises, et se dirigea juste au milieu de la forêt. Elle marcha tout le jour, et arriva vers le soir à la pauvre cabane. Elle y entra et trouva un jeune garçon, qui lui dit:- D'où venez-vous, et où allez-vous?À quoi elle répondit:- Je suis la fille d'un roi, je cherche mes douze frères et je veux aller jusqu'à ce que je les trouve.Et elle lui montra les douze chemises qui leur appartenaient. Benjamin vit bien alors que la jeune fille était sa sœur; il lui dit:- je suis Benjamin, le plus jeune de tes frères.Et elle se mit à pleurer de joie, et Benjamin aussi; et ils s'embrassèrent avec une grande tendresse. Benjamin se prit à dire tout à coup:- Chère sœur, je dois te prévenir que nous avons fait le serment de tuer toutes les jeunes filles que nous rencontrerions.Elle répondit:- Je mourrai volontiers, si ma mort peut rendre à mes frères ce qu'ils ont perdu.- Non, reprit Benjamin, tu ne dois pas mourir; place-toi derrière cette cuve jusqu'à l'arrivée de mes onze frères, et je les aurai bientôt mis d'accord avec moi.Elle se plaça derrière la cuve; et quand il fut nuit, les frères revinrent de la chasse, et le repas se trouva prêt... Et comme ils étaient en train de manger, ils demandèrent:- Qu'y a-t-il de nouveau?Benjamin répondit:- Ne savez-vous rien?- Non, reprirent-ils.Benjamin ajouta:- Vous êtes allés dans la forêt, moi je suis resté à la maison, et pourtant j'en sais plus long que vous.- Raconte donc, s'écrièrent-ils.Il répondit:- Promettez moi d'abord que la première jeune fille qui se présentera à nous ne devra pas mourir.- Nous le promettons, s'écrièrent-ils tous, raconte-nous donc.Alors Benjamin leur dit:- Notre sœur est là. Et il poussa la cuve, et la fille du roi s'avança dans ses vêtements royaux, et l'étoile d'or sur le front, et elle brillait à la fois de beauté, de finesse et de grâce. Alors ils se réjouirent tous, et l'embrassèrent.À partir de ce moment, la jeune fille garda la maison avec Benjamin, et l'aida dans son travail. Les onze frères allaient dans la forêt, poursuivaient les lièvres et les chevreuils, les oiseaux et les pigeons, et rapportaient au logis le produit de leur chasse, que Benjamin et sa sœur apprêtaient pour le repas. Elle ramassait le bois qui servait à faire cuire les provisions, cherchait les plantes qui devaient leur tenir lieu de légumes, et les plaçait sur le feu, si bien que le dîner était toujours prêt lorsque les onze frères revenaient à la maison. Elle entretenait aussi un ordre admirable dans la petite cabane, couvrait coquettement le lit avec des draps blancs, de sorte que les frères vivaient avec elle une union parfaite.Un jour, Benjamin et sa sœur préparèrent un très joli dîner, et quand ils furent tous réunis, ils se mirent à table, mangèrent et burent, et furent tous très joyeux. Il y avait autour de la cabane un petit jardin où se trouvaient douze lis. La jeune fille, voulant faire une surprise agréable à ses frères, alla cueillir ces douze fleurs afin de les leur offrir. Mais à peine avait-elle cueilli les douze lis que ses douze frères furent changés en douze corbeaux qui s'envolèrent au-dessus de la forêt; et la maison et le jardin s'évanouirent au même instant. La pauvre jeune fille se trouvait donc maintenant toute seule dans la forêt sauvage, et comme elle regardait autour d'elle avec effroi, elle aperçut à quelques pas une vieille femme qui lui dit:- Qu'as-tu fait là, mon enfant? Pourquoi n'avoir point laissé en paix ces douze blanches fleurs? Ces fleurs étaient tes frères, qui se trouvent désormais transformés en corbeaux pour toujours.La jeune fille dit en pleurant:- N'existe-t-il donc pas un moyen de les délivrer?- Oui, répondit la vieille, mais il n'y en a dans le monde entier qu'un seul, et il est si difficile qu'il ne pourra te servir; car tu devrais ne pas dire un seul mot, ni sourire une seule fois pendant sept années; et si tu prononces une seule parole, s'il manque une seule heure à l'accomplissement des sept années, et la parole que tu auras prononcée causera la mort de tes frères. Alors la jeune fille pensa dans son cœur:« je veux à toute force délivrer mes frères » Puis elle se mit en route cherchant un rocher élevé, et quand elle l'eut trouvé, elle y monta, et se mit à filer, ayant bien soin de ne point parler et de ne point rire. Il arriva qu'un roi chassait dans la forêt; ce roi avait un grand lévrier qui, parvenu en courant jusqu'au pied du rocher au haut duquel la jeune fille était assise, se mit à bondir à l'entour et à aboyer fortement en dressant la tête vers elle. Le roi s'approcha, aperçut la belle princesse avec l'étoile d'or sur le front, et fut si ravi de sa beauté qu'il lui demanda si elle ne voulait point devenir son épouse. Elle ne répondit point, mais fit un petit signe avec la tête. Alors le roi monta lui-même sur le rocher, en redescendit avec elle, la plaça sur son cheval, et retourna ainsi dans son palais. Là furent célébrées les noces avec autant de pompe que de joie, quoique la jeune fiancée demeurât muette et sans sourire. Lorsqu'ils eurent vécu heureusement ensemble pendant un couple d'années, la mère du roi, qui était une méchante femme, se mit à calomnier la jeune reine, et à dire au roi:- C'est une misérable mendiante que tu as amenée au palais; qui sait quels desseins impies elle trame contre toi! Si elle est vraiment muette elle pourrait du moins rire une fois; celui qui ne rit jamais a une mauvaise conscience.Le roi ne voulut point d'abord ajouter foi à ces insinuations perfides, mais sa mère les renouvela si souvent, en y ajoutant des inventions méchantes qu'il finit par se laisser persuader, et qu'il condamna sa femme à la peine de mort.On alluma donc dans la cour un immense bûcher, où la malheureuse devait être brûlée vive; le roi se tenait à sa fenêtre, les yeux tout en larmes, car il n'avait pas cessé de l'aimer. Et comme elle était déjà liée fortement contre un pilier, et que les rouges langues du feu dardaient vers ses vêtements, il se trouva qu'en ce moment même s'accomplissaient les sept années d'épreuve; soudain on entendit dans l'air un battement d'ailes, et douze corbeaux, qui dirigeaient leur vol rapide de ce côté, s'abattirent autour de la jeune femme. À peine eurent-ils touché le bûcher qu'ils se changèrent en ses douze frères, qui lui devaient ainsi leur délivrance. Ils dissipèrent les brandons fumants, éteignirent les flammes, dénouèrent les liens qui garrottaient leur sœur, et la couvrirent de baisers. Maintenant qu'elle ne craignait plus de parler, elle raconta au roi pourquoi elle avait été si longtemps muette, et pourquoi il ne l'avait jamais vue sourire.Le roi se réjouit de la trouver innocente, et ils vécurent désormais tous ensemble heureux et unis jusqu'à la mort.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Le violon merveilleux

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois un ménétrier qui avait un violon merveilleux. Ce ménétrier se rendit un jour tout seul dans une forêt, laissant errer sa pensée ça et là; et quand il ne sut plus à quoi songer, il se dit: "Le temps commence à me sembler long dans cette forêt; je veux faire en sorte qu'il m'arrive un bon compagnon." En conséquence, il prit son violon qu'il portait sur le dos, et se mit à jouer un air qui réveilla mille échos dans le feuillage. Il n'y avait pas longtemps qu'il jouait, lorsqu'un loup vint en tapinois derrière les arbres. "Ciel! voilà un loup! Ce n'est point là le compagnon que je désire," pensa le ménétrier. Cependant le loup s'approcha, et lui dit: "Eh! cher ménétrier, que tu joues bien! ne pourrais-je pas aussi apprendre ton art?" - "La chose est facile," répondit le ménétrier, "il suffit pour cela que tu fasses exactement tout ce que je te dirai." - "Oh! cher ménétrier," reprit le loup, "je veux t'obéir, comme un écolier obéit à son maître." Le musicien lui enjoignit de le suivre, et lorsqu'ils eurent fait un bout de chemin, ils arrivèrent au pied d'un vieux chêne qui était creux et fendu par le milieu. "Tu vois cet arbre," dit le ménétrier, "si tu veux apprendre à jouer du violon, il faut que tu places tes pattes de devant dans cette fente." Le loup obéit; mais le musicien ramassa aussitôt une pierre et en frappa avec tant de force les deux pattes du loup, qu'elles s'enfoncèrent dans la fente, et que le pauvre animal dut rester prisonnier. "Attends-moi jusqu'à ce que je revienne, ajouta le ménétrier." Et il continua sa route.
Il avait à peine marché pendant quelques minutes, qu'il se prit à penser de nouveau: "Le temps me semble si long dans cette forêt, que je vais tâcher de m'attirer un autre compagnon." En conséquence, il prit son violon, et joua un nouvel air. Il n'y avait pas longtemps qu'il jouait, lorsqu'un renard arriva en tapinois à travers les arbres. "Ah! voilà un renard," se dit le musicien, "ce n'est pas là le compagnon que je désire." Le renard s'approcha, et lui dit: "Eh! cher musicien, que tu joues bien! Je voudrais bien apprendre ton art." - "La chose est facile," répondit le musicien, "il suffit pour cela que tu fasses exactement tout ce que je te dirai." - "Oh! cher musicien," reprit le renard, "je te promets de t'obéir, comme un écolier obéit à son maître." - "Suis-moi," dit le ménétrier. Quand ils eurent marché pendant quelques minutes, ils arrivèrent à un sentier bordé des deux côtés par de hauts arbustes. En cet endroit, le musicien s'arrêta, saisit d'un côté du chemin un noisetier qu'il inclina contre terre, mit le pied sur sa cime; puis de l'autre côté, il en fit de même avec un autre arbrisseau; après quoi, s'adressant au renard: "Maintenant, camarade, s'il est vrai que tu veuilles apprendre quelque chose, avance ta patte gauche." Le renard obéit, et le musicien lui lia la patte à l'arbre de gauche. "Renard, mon ami," lui dit-il ensuite, "avance maintenant ta patte droite." L'animal ne se le fit pas dire deux fois, et le ménétrier lui lia cette patte à l'arbre de droite. Cela fait, il lâcha les deux arbustes qui se redressèrent soudain, emportant avec eux dans l'air le renard qui resta suspendu et se débattit vainement. "Attends-moi jusqu'à ce que je revienne," dit le musicien. Et il continua sa route.
Il ne tarda pas à penser pour la troisième fois: "Le temps me semble long dans cette forêt; il faut que je tâche de me procurer un autre compagnon." En conséquence, il prit son violon, et les accords qu'il en tira retentirent à travers le bois. Alors arriva, à bonds légers, un levraut. "Ah! voilà un levraut," se dit le musicien. "Ce n'est pas là le compagnon que je désire." - "Eh! cher musicien," dit le levraut, "que tu joues bien! je voudrais bien apprendre ton art." - "La chose est facile," répondit le ménétrier, "il suffit pour cela que tu fasses exactement tout ce que je te dirai." - "Oh! cher musicien," reprit le levraut, "je te promets de t'obéir comme un écolier obéit à son maître." Ils cheminèrent quelque temps ensemble, puis ils arrivèrent à un endroit moins sombre du bois où se trouvait un peuplier. Le musicien attacha au cou du levraut une longue corde qu'il noua au peuplier par l'autre bout. "Maintenant alerte! ami levraut, fais-moi vingt fois en sautant le tour de l'arbre." Le levraut obéit; et quand il eut fait vingt fois le tour commandé, la corde était enroulée vingt fois autour de l'arbre, si bien que le levraut se trouva captif, et il eut beau tirer de toutes ses forces, il ne réussit qu'à se meurtrir le cou avec la corde. "Attends-moi jusqu'à ce que je revienne," dit le musicien. Et il poursuivit sa route.
Cependant à force de tirer, de s'agiter, de mordre la pierre et de travailler en tous sens, le loup avait fini par rendre la liberté à ses pattes en les retirant de la fente. Plein de colère et de rage, il se mit à la poursuite du musicien qu'il se promettait de mettre en pièces. Lorsque le renard l'aperçut qui arrivait au galop, il se prit à gémir et à crier de toutes ses forces: "Frère loup, viens à mon secours! le musicien m'a trompé." Le loup inclina les deux arbustes, rompit les cordes d'un coup de dent, et rendit la liberté au renard qui le suivit, impatient aussi de se venger du musicien. Ils rencontrèrent bientôt le pauvre levraut, qu'ils délivrèrent également, et tous les trois se mirent à la poursuite de l'ennemi commun.
Or, en continuant son chemin, le ménétrier avait une quatrième fois joué de son violon merveilleux; pour le coup il avait mieux réussi. Les accords de son instrument étaient arrivés jusqu'aux oreilles d'un pauvre bûcheron, qui, séduit par cette douce musique, abandonna sa besogne, et, la hache sous le bras, s'empressa de courir vers l'endroit d'où partaient les sons. "Voilà donc enfin le compagnon qu'il me faut!" dit le musicien, "car je cherchais un homme et non des bêtes sauvages." Puis il se remit à jouer d'une façon si harmonieuse et si magique, que le pauvre homme resta là immobile comme sous l'empire d'un charme, et que son coeur déborda de joie. C'est en ce moment qu'arrivèrent le loup, le renard et le levraut. Le bûcheron n'eut pas de peine à remarquer que ses camarades n'avaient pas les meilleures intentions. En conséquence, il saisit sa hache brillante et se plaça devant le musicien, d'un air qui voulait dire: "Celui qui en veut au ménétrier fera bien de se tenir sur ses gardes, car il aura affaire à moi." Aussi la peur s'empara-t-elle des animaux conjurés, qui retournèrent en courant dans la forêt. Le musicien témoigna sa reconnaissance au bûcheron en lui jouant encore un air mélodieux, puis il s'éloigna.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Le fidèle Jean

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois un vieux roi qui tomba malade. Sentant qu'il allait mourir, il fit appeler le fidèle Jean: c'était son plus cher serviteur, et on le nommait ainsi parce que toute sa vie il avait été fidèle à son maître. Quand il fut venu, le roi lui dit: "Mon fidèle Jean, je sens que ma fin s'approche, je n'ai de souci qu'en songeant à mon fils; il est encore bien jeune; il ne saura pas toujours se diriger; je ne mourrai tranquille que si tu me promets de veiller sur lui, de l'instruire de tout ce qu'il doit savoir, et d'être pour lui un second père. «Je vous promets," répondit Jean, "de ne pas l'abandonner; je le servirai fidèlement, dût-il m'en coûter la vie." - "Je peux donc mourir en paix," dit le vieux roi. "Après ma mort, tu lui feras voir tout le palais, toutes les chambres, les salles, les souterrains avec les richesses qui y sont renfermées; seulement tu ne le laisseras pas entrer dans la dernière chambre de la grande galerie, où se trouve le portrait de la princesse du Dôme d'or. Car, s'il voit ce tableau, il ressentira pour elle un amour irrésistible qui lui fera courir les plus grands dangers. Tâche de l'en préserver." Le fidèle Jean réitéra ses promesses, et le vieux roi, tranquillisé, posa sa tête sur l'oreiller et expira.
Quand on eut mis le vieux roi au tombeau, Jean raconta au jeune successeur ce qu'il avait promis à son père au lit de mort. "Je le tiendrai, ajouta-t-il, et je vous serai fidèle comme je l'ai été à votre père, dût-il m'en coûter la vie." Après que le grand deuil fut passé, Jean dit au roi: "Il est temps que vous connaissiez votre héritage. Je vais vous faire voir le palais de votre père." Il le conduisit partout, du haut en bas, et lui fit voir toutes les richesses qui remplissaient les splendides appartements, en omettant seulement la chambre où était le dangereux portrait. Il avait été placé de telle sorte que, lorsqu'on ouvrait la porte, on l'apercevait aussitôt, et il était si bien fait qu'il semblait vivre et respirer et que rien au monde n'était si beau ni si aimable. Le jeune roi vit bien que le fidèle Jean passait toujours devant cette porte sans l'ouvrir, et il lui demanda pourquoi. "C'est," répondit l'autre, "parce qu'il y a dans la chambre quelque chose qui vous ferait peur. "J'ai vu tout le château," dit le roi, "je veux savoir ce qu'il y a ici," et il voulait ouvrir de force. Le fidèle Jean le retint encore et lui dit: "J'ai promis à votre père, à son lit de mort, de ne pas vous laisser entrer dans cette chambre: il en pourrait résulter les plus grands malheurs pour vous et pour moi. "Le malheur le plus grand, répliqua le roi, c'est que ma curiosité ne soit pas satisfaite. Je n'aurai de repos que lorsque mes yeux auront vu. Je ne sors pas d'ici que tu ne m'aies ouvert."
Le fidèle Jean, voyant qu'il n'y avait plus moyen de s'y refuser, alla, le cœur bien gros et en soupirant beaucoup, chercher la clef au grand trousseau. Quand la porte fut ouverte, il entra le premier, tâchant de cacher le portrait avec son corps; tout fut inutile: le roi, en se dressant sur la pointe des pieds, l'aperçut par-dessus son épaule. Mais en voyant cette image de jeune fille si belle et si brillante d'or et de pierreries, il tomba sans connaissance sur le parquet. Le fidèle Jean le releva et le porta sur son lit, tout en murmurant: "Le malheur est fait; grand Dieu! qu'allons-nous devenir?" et il lui fit prendre un peu de vin pour le réconforter. Le premier mot du roi, quand il revint à lui, fut pour demander quel était ce beau portrait. "C'est celui de la princesse du Dôme d'or, répondit le fidèle Jean. "Mon amour pour elle est si grand," continua le roi, que, "si toutes les feuilles des arbres étaient des langues, elles ne suffiraient pas à l'exprimer. Ma vie tient désormais à sa possession. Tu m'aideras, toi qui es mon fidèle serviteur."
Le fidèle Jean réfléchit longtemps à la manière dont il convenait de s'y prendre, car il était difficile même de se présenter devant les yeux de la princesse. Enfin, il imagina un moyen, et dit au roi: "Tout ce qui entoure la princesse est d'or, chaises, plats, tables, gobelets, meubles de toute espèce. Vous avez cinq tonnes d'or dans votre trésor; il faut en confier une aux orfèvres pour qu'ils vous en fassent des vases et des bijoux d'or de toutes les façons, des oiseaux, des bêtes sauvages, des monstres de mille formes; tout cela doit plaire à la princesse. Nous nous mettrons en route avec ce bagage, et nous tâcherons de réussir." Le roi fit venir tous les orfèvres du pays, et ils travaillèrent nuit et jour jusqu'à ce que tout fût prêt. Quand on en eut chargé un navire, le fidèle Jean prit des habits de marchand, et le roi en fit autant, pour que personne ne put le reconnaître. Puis ils mirent à la voile et naviguèrent jusqu'à la ville où demeurait la princesse du Dôme d'or.
Le fidèle Jean débarqua seul et laissa le roi dans le navire. "Peut-être, lui dit-il, ramènerai-je la princesse; ayez soin que tout soit en ordre, que les vases d'or soient exposés et que le navire soit paré et en fête." Là-dessus il remplit sa ceinture de plusieurs petits bijoux d'or, et se rendit directement au palais du roi. Il vit en entrant dans la cour une jeune fille qui puisait de l'eau à une fontaine avec deux seaux d'or. Comme elle se retournait pour s'en aller, elle aperçut l'étranger et lui demanda qui il était. "Je suis marchand," répondit-il; et ouvrant sa ceinture, il lui fit voir ses marchandises. "Que de belles choses!" s'écria-t-elle; et, posant ses seaux à terre, elle se mit à considérer tous les bijoux les uns après les autres. "Il faut, dit-elle, que la princesse voie tout cela; elle vous l'achètera, elle qui aime tant les objets d'or." Et, le prenant par la main, elle le fit monter dans le palais, car c'était une femme de chambre. La princesse fut ravie de voir les bijoux, et elle dit: "Tout cela est si bien travaillé que je l'achète." Mais le fidèle Jean répondit: "Je ne suis que le serviteur d'un riche marchand; tout ce que vous voyez ici n'est rien auprès de ce que mon maître a dans son navire; vous y verrez les ouvrages les plus beaux et les plus précieux." Elle voulait se les faire apporter, mais il dit: "Il y en a trop, il faudrait trop de temps et trop de place; votre palais n'y suffirait pas." Sa curiosité n'en était que plus excitée, et enfin elle s'écria: "Eh bien! conduis-moi à ce navire, je veux aller moi-même voir les trésors de ton maître."
Le fidèle Jean la mena tout joyeux au navire, et le roi, en la voyant, la trouva encore plus belle que son portrait; le cœur lui en bondissait de joie. Quand elle fut montée à bord, le roi lui offrit la main; pendant ce temps-là, le fidèle Jean, qui était resté derrière, ordonna au capitaine de lever l'ancre à l'instant et de fuir à toutes voiles. Le roi était descendu avec elle dans la chambre et lui montrait une à une toutes les pièces de la vaisselle d'or, les plats, les coupes, les oiseaux, les bêtes sauvages et les monstres. Plusieurs heures se passèrent ainsi, et, pendant qu'elle était occupée à tout examiner, elle ne s'apercevait pas que le navire marchait. Quand elle eut fini, elle remercia le prétendu marchand et se disposa à retourner dans son palais; mais, arrivée sur le pont, elle s'aperçut qu'elle était en pleine mer, bien loin de la terre, et que le navire cinglait à pleines voiles. "Je suis trahie! s'écria-t-elle dans son effroi; on m'emmène! Être tombée au pouvoir d'un marchand? J'aimerais mieux mourir." Mais le roi lui dit en lui prenant la main: "Je ne suis pas marchand; je suis roi, et d'une aussi bonne famille que la vôtre. Si je vous ai enlevée par ruse, ne l'attribuez qu'à la violence de mon amour. Il est si fort que, quand j'ai vu votre portrait pour la première fois, j'en suis tombé sans connaissance à la renverse." Ces paroles consolèrent la princesse; son cœur en fut touché, et elle consentit à épouser le roi.
Pendant qu'ils naviguaient en pleine mer, le fidèle Jean, étant assis un jour à l'avant du navire, aperçut dans l'air trois corneilles qui vinrent se poser devant lui. Il prêta l'oreille à ce qu'elles se disaient entre elles, car il comprenait leur langage. "Eh bien! disait la première, il emmène la princesse du Dôme d'or! "Oui," répondit la seconde, "mais il ne la tient pas encore." - "Comment? dit la troisième; elle est assise près de lui. "Qu'importe?" reprit la première, "quand ils débarqueront, on présentera au roi un cheval roux; il voudra le monter; mais, s'il le fuit, le cheval s'élancera dans les airs avec lui, et on n'aura plus jamais de leurs nouvelles." - "Mais," dit la seconde, "n'y a-t-il donc aucune ressource?" - "Il y en a une," dit la première, "il faut qu'une autre personne s'élance sur le cheval et que, saisissant dans les fontes un pistolet, elle le tue roide. On préserverait ainsi le roi. Mais qui peut savoir cela? Et encore celui qui le saurait et le dirait serait changé en pierre depuis les pieds jusqu'aux genoux." La seconde corneille dit à son tour: "Je sais quelque chose de plus encore. En supposant que le cheval soit tué, le jeune roi ne possédera pas encore sa fiancée. Quand ils entreront ensemble dans le palais, on lui présentera sur un plat une magnifique chemise de noces qui semblera tissue d'or et d'argent; mais elle n'est réellement que poix et soufre; si le roi la met, elle le brûlera jusqu'à la moelle des os. "N'y a-t-il donc aucune ressource?" dit la troisième. "Il y en a une," répondit la seconde, "il faut qu'une personne munie de gants saisisse la chemise et la jette au feu. La chemise brûlée, le roi sera sauvé. Mais à quoi sert cela? Celui qui le saurait et le dirait se verrait changé en pierre depuis les genoux jusqu'au cœur." La troisième corneille ajouta: "Je sais quelque chose de plus encore. En supposant la chemise brûlée, le jeune roi ne possédera pas encore sa femme. S'il y a un bal de noces et que la jeune reine y danse, elle s'évanouira tout d'un coup et tombera comme morte; et elle le sera réellement si quelqu'un ne la relève pas aussitôt et ne lui suce pas sur l'épaule droite trois gouttes de sang qu'il crachera immédiatement. Mais celui qui saurait cela et qui le dirait serait changé en pierre de la tête aux pieds." Après cette conversation, les corneilles reprirent leur vol. Le fidèle Jean, qui avait tout entendu, resta depuis ce temps triste et silencieux. Se taire, c'était le malheur du roi; mais parler, c'était sa propre perte. Enfin il se dit à lui-même: "Je sauverai mon maître, dut-il m'en coûter la vie."
Au débarquement, tout se passa comme la corneille l'avait prédit. Un magnifique cheval roux fut présenté au roi. "Bien, dit-il, je vais le monter jusqu'au palais." Et il allait l'enfourcher, quand le fidèle Jean, passant devant lui, s'élança dessus, tira le pistolet des fontes et étendit le cheval roide mort. Les autres serviteurs du roi, qui n'aimaient guère le fidèle Jean, s'écrièrent qu'il fallait être fou pour tuer un si bel animal que le roi allait monter. Mais le roi leur dit: "Taisez-vous, laissez-le faire; c'est mon fidèle, il a sans doute ses raisons pour agir ainsi." Ils arrivèrent au palais, et, dans la première salle, la chemise de noces était posée sur un plat; il semblait qu'elle fût d'or et d'argent. Le prince allait y toucher, mais le fidèle Jean le repoussa, et, la saisissant avec des gants, il la jeta au feu qui la consuma à l'instant même. Les autres serviteurs se mirent à murmurer: "Voyez, disaient-ils, le voilà qui brûle la chemise de noces du roi." Mais le jeune roi répéta encore: "Il a sans doute ses raisons. Laissez-le faire; c'est mon fidèle." On célébra les noces. Il y eut un grand bal et la mariée commença à danser Dans ce moment le fidèle Jean ne la perdit pas des yeux. Tout à coup il lui prit une faiblesse et elle tomba comme une morte à la renverse. Se jetant sur elle aussitôt, il la releva et la porta dans sa chambre, et là, l'ayant couchée sur son lit, il se pencha sur elle et lui suça à l'épaule droite trois gouttes de sang qu'il cracha. A l'instant même elle respira et reprit connaissance; mais le jeune roi, qui avait tout vu et qui ne comprenait rien à la conduite de Jean, finit par s'en courroucer et le fit jeter en prison. Le lendemain, le fidèle Jean fut condamné à mort et conduit à la potence. Étant déjà monté à l'échelle, il dit: "Tout homme qui va mourir peut parler avant sa fin; en aurai-je le droit? "Je te l'accorde," dit le roi. "Eh bien! on m'a condamné injustement, et je n'ai pas cessé de l'être fidèle." Alors il raconta comment il avait entendu sur mer la conversation des corneilles, et comment tout ce qu'il avait fait était nécessaire pour sauver son maître. "0 mon fidèle Jean, s'écria le roi, je te fais grâce. Faites-le descendre." Mais, au dernier mot qu'il avait prononcé, le fidèle Jean était tombé sans vie: il était changé en pierre.
Le roi et la reine en eurent un grand chagrin: "Hélas! disait le roi, tant de dévouement a été bien mal récompensé." Il fit porter la statue de pierre dans sa chambre à coucher, près de son lit. Chaque fois qu'il la voyait, il répétait en pleurant: "Hélas! mon fidèle Jean, que ne puis-je te rendre la vie!" Au bout de quelque temps, la reine mit au monde deux fils jumeaux qu'elle éleva heureusement et qui furent la joie de leurs parents. Un jour que la reine était à l'église, et que les deux enfants jouaient dans la chambre avec leur père, les yeux du roi tombèrent sur la statue, et il ne put s'empêcher de répéter encore en soupirant: "Hélas! mon fidèle Jean, que ne puis-je te rendre la vie!" Mais la statue, prenant la parole lui dit: "Tu le peux, si tu veux y consacrer ce que tu as de plus cher. "Tout ce que je possède au monde," s'écria le roi, "je le sacrifierais pour toi." - "Eh bien!" dit la statue, pour que je recouvre l'existence, il faut que tu coupes la tête à tes deux fils, et que tu me frottes tout entier avec leur sang." Le roi pâlit en entendant cette horrible condition; mais songeant au dévouement de ce fidèle serviteur qui avait donné sa vie pour lui, il tira son épée, et, de sa propre main, il battit la tète de ses enfants et frotta la pierre avec leur sang. A l'instant même la statue se ranima, et le fidèle Jean apparut frais et dispos devant lui. Mais il dit au roi: "Ton dévouement pour moi aura sa récompense." Et, prenant les têtes des enfants, il les replaça sur leurs épaules et frotta les blessures avec leur sang; au même moment ils revinrent à la vie, et se remirent à sauter et à jouer, comme si rien n'était arrivé. Le roi était plein de joie. Quand il entendit revenir la reine, il fit cacher Jean et les enfants dans une grande armoire. Lorsqu'elle entra, il lui demanda: "As-tu prié à l'église?" - "Oui," répondit-elle, "et j'ai constamment pensé au fidèle Jean, si malheureux à cause de nous." - "Chère femme, dit-il nous pouvons lui rendre la vie, mais il nous en coûtera celle de nos deux fils." La reine pâlit et son cœur se serra; cependant elle répondit: "Nous lui devons ce sacrifice à cause de son dévouement." Le roi, charmé de voir qu'elle avait pensé comme lui, alla ouvrir l'armoire et fit sortir le fidèle Jean et les deux enfants: "Dieu soit loué! ajouta-t-il, il est délivré, et nous avons nos fils." Et il raconta à la reine tout ce qui s'était passé. Et ils vécurent tous heureux ensemble jusqu'à la fin.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Le loup et les sept chevreaux

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois une vieille chèvre qui avait sept chevreaux et les aimait comme chaque mère aime ses enfants. Un jour, elle voulut aller dans la forêt pour rapporter quelque chose à manger, elle les rassembla tous les sept et leur dit: «Je dois aller dans la forêt, mes chers enfants. Faites attention au loup! S'il arrivait à rentrer dans la maison, il vous mangerait tout crus. Ce bandit sait jouer la comédie, mais il a une voix rauque et des pattes noires, c'est ainsi que vous le reconnaîtrez.» - «Ne t'inquiète pas, maman,» répondirent les chevreaux, «nous ferons attention. Tu peux t'en aller sans crainte.» La vieille chèvre bêla de satisfaction et s'en alla.
Peu de temps après, quelqu'un frappa à la porte en criant: «Ouvrez la porte, mes chers enfants, votre mère est là et vous a apporté quelque chose.» Mais les chevreaux reconnurent le loup à sa voix rude. «Nous ne t'ouvrirons pas,» crièrent- ils. «Tu n'es pas notre maman. Notre maman a une voix douce et agréable et ta voix est rauque. Tu es un loup!» Le loup partit chez le marchand et y acheta un grand morceau de craie. Il mangea la craie et sa voix devint plus douce. Il revint ensuite vers la petite maison, frappa et appela à nouveau: «Ouvrez la porte, mes chers enfants, votre maman est de retour et vous a apporté pour chacun un petit quelque chose.» Mais tout en parlant il posa sa patte noire sur la fenêtre; les chevreaux l'aperçurent et crièrent: «Nous ne t'ouvrirons pas! Notre maman n'a pas les pattes noires comme toi. Tu es un loup!» Et le loup courut chez le boulanger et dit: «Je me suis blessé à la patte, enduis-la-moi avec de la pâte.» Le boulanger lui enduisit la patte et le loup courut encore chez le meunier. «Verse de la farine blanche sur ma patte!» commanda-t-il. Le loup veut duper quelqu'un, pensa le meunier, et il fit des manières. Mais le loup dit: «Si tu ne le fais pas, je te mangerai.» Le meunier eut peur et blanchit sa patte. Eh oui, les gens sont ainsi!
Pour la troisième fois le loup arriva à la porte de la petite maison, frappa et cria: «Ouvrez la porte, mes chers petits, maman est de retour de la forêt et vous a apporté quelque chose.» - «Montre-nous ta patte d'abord,» crièrent les chevreaux, «que nous sachions si tu es vraiment notre maman.» Le loup posa sa patte sur le rebord de la fenêtre, et lorsque les chevreaux virent qu'elle était blanche, ils crurent tout ce qu'il avait dit et ouvrirent la porte. Mais c'est un loup qui entra. Les chevreaux prirent peur et voulurent se cacher. L'un sauta sous la table, un autre dans le lit, le troisième dans le poêle, le quatrième dans la cuisine, le cinquième s'enferma dans l'armoire, le sixième se cacha sous le lavabo et le septième dans la pendule. Mais le loup les trouva et ne traîna pas: il avala les chevreaux, l'un après l'autre. Le seul qu'il ne trouva pas était celui caché dans la pendule. Lorsque le loup fut rassasié, il se retira, se coucha sur le pré vert et s'endormit.
Peu de temps après, la vieille chèvre revint de la forêt. Ah, quel triste spectacle l'attendait à la maison! La porte grande ouverte, la table, les chaises, les bancs renversés, le lavabo avait volé en éclats, la couverture et les oreillers du lit traînaient par terre. Elle chercha ses petits, mais en vain. Elle les appela par leur nom, l'un après l'autre, mais aucun ne répondit. C'est seulement lorsqu'elle prononça le nom du plus jeune qu'une petite voix fluette se fit entendre: «Je suis là, maman, dans la pendule!» Elle l'aida à en sortir et le chevreau lui raconta que le loup était venu et qu'il avait mangé tous les autres chevreaux. Imaginez combien la vieille chèvre pleura ses petits!
Toute malheureuse, elle sortit de la petite maison et le chevreau courut derrière elle. Dans le pré, le loup était couché sous l'arbre et ronflait à en faire trembler les branches. La chèvre le regarda de près et observa que quelque chose bougeait et grouillait dans son gros ventre. Mon Dieu, pensa-t-elle, et si mes pauvres petits que le loup a mangés au dîner, étaient encore en vie? Le chevreau dut repartir à la maison pour rapporter des ciseaux, une aiguille et du fil. La chèvre cisailla le ventre du monstre, et aussitôt le premier chevreau sortit la tête; elle continua et les six chevreaux en sortirent, l'un après l'autre, tous sains et saufs, car, dans sa hâte, le loup glouton les avaient avalés tout entiers. Quel bonheur! Les chevreaux se blottirent contre leur chère maman, puis gambadèrent comme le tailleur à ses noces. Mais la vieille chèvre dit: «Allez, les enfants, apportez des pierres, aussi grosses que possible, nous les fourrerons dans le ventre de cette vilaine bête tant qu'elle est encore couchée et endormie.» Et les sept chevreaux roulèrent les pierres et en farcirent le ventre du loup jusqu'à ce qu'il soit plein. La vieille chèvre le recousit vite, de sorte que le loup ne s'aperçut de rien et ne bougea même pas.
Quand il se réveilla enfin, il se leva, et comme les pierres lui pesaient dans l'estomac, il eut très soif. Il voulut aller au puits pour boire, mais comme il se balançait en marchant, les pierres dans son ventre grondaient. Il appelait là:
«Cela grogne, cela gronde,mon ventre tonne!J'ai avalé sept chevreaux,n'était-ce rien qu'une illusion?Et de lourdes grosses pierresles remplacèrent.»
Il alla jusqu'au puits, se pencha et but. Les lourdes pierres le tirèrent sous l'eau et le loup se noya lamentablement. Les sept chevreaux accoururent alors et se mirent à crier: «Le loup est mort, c'en est fini de lui!» et ils se mirent à danser autour du puits et la vieille chèvre dansa avec eux.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Un père avait deux fils; le premier était réfléchi et intelligent; il savait se tirer de toute aventure. Le cadet en revanche était sot, incapable de comprendre et d'apprendre. Quand les gens le voyaient, ils disaient: "Avec lui, son père n'a pas fini d'en voir." Quand il y avait quelque chose à faire, c'était toujours à l'aîné que revenait la tâche, et si son père lui demandait d'aller chercher quelque chose, le soir ou même la nuit, et qu'il fallait passer par le cimetière ou quelque autre lieu terrifiant, il répondait: "Oh non! père, je n'irai pas, j'ai peur." Car il avait effectivement peur. Quand, à la veillée, on racontait des histoires à donner la chair de poule, ceux qui les entendaient disaient parfois: "Ça me donne le frisson!" Le plus jeune des fils, lui, assis dans son coin, écoutait et n'arrivait pas à comprendre ce qu'ils voulaient dire. "Ils disent toujours: "Ça me donne la chair de poule! ça me fait frissonner! Moi, jamais! Voilà encore une chose à laquelle je ne comprends rien."
Il arriva qu'un jour son père lui dit: "Écoute voir, toi, là dans ton coin! Tu deviens grand et fort. Il est temps que tu apprennes à gagner ton pain. Tu vois comme ton frère se donne du mal." - "Eh! père," répondit-il, "j'apprendrais bien volontiers. Si c'était possible, je voudrais apprendre à frissonner. C'est une chose que j'ignore totalement." Lorsqu'il entendit ces mots, l'aîné des fils songea: "Seigneur Dieu! quel crétin que mon frère! Il ne fera jamais rien de sa vie." Le père réfléchit et dit: "Tu apprendras bien un jour à avoir peur. Mais ce n'est pas comme ça que tu gagneras ton pain."
Peu de temps après, le bedeau vint en visite à la maison. Le père lui conta sa peine et lui expliqua combien son fils était peu doué en toutes choses. "Pensez voir! Quand je lui ai demandé comment il ferait pour gagner son pain, il a dit qu'il voulait apprendre à frissonner!" - "Si ce n'est que ça," répondit le bedeau, "je le lui apprendrai. Confiez-le-moi." Le père était content; il se disait: "On va le dégourdir un peu." Le bedeau l'amena donc chez lui et lui confia la tâche de sonner les cloches. Au bout de quelque temps, son maître le réveilla à minuit et lui demanda de se lever et de monter au clocher pour carillonner. "Tu vas voir ce que c'est que d'avoir peur," songeait-il. Il quitta secrètement la maison et quand le garçon fut arrivé en haut du clocher, comme il s'apprêtait à saisir les cordes, il vit dans l'escalier, en dessous de lui, une forme toute blanche. "Qui va là?" cria-t-il. L'apparition ne répondit pas, ne bougea pas. "Réponds!" cria le jeune homme. "Ou bien décampe! Tu n'as rien à faire ici!" Le bedeau ne bougeait toujours pas. Il voulait que le jeune homme le prit pour un fantôme. Pour la deuxième fois, celui-ci cria: "Que viens-tu faire ici? Parle si tu es honnête homme. Sinon je te jette au bas de l'escalier." Le bedeau pensa: "Il n'en fera rien." Il ne répondit pas et resta sans bouger. Comme s'il était de pierre. Alors le garçon l'avertit pour la troisième fois et comme le fantôme ne répondait toujours pas, il prit son élan et le précipita dans l'escalier. L'apparition dégringola d'une dizaine de marches et resta là allongée. Le garçon fit sonner les cloches, rentra à la maison, se coucha sans souffler mot et s'endormit. La femme du bedeau attendit longtemps son mari. Mais il ne revenait pas. Finalement, elle prit peur, réveilla le jeune homme et lui demanda: "Sais-tu où est resté mon mari? Il est monté avant toi au clocher." - "Non," répondit-il, "je ne sais pas. Mais il y avait quelqu'un dans l'escalier et comme cette personne ne répondait pas à mes questions et ne voulait pas s'en aller, je l'ai prise pour un coquin et l'ai jetée au bas du clocher. Allez-y, vous verrez bien si c'était votre mari. Je le regretterais." La femme s'en fut en courant et découvrit son mari gémissant dans un coin, une jambe cassée.
Elle le ramena à la maison, puis se rendit en poussant de grands cris chez le père du jeune homme: "Votre garçon a fait des malheurs," lui dit-elle. "Il a jeté mon mari au bas de l'escalier, où il s'est cassé une jambe. Débarrassez notre maison de ce vaurien!" Le père était bien inquiet. Il alla chercher son fils et lui dit: "Quelles sont ces façons, mécréant! C'est le diable qui te les inspire!" - "Écoutez-moi, père," répondit-il. "Je suis totalement innocent. Il se tenait là, dans la nuit, comme quelqu'un qui médite un mauvais coup. Je ne savais pas qui c'était et, par trois fois, je lui ai demandé de répondre ou de partir." - "Ah!" dit le père, "tu ne me feras que des misères. Disparais!" - "Volontiers, père. Attendez seulement qu'il fasse jour. Je voyagerai pour apprendre à frissonner. Comme ça, je saurai au moins faire quelque chose pour gagner mon pain." - "Apprends ce que tu veux," dit le père. "Ça m'est égal! Voici cinquante talents, va par le monde et surtout ne dis à personne d'où tu viens et qui est ton père." - "Qu'il en soit fait selon votre volonté, père. Si c'est là tout ce que vous exigez, je m'y tiendrai sans peine."
Quand vint le jour, le jeune homme empocha les cinquante talents et prit la route en se disant: "Si seulement j'avais peur! si seulement je frissonnais!"Arrive un homme qui entend les paroles que le garçon se disait à lui-même. Un peu plus loin, à un endroit d'où l'on apercevait des gibets, il lui dit: "Tu vois cet arbre? Il y en a sept qui s'y sont mariés avec la fille du cordier et qui maintenant prennent des leçons de vol. Assieds-toi là et attends que tombe la nuit. Tu sauras ce que c'est que de frissonner." - "Si c'est aussi facile que ça," répondit le garçon, "c'est comme si c'était déjà fait. Si j'apprends si vite à frissonner, je te donnerai mes cinquante talents. Tu n'as qu'à revenir ici demain matin." Le jeune homme s'installa sous la potence et attendit que vînt le soir. Et comme il avait froid, il alluma du feu. À minuit le vent était devenu si glacial que, malgré le feu, il ne parvenait pas à se réchauffer. Et les pendus s'entrechoquaient en s'agitant de-ci, de-là. Il pensa: "Moi, ici, près du feu, je gèle. Comme ils doivent avoir froid et frissonner, ceux qui sont là-haut!" Et, comme il les prenait en pitié, il appliqua l'échelle contre le gibet, l'escalada, décrocha les pendus les uns après les autres et les descendit tous les sept. Il attisa le feu, souffla sur les braises et disposa les pendus tout autour pour les réchauffer. Comme ils ne bougeaient pas et que les flammes venaient lécher leurs vêtements, il dit: "Faites donc attention! Sinon je vais vous rependre là-haut!" Les morts, cependant, n'entendaient rien, se taisaient et laissaient brûler leurs loques. Le garçon finit par se mettre en colère. "Si vous ne faites pas attention," dit-il, "je n'y puis rien! Je n'ai pas envie de brûler avec vous." Et, l'un après l'autre, il les raccrocha au gibet. Il se coucha près du feu et s'endormit. Le lendemain, l'homme s'en vint et lui réclama les cinquante talents: "Alors, sais-tu maintenant ce que c'est que d'avoir le frisson?" lui dit-il. "Non," répondit le garçon, "d'où le saurais-je? Ceux qui sont là-haut n'ont pas ouvert la bouche, et ils sont si bêtes qu'ils ont laissé brûler les quelques hardes qu'ils ont sur le dos." L'homme comprit qu'il n'obtiendrait pas les cinquante talents ce jour-là et s'en alla en disant: "Je n'ai jamais vu un être comme celui-là!"
Le jeune homme reprit également sa route et se dit à nouveau, parlant à haute voix: " Ah! si seulement j'avais peur! Si seulement je savais frissonner!" Un cocher qui marchait derrière lui l'entendit et demanda: "Qui es-tu?" - "Je ne sais pas," répondit le garçon. Le cocher reprit: "D'où viens-tu?" - "Je ne sais pas," rétorqua le jeune homme. "Qui est ton père?" - "Je n'ai pas le droit de le dire." - "Que marmonnes-tu sans cesse dans ta barbe?" - "Eh!" répondit le garçon, "je voudrais frissonner. Mais personne ne peut me dire comment j'y arriverai." - "Cesse de dire des bêtises!" reprit le cocher. "Viens avec moi!" Le jeune homme accompagna donc le cocher et, le soir, ils arrivèrent à une auberge avec l'intention d'y passer la nuit. En entrant dans sa chambre, le garçon répéta à haute et intelligible voix: "Si seulement j'avais peur! Si seulement je savais frissonner!" L'aubergiste l'entendit et dit en riant: "Si vraiment ça te fait plaisir, tu en auras sûrement l'occasion chez moi." - "Tais-toi donc!" dit sa femme. "À être curieux, plus d'un a déjà perdu la vie , et ce serait vraiment dommage pour ses jolis yeux s'ils ne devaient plus jamais voir la lumière du jour." Mais le garçon répondit: "Même s'il fallait en arriver là, je veux apprendre à frissonner. C'est d'ailleurs pour ça que je voyage." Il ne laissa à l'aubergiste ni trêve ni repos jusqu'à ce qu'il lui dévoilât son secret. Non loin de là, se trouvait un château maudit, dans lequel il pourrait certainement apprendre ce que c'était que d'avoir peur, en y passant seulement trois nuits. Le roi avait promis sa fille en mariage à qui tenterait l'expérience et cette fille était la plus belle qu'on eût jamais vue sous le soleil. Il y avait aussi au château de grands trésors gardés par de mauvais génies dont la libération pourrait rendre un pauvre très riche. Bien des gens étaient déjà entrés au château, mais personne n'en était jamais ressorti. Le lendemain, le jeune homme se rendit auprès du roi: "Si vous le permettez, je voudrais bien passer trois nuits dans le château." Le roi l'examina, et comme il lui plaisait, il répondit: "Tu peux me demander trois choses. Mais aucune d'elles ne saurait être animée et tu pourras les emporter avec toi au château." Le garçon lui dit alors: "Eh bien! je vous demande du feu, un tour et un banc de ciseleur avec un couteau."
Le jour même, le roi fit porter tout cela au château. À la tombée de la nuit, le jeune homme s'y rendit, alluma un grand feu dans une chambre, installa le tabouret avec le couteau tout à côté et s'assit sur le tour. "Ah! si seulement je pouvais frissonner!" dit-il. "Mais ce n'est pas encore ici que je saurai ce que c'est." Vers minuit, il entreprit de ranimer son feu. Et comme il soufflait dessus, une voix retentit tout à coup dans un coin de la chambre: "Hou, miaou, comme nous avons froid!" - "Bande de fous!" s'écria-t-il. "Pourquoi hurlez-vous comme ça? Si vous avez froid, venez ici, asseyez-vous près du feu et réchauffez-vous!" À peine eut-il prononcé ces paroles que deux gros chats noirs, d'un bond formidable, sautèrent vers lui et s'installèrent de part et d'autre du garçon en le regardant d'un air sauvage avec leurs yeux de braise. Quelque temps après, s'étant réchauffés, ils dirent: "Si nous jouions aux cartes, camarade?" - "Pourquoi pas!" répondit-il, "mais montrez-moi d'abord vos pattes." Les chats sortirent leurs griffes. "Holà!" dit-il. "Que vos ongles sont longs! attendez! il faut d'abord que je vous les coupe." Il les prit par la peau du dos, les posa sur l'étau et leur y coinça les pattes. "J'ai vu vos doigts," dit-il, "j'en ai perdu l'envie de jouer aux cartes." Il les tua et les jeta par la fenêtre dans l'eau d'un étang . À peine s'en était-il ainsi débarrassé que de tous les coins et recoins sortirent des chats et des chiens, tous noirs, tirant des chaînes rougies au feu. Il y en avait tant et tant qu'il ne pouvait leur échapper. Ils criaient affreusement, dispersaient les brandons du foyer, piétinaient le feu, essayaient de l'éteindre. Tranquillement, le garçon les regarda faire un moment. Quand il en eut assez, il prit le couteau de ciseleur et dit: "Déguerpissez, canailles!" Et il se mit à leur taper dessus. Une partie des assaillants s'enfuit; il tua les autres et les jeta dans l'étang. Puis il revint près du feu, le ranima en soufflant sur les braises et se réchauffa. Bientôt, il sentit ses yeux se fermer et eut envie de dormir. Il regarda autour de lui et vit un grand lit, dans un coin. "Voilà ce qu'il me faut," dit-il. Et il se coucha. Comme il allait s'endormir, le lit se mit de lui-même à se déplacer et à le promener par tout le château. "Très bien!" dit-il. "Plus vite!" Le lit partit derechef comme si une demi-douzaine de chevaux y étaient attelés, passant les portes, montant et descendant les escaliers. Et tout à coup, il versa sens dessus dessous hop! et le garçon se retrouva par terre avec comme une montagne par-dessus lui.
Il se débarrassa des couvertures et des oreillers, se faufila de dessous le lit et dit: "Que ceux qui veulent se promener se promènent." Et il se coucha auprès du feu et dormit jusqu'au matin. Le lendemain, le roi s'en vint au château. Quand il vit le garçon étendu sur le sol, il pensa que les fantômes l'avaient tué. Il murmura: "Quel dommage pour un si bel homme!" Le garçon l'entendit, se leva, et dit: "Je n'en suis pas encore là!" Le roi s'étonna, se réjouit et lui demanda comment les choses s'étaient passées. "Très bien. Voilà une nuit d'écoulée, les autres se passeront bien aussi." Quand il arriva chez l'aubergiste, celui-ci ouvrit de grands yeux. "Je n'aurais jamais pensé," dit-il, "que je te reverrais vivant. As-tu enfin appris à frissonner?" - "Non!" répondit-il, "tout reste sans effet. Si seulement quelqu'un pouvait me dire comment faire!"
Pour la deuxième nuit, il se rendit à nouveau au château, s'assit auprès du feu et reprit sa vieille chanson: "Ah! si seulement je pouvais frissonner." À minuit on entendit des bruits étranges. D'abord doucement, puis toujours plus fort, puis après un court silence, un grand cri. Et la moitié d'un homme arrivant par la cheminée tomba devant lui. "Holà!" cria-t-il. "Il en manqua une moitié. Ça ne suffit pas comme ça!" Le vacarme reprit. On tempêtait, on criait. Et la seconde moitié tomba à son tour de la cheminée. "Attends," dit le garçon, "je vais d'abord ranimer le feu pour toi." Quand il l'eut fait, il regarda à nouveau autour de lui: les deux moitiés s'étaient rassemblées et un homme d'affreuse mine s'était assis à la place qu'occupait le jeune homme auparavant. "Ce n'est pas ce que nous avions convenu," dit-il. "Ce tour est à moi!" L'homme voulut l'empêcher de s'y asseoir mais il ne s'en laissa pas conter. Il le repoussa avec violence et reprit sa place. Beaucoup d'autres hommes se mirent alors à dégringoler de la cheminée les uns après les autres et ils apportaient neuf tibias et neuf têtes de mort avec lesquels ils se mirent à jouer aux quilles. Le garçon eut envie d'en faire autant. "Dites, pourrais-je jouer aussi?" - "Oui, si tu as de l'argent." - "J'en ai bien assez," répondit-il, "mais vos boules ne sont pas rondes." Il prit les têtes de mort, s'installa à son tour et en fit de vraies boules. "Comme ça elles rouleront mieux," dit-il. "En avant! On va rire!" Il joua et perdit un peu de son argent. Quand sonna une heure, tout avait disparu. Au matin, le roi vint aux renseignements. "Que t'est-il arrivé cette fois-ci?" demanda-t-il. "J'ai joué aux quilles," répondit le garçon, "et j'ai perdu quelques deniers." - "Tu n'as donc pas eu peur?" - "Eh! non!" dit-il, "je me suis amusé! Si seulement je savais frissonner!"
La troisième nuit, il s'assit à nouveau sur son tour et dit tristement: "Si seulement je pouvais frissonner!" Quand il commença à se faire tard, six hommes immenses entrèrent dans la pièce portant un cercueil. "Hi! Hi! Hi!" dit le garçon, "voilà sûrement mon petit cousin qui est mort il y a quelques jours seulement." Du doigt, il fit signe au cercueil et s'écria: "Viens, petit cousin, viens!" Les hommes posèrent la bière sur le sol; il s'en approcha et souleva le couvercle. Un mort y était allongé. Il lui toucha le visage. Il était froid comme de la glace. "Attends," dit-il, "je vais te réchauffer un peu." Il alla près du feu, s'y réchauffa la main et la posa sur la figure du mort. Mais celui-ci restait tout froid. Alors il le sortit du cercueil, s'assit près du feu et l'installa sur ses genoux en lui frictionnant les bras pour rétablir la circulation du sang. Comme cela ne servait à rien, il songea tout à coup qu'il suffit d'être deux dans un lit pour avoir chaud. Il porta le cadavre sur le lit, le recouvrit et s'allongea à ses côtés. Au bout d'un certain temps, le mort se réchauffa et commença à bouger. "Tu vois, petit cousin," dit le jeune homme, "ne t'ai-je pas bien réchauffé?" Mais le mort, alors, se leva et s'écria: "Maintenant, je vais t'étrangler!" - "De quoi!" dit le garçon, "c'est comme ça que tu me remercies? Retourne au cercueil!" Il le ceintura, et le jeta dans la bière en refermant le couvercle. Les six hommes arrivèrent alors et l'emportèrent. "Je ne réussis pas à frissonner," dit-il. "Ce n'est décidément pas ici que je l'apprendrai."
À ce moment précis entra un homme plus grand que tous les autres et qui avait une mine effrayante. Il était vieux et portait une longue barbe blanche. "Pauvre diable," lui dit-il, "tu ne tarderas pas à savoir ce que c'est que de frissonner: tu vas mourir!" - "Pas si vite!" répondit le garçon. "Pour que je meure, il faudrait d'abord que vous me teniez." - "Je finirai bien par t'avoir!" dit le monstrueux bonhomme. "Tout doux, tout doux! ne te gonfle pas comme ça! je suis aussi fort que toi. Et même bien plus fort!" - "C'est ce qu'on verra," dit le vieux. "Si tu es plus fort que moi, je te laisserai partir. Viens, essayons!" Il le conduisit par un sombre passage dans une forge, prit une hache et d'un seul coup, enfonça une enclume dans le sol. "Je ferai mieux," dit le jeune homme en s'approchant d'une autre enclume. Le vieux se plaça à côté de lui, laissant pendre sa barbe blanche. Le garçon prit la hache, fendit l'enclume d'un seul coup et y coinça la barbe du vieux. "Et voilà! je te tiens!" dit-il, "à toi de mourir maintenant!" Il saisit une barre de fer et se mit à rouer de coups le vieux jusqu'à ce que celui-ci éclatât en lamentations et le suppliât de s'arrêter en lui promettant mille trésors. Le jeune homme débloqua la hache et libéra le vieux qui le reconduisit au château et lui montra, dans une cave, trois caisses pleines d'or. "Il y en a une pour les pauvres, une pour le roi et la troisième sera pour toi," lui dit-il. Sur quoi, une heure sonna et le méchant esprit disparut. Le garçon se trouvait au milieu d'une profonde obscurité. "Il faudra bien que je m'en sorte," dit-il. Il tâtonna autour de lui, retrouva le chemin de sa chambre et s'endormit auprès de son feu. Au matin, le roi arriva et dit: "Alors, as-tu appris à frissonner?" - "Non," répondit le garçon, "je ne sais toujours pas. J'ai vu mon cousin mort et un homme barbu est venu qui m'a montré beaucoup d'or. Mais personne ne m'a dit ce que signifie frissonner." Le roi dit alors: "Tu as libéré le château de ses fantômes et tu épouseras ma fille." - "Bonne chose!" répondit-il, "mais je ne sais toujours pas frissonner."
On alla chercher l'or et les noces furent célébrées. Mais le jeune roi continuait à dire: "Si seulement j'avais peur, si seulement je pouvais frissonner!" La reine finit par en être contrariée. Sa camériste dit: "Je vais l'aider à frissonner! Je vais l'aider à frissonner!" Elle se rendit sur les bords du ruisseau qui coulait dans le jardin et se fit donner un plein seau de goujons. Durant la nuit, alors que son époux dormait, la princesse retira les couvertures et versa sur lui l'eau et les goujons, si bien que les petits poissons frétillaient tout autour de lui. Il s'éveilla et cria: "Ah! comme je frissonne, chère femme! Ah! Oui, maintenant je sais ce que c'est que de frissonner."Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

L’enfant de Marie

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Près de l'entrée d'une grande forêt vivait un bûcheron avec sa femme et son seul enfant, qui était une jeune fille âgée de trois ans. Mais ils étaient si pauvres qu'ils ne savaient que lui donner à manger, car ils n'avaient que leur pain de chaque jour. Un matin le bûcheron s'en alla tout soucieux travailler dans la forêt, et, comme il fendait du bois, une grande et belle femme se présenta tout à coup devant lui: elle portait sur la tète une couronne d'étoiles brillantes, et, lui adressant la parole, elle lui dit: "Je suis la Vierge Marie, mère du petit enfant Jésus; tu es pauvre et misérable, amène-moi ton enfant; je l'emporterai avec moi, je serai sa mère et j'en prendrai soin." Le bûcheron obéit; il alla chercher son enfant et le remit à la Vierge Marie, qui l'emporta là-haut dans le ciel. Là l'enfant se trouvait très heureuse; elle mangeait du biscuit, buvait d'excellente crème; ses vêtements étaient d'or, et les anges jouaient avec elle. Quand elle eut atteint quatorze ans, la Vierge Marie l'appela un jour et lui dit: "Ma chère enfant, j'ai un grand voyage à l'aire; je te confie ces clefs des treize portes du paradis. Tu peux en ouvrir douze et voir les merveilles qu'elles renferment; mais la treizième porte qu'ouvre cette petite clef que voici, celle-là t'est défendue; garde-toi bien de l'ouvrir, car il t'arriverait malheur." La jeune fille promit d'obéir, et, quand la Vierge Marie fut partie, elle commença à visiter les appartements du ciel; chaque jour elle en ouvrait un jusqu'à ce qu'elle eût achevé de voir les douze. Dans chacun se trouvait un apôtre entouré de tant de lumière que de sa vie elle n'avait vu un pareil éclat ni une telle magnificence. Elle s'en réjouit, et les bons anges qui l'accompagnaient toujours s'en réjouissaient avec elle. Maintenant restait encore la porte défendue; elle se sentit une grande envie de savoir ce qui était caché là derrière, et elle dit aux bons anges: " Je ne veux pas l'ouvrir tout entière, mais je voudrais l'entrebâiller un peu, pour que nous puissions voir à travers l'ouverture. "Oh! non," dirent les bons anges, "ce serait un péché: la Vierge Marie l'a défendu, et il pourrait, bien t'en arriver malheur." La jeune fille ne dit rien, mais le désir et la curiosité continuèrent à parler dans son cœur et à la tourmenter sans lui laisser de repos. Quand les bons anges furent enfin partis, elle pensa en elle-même: "Maintenant je suis toute seule; qui me verra?" Et elle alla prendre la clef. Quand elle l'eut prise, elle la mit dans le trou de la serrure, et, quand elle l'y eut placée, elle tourna. La porte s'ouvrit et elle vit au milieu du feu et de la lumière la Trinité assise; elle toucha légèrement la lumière du bout de son doigt, et son doigt devint couleur d'or. Alors elle eut peur, elle ferma bien vite la porte et se sauva. Mais elle continua d'avoir peur, quoi qu'elle fit, et son cœur , battait toujours sans vouloir se calmer, et la couleur de l'or restait sur son doigt et ne s'effaçait pas, quelque soin qu'elle prît de le laver.
Au bout de peu de jours la Vierge Marie revint de son voyage, appela la jeune fille et lui demanda les clefs du paradis. Pendant qu'elle présentait le trousseau, la Vierge la regarda et lui dit: "N'as-tu pas aussi ouvert la treizième porte?" - "Non," répondit-elle. La Vierge porta la main à son cœur; elle sentit qu'il battait et battait très fort, et s'aperçut bien qu'elle avait violé son commandement et ouvert la porte défendue. Elle lui dit encore: "En vérité, ne l'as-tu pas fait?" - "Non," dit une seconde fois la jeune fille. La Vierge regarda le doigt qui s'était doré en touchant la lumière du ciel, et ne douta plus que l'enfant ne fût coupable, et lui dit une troisième fois: "Ne l'as-tu pas fait?" - "Non," dit la jeune fille une troisième fois. La Vierge Marie dit alors: "Tu ne m'as pas obéi et tu as menti; tu ne mérites plus de rester dans le ciel."
La jeune fille tomba dans un profond sommeil, et, quand elle se réveilla, elle était couchée sur le sol, au milieu d'un endroit désert. Elle voulut appeler, mais elle ne pouvait faire entendre aucun son; elle se leva et voulut se sauver, mais, de quelque côté qu'elle se tournât, elle était arrêtée par un épais taillis qu'elle ne pouvait franchir. Dans le cercle où elle était ainsi enfermée se trouvait un vieil arbre dont le tronc creux lui servit d'habitation. La nuit elle y dormait, et, quand il faisait de la pluie ou de l'orage, elle y trouvait un abri. Des racines, des baies sauvages étaient sa seule nourriture, et elle en cherchait aussi loin qu'elle pouvait aller. Pendant l'automne, elle ramassait les feuilles de l'arbre, les portait dans le creux, et quand la neige et le froid arrivaient, elle venait s'y cacher. Ses vêtements s'usèrent à la fin et se détachèrent par lambeaux; il fallut encore qu'elle s'enveloppât dans les feuilles. Puis, dès que le soleil reprenait sa chaleur, elle sortait, se plaçait au pied de l'arbre, et ses longs cheveux la couvraient de tous côtés comme un manteau. Elle demeura longtemps dans cet état, éprouvant toutes les misères et toutes les souffrances du monde.
Un jour de printemps, le roi du pays chassait dans la forêt et poursuivait une pièce de gibier. L'animal s'étant réfugié dans le taillis qui entourait le vieil arbre creux, le prince descendit de cheval, sépara les branches du fourré et s'y ouvrit un chemin avec son épée. Quand il eut réussi à le franchir, il vit assise sous l'arbre une jeune fille merveilleusement belle, que ses cheveux d'or couvraient tout entière jusqu'à la pointe des pieds. Il la regarda avec étonnement et lui dit: "Comment es-tu venue dans ce désert?" Elle resta muette, car il lui était impossible d'ouvrir la bouche. Le roi lui dit encore: "Veux-tu venir avec moi dans mon palais?" Elle fit seulement un petit signe de la tète. Le roi la prit dans ses bras, la porta sur son cheval et l'emmena dans sa demeure, où il lui fit prendre des vêtements et lui donna tout en abondance. Quoiqu'elle ne pût parler, elle était si belle et si gracieuse qu'il se prit pour elle d'une grande passion et l'épousa.
Une année à peu près s'était écoulée quand la reine mit au monde un fils. La nuit, comme elle était couchée seule dans son lit, la Vierge Marie lui apparut et lui parla ainsi: "Si tu veux enfin dire la vérité et avouer que tu as ouvert la porte défendue, je t'ouvrirai la bouche et te rendrai la parole; mais si tu t'obstines dans le péché et persistes à mentir, j'emporterai avec moi ton enfant nouveau-né." Alors il fut permis à la reine de répondre, mais elle dit: "Non, je n'ai pas ouvert la porte défendue." Et la Vierge Marie enleva de ses bras son enfant nouveau-né et disparut avec lui. Le lendemain matin, quand on ne trouva plus l'enfant, un bruit se répandit parmi les gens du palais que la reine était une ogresse et qu'elle l'avait tué. Elle entendait tout et ne pouvait rien répondre; mais le roi l'aimait trop tendrement pour croire ce qui se disait.
Au bout d'un an la reine eut encore un fils; la Vierge Marie se présenta de nouveau la nuit devant elle et lui dit: "Si tu veux enfin avouer que tu as ouvert la porte défendue, je te rendrai ton enfant et je te délierai la langue; mais si tu t'obstines dans ton péché et continues à mentir, j'emporterai encore ton nouveau-né." La reine dit comme la première fois: "Non, je n'ai pas ouvert la porte défendue." Et la Vierge lui prit dans ses bras son enfant et l'enleva dans le ciel. Le matin, quand les gens apprirent que l'enfant avait encore disparu, ils dirent tout haut que la reine l'avait mangé, et les conseillers du roi demandèrent qu'on lui fit son procès. Mais le roi l'aimait si tendrement qu'il n'en voulut rien croire et qu'il ordonna à ses conseillers de ne plus reparler de cela sous peine de la vie.
La troisième année, la reine donna le jour à une belle petite fille, et la Vierge Marie lui apparut encore pendant la nuit et lui dit: "Suis-moi." Elle la prit par la main, la conduisit dans le ciel et lui montra ses deux premiers-nés qui lui souriaient et jouaient avec le globe du monde. Et comme la mère se réjouissait de les voir, la Vierge Marie lui dit: "Si tu veux avouer maintenant que tu as ouvert la porte défendue, je te rendrai tes deux beaux petits garçons." La reine répondit pour la troisième fois: "Non, je n'ai pas ouvert la porte défendue." La Vierge la laissa retomber sur la terre et lui prit son troisième enfant.
Le lendemain matin, quand on ne le trouva plus, chacun dit tout haut: "La reine est une ogresse; il faut qu'elle soit condamnée à mort." Et le roi ne put cette fois repousser l'avis de ses conseillers. Elle fut appelée devant un tribunal, et comme elle ne pouvait ni répondre ni se défendre, elle fut condamnée à périr sur le bûcher. Le bois était amassé, elle était attachée au poteau, et la flamme commençait à s'élever autour d'elle, lorsque son cœur fut touché de repentir: Si je pouvais avant de mourir, pensa-t-elle, avouer que j'ai ouvert la porte! Et elle cria: "Oui, Marie, je suis coupable!" Comme cette pensée lui venait au cœur, la pluie commença à tomber du ciel et éteignit le feu du bûcher: une lumière se répandit autour d'elle, et la Vierge Marie descendit, ayant à ses côtés les deux fils premiers nés et portant dans ses bras la petite fille venue la dernière. Elle dit à la reine d'un ton plein de bonté: "Il est pardonné à celui qui avoue son péché et s'en repent." Elle lui présenta les enfants, lui délia la langue et lui donna du bonheur pour toute sa vie.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Chat et souris associés

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Le chat fit la connaissance d'une souris. Il l'assura si bien que ses sentiments envers elle étaient amicaux et chaleureux que la souris se laissa convaincre et finit par accepter de vivre avec le chat, sous le même toit. «Il nous faudra faire nos réserves de nourriture pour l'hiver,» dit le chat, «sinon nous risquons de mourir de faim. Toi, ma petite souris, tu ne peux pas aller partout, tu pourrais te faire prendre dans un piège.» C'était une bonne idée. Ils achetèrent alors un petit pot de saindoux mais ne savaient pas où le cacher. Ils réfléchirent longtemps et, finalement, le chat décida: «Sais-tu ce que nous allons faire? Nous le cacherons dans l'église; on ne peut imaginer meilleure cachette! Personne n'oserait emporter quelque chose d'une église. Nous poserons le pot sous l'autel et nous ne l'entamerons qu'en cas de nécessité absolue.» Ils portèrent donc le pot en ce lieu sûr, mais très vite le chat eut envie de saindoux. Il dit à la souris: «Je voulais te dire, ma petite souris, ma cousine m'a demandé d'être le parrain de leur petit dernier. Ils ont eu un petit, blanc avec des taches marron et je dois le tenir pendant le baptême. Laisse-moi y aller, et occupe-toi aujourd'hui de la maison toute seule, veux-tu?» - «Bien sûr, sans problème,» acquiesça la souris, «vas-y, si tu veux, et pense à moi quand tu mangeras des bonnes choses. J'aurais bien voulu, moi aussi, goûter de ce bon vin doux qu'on donne aux jeunes mamans.» Mais tout cela était faux; le chat n'avait pas de cousine et personne ne lui avait demandé d'être parrain. Il s'empressa d'aller à l'église, rampa jusqu'au petit pot de saindoux et lécha jusqu'à avoir mangé toute la graisse du dessus. Ensuite, il partit se promener sur les toits pour voir ce qui se passait dans le monde, et puis surtout pour trouver encore quelque chose de bon à manger. Puis il s'allongea au soleil. Et chaque fois qu'il se souvenait du petit pot de saindoux, il se léchait les babines et se caressait la moustache. Il ne rentra à la maison que dans la soirée. «Te voilà enfin de retour!» l'accueillit la petite souris. «T'es-tu bien amusé? Vous avez dù bien rire.» - «Oui, ce n'était pas mal,» répondit le chat. «Et quel nom avez-vous donné à ce chaton?» demanda la souris. «Sanledessu,» répondit sèchement le chat. «Sanledessu?» chicota la souris, «quel drôle de nom! Assez rare, dirais-je. Est-il courant dans votre famille?» - «Tu peux dire ce que tu veux,» rétorqua le chat, «mais ce n'est pas pire que Volemiettes, le nom de tes filleuls.»
Peu de temps après, le chat se sentit de nouveau l'eau venir à la bouche. «Sois gentille,» supplia-t-il, «occupe-toi encore une fois de la maison toute seule. Fais cela pour moi, petite souris; on m'a encore demandé d'être le parrain. Le chaton a une collerette blanche au cou, je ne peux pas refuser.» La gentille souris fut d'accord. Et le chat se glissa à travers le mur de la ville, s'introduisit dans l'église et vida la moitié du pot de saindoux. «Rien à faire,» se dit-il, «c'est bien meilleur quand on mange tout seul.» Et il se félicita de son exploit. Lorsqu'il arriva à la maison, la petite souris demanda: «Comment avez-vous baptisé le bébé?» - «Miparti,» répondit le chat. «Miparti? Pas possible! je n'ai jamais entendu un nom pareil. Je parie qu'il n'est même pas dans le calendrier.»
Le chat ne tarda pas à se sentir de nouveau l'eau à la bouche en pensant au pot de saindoux. «Jamais deux sans trois,» dit-il à la souris. «On me demande de nouveau d'être le parrain. L'enfant est tout noir, seules les pattes sont blanches, elles mis à part, il n'a pas un seul poil blanc. Un enfant comme ça ne nait qu'une fois par siècle! Tu me laisseras y aller, n'est-ce pas?» - «Sanledessu! Miparti!» répondit la souris, «ce sont des noms si étranges. Cela ne s'est jamais vu. Ils me trottent dans la tête sans arrêt.» - «C'est parce que tu restes tout le temps ici, avec ta vilaine robe gris foncé à longue natte, tu passes toutes tes journées enfermée ici, pas étonnant que tout se brouille dans ta tête, dit le chat. Voilà ce qui arrive quand on passe sa vie dans ses pantoufles.» Le chat parti, la petite souris fit le ménage dans toute la maison. Pendant ce temps-là, le chat gourmand vida entièrement le pot de saindoux. «Et voilà,» pensa-t-il, «maintenant que j'ai tout mangé, je ne serai plus tenté.» Si repu qu'il s'essoufflait en marchant, il ne rentra à la maison que la nuit, mais serein. La petite souris lui demanda aussitôt le nom du troisième chaton. «Je suis sûr que tu n'aimeras pas,» répondit le chat. «Il s'appelle Toufini.» - «Toufini!» chicota la souris. «Cela parait suspect, ce nom ne me dit rien qui vaille. Je ne l'ai jamais vu imprimé quelque part. Toufini! Qu'est ce que cela veut dire, en fait?» Elle hocha la tête, se roula en boule et s'endormit.
Depuis ce jour, plus personne n'invita le chat à un baptême. L'hiver arriva, et dehors, il n'y avait rien à manger. La petite souris se rappela qu'ils avaient quelque chose en réserve. «Viens, mon chat, allons chercher notre pot de saindoux que nous avons caché pour les temps durs. On va se régaler.» - «Tu te régaleras, tu te régaleras,» marmonna le chat, «cela sera comme si tu sortais ta petite langue fine par la fenêtre.» Ils s'en allèrent et lorsqu'ils arrivèrent dans l'église, le pot était toujours à sa place mais vide. «Ça y est,» dit la souris, «je comprends tout, j'y vois clair à présent. Tu parles d'un ami! Tu as tout mangé quand tu allais faire le parrain: d'abord Sanledessu, puis Miparti et pour finir…» - «Tais-toi,» coupa le chat, «encore un mot et je te mange!»
Mais la petite souris avait le «Toufini» sur la langue, et à peine l'eut-elle prononcé que le chat lui sauta dessus, l'attrapa et la dévora. Eh oui, ainsi va le monde.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Dans des temps très anciens, alors qu'il pouvait encore être utile de faire des voeux, vivait un roi dont toutes les filles étaient belles. La plus jeune était si belle que le soleil, qui en a cependant tant vu, s'étonnait chaque fois qu'il illuminait son visage. Non loin du château du roi, il y avait une grande et sombre forêt et, dans la forêt, sous un vieux tilleul, une fontaine. Un jour qu'il faisait très chaud, la royale enfant partit dans le bois, et s'assit au bord de la source fraîche. Et comme elle s'ennuyait, elle prit sa balle en or, la jeta en l'air et la rattrapa; c'était son jeu favori.
Il arriva que la balle d'or, au lieu de revenir dans sa main, tomba sur le sol et roula tout droit dans l'eau. La princesse la suivit des yeux, mais la balle disparut: la fontaine était si profonde qu'on n'en voyait pas le fond. La jeune fille se mit à pleurer, à pleurer de plus en plus fort; elle était inconsolable. Comme elle gémissait ainsi, quelqu'un lui cria: "Pourquoi pleures-tu, princesse, si fort qu'une pierre s'en laisserait attendrir?" Elle regarda autour d'elle pour voir d'où venait la voix et aperçut une grenouille qui tendait hors de l'eau sa tête grosse et affreuse. "Ah! c'est toi, vieille barboteuse!" dit-elle, "je pleure ma balle d'or qui est tombée dans la fontaine." - "Tais-toi et ne pleure plus," dit la grenouille, "je vais t'aider. Mais que me donneras-tu si je te rapporte ton jouet?" - "Ce que tu voudras, chère grenouille," répondit-elle, "mes habits, mes perles et mes diamants et même la couronne d'or que je porte sur la tête." - "Je ne veux ni de tes perles, ni de tes diamants, ni de ta couronne. Mais, si tu acceptes de m'aimer, si tu me prends comme compagne et camarade de jeux, si je peux m'asseoir à ta table à côté de toi, manger dans ton assiette, boire dans ton gobelet et dormir dans ton lit, si tu me promets tout cela, je plongerai au fond de la source et te rendrai ta balle." - "Mais oui," dit-elle, "je te promets tout ce que tu veux à condition que tu me retrouves ma balle." Elle se disait: Elle vit là, dans l'eau avec les siens et coasse. Comment serait-elle la compagne d'un être humain?
Quand la grenouille eut obtenu sa promesse, elle mit la tête sous l'eau, plongea et, peu après, réapparut en tenant la balle entre ses lèvres. Elle la jeta sur l'herbe. En retrouvant son beau jouet, la fille du roi fut folle de joie. Elle le ramassa et partit en courant. "Attends! Attends!" cria la grenouille. "Emmène-moi! Je ne peux pas courir aussi vite que toi!" Mais il ne lui servit à rien de pousser ses 'coâ! coâ! coâ!' aussi fort qu'elle pouvait. La jeune fille ne l'écoutait pas. Elle se hâtait de rentrer à la maison et bientôt la pauvre grenouille fut oubliée. Il ne lui restait plus qu'à replonger dans la fontaine.
Le lendemain, comme la petite princesse était à table, mangeant dans sa jolie assiette d'or, avec le roi et tous les gens de la Cour, on entendit - plouf! plouf! plouf! plouf! - quelque chose qui montait l'escalier de marbre. Puis on frappa à la porte et une voix dit: "Fille du roi, la plus jeune, ouvre moi!" Elle se leva de table pour voir qui était là. Quand elle ouvrit, elle aperçut la grenouille. Elle repoussa bien vite la porte et alla reprendre sa place. Elle avait très peur. Le roi vit que son coeur battait fort et dit: "Que crains-tu, mon enfant? Y aurait-il un géant derrière la porte, qui viendrait te chercher?" - "Oh! non," répondit-elle, "ce n'est pas un géant, mais une vilaine grenouille." - "Que te veut cette grenouille?" - "Ah! cher père, hier, comme j'étais au bord de la fontaine et que je jouais avec ma balle d'or, celle-ci tomba dans l'eau. Parce que je pleurais bien fort, la grenouille me l'a rapportée. Et comme elle me le demandait avec insistance, je lui ai promis qu'elle deviendrait ma compagne. Mais je ne pensais pas qu'elle sortirait de son eau. Et voilà qu'elle est là dehors et veut venir auprès de moi." Sur ces entrefaites, on frappa une seconde fois à la porte et une voix dit:
"Fille du roi, la plus jeune,Ouvre-moi!Ne sais-tu plus ce qu'hierAu bord de la fontaine fraîcheTu me promis?Fille du roi, la plus jeune,Ouvre-moi!"
Le roi dit alors: "Ce que tu as promis, il faut le faire. Va et ouvre!" Elle se leva et ouvrit la porte. La grenouille sautilla dans la salle, toujours sur ses talons, jusqu'à sa chaise. Là, elle s'arrêta et dit: "Prends-moi auprès de toi!" La princesse hésita. Mais le roi lui donna l'ordre d'obéir. Quand la grenouille fut installée sur la chaise, elle demanda à monter sur la table. Et quand elle y fut, elle dit: "Approche ta petite assiette d'or, nous allons y manger ensemble." La princesse fit ce qu'on voulait, mais c'était malgré tout de mauvais coeur. La grenouille mangea de bon appétit; quant à la princesse, chaque bouchée lui restait au travers de la gorge. À la fin, la grenouille dit: "J'ai mangé à satiété; maintenant, je suis fatiguée. Conduis-moi dans ta chambrette et prépare ton lit de soie; nous allons dormir." La fille du roi se mit à pleurer; elle avait peur du contact glacé de la grenouille et n'osait pas la toucher. Et maintenant, elle allait dormir dans son joli lit bien propre! Mais le roi se fâcha et dit: "Tu n'as pas le droit de mépriser celle qui t'a aidée quand tu étais dans le chagrin." La princesse saisit la grenouille entre deux doigts, la monta dans sa chambre et la déposa dans un coin. Quand elle fut couchée, la grenouille sauta près du lit et dit: "Prends-moi, sinon je le dirai à ton père." La princesse se mit en colère, saisit la grenouille et la projeta de toutes ses forces contre le mur: "Comme ça tu dormiras, affreuse grenouille!"
Mais quand l'animal retomba sur le sol, ce n'était plus une grenouille. Un prince aux beaux yeux pleins d'amitié la regardait. Il en fut fait selon la volonté du père de la princesse. Il devint son compagnon aimé et son époux. Il lui raconta qu'une méchante sorcière lui avait jeté un sort et la princesse seule pouvait l'en libérer. Le lendemain, ils partiraient tous deux pour son royaume. Ils s'endormirent et, au matin, quand le soleil se leva, on vit arriver une voiture attelée de huit chevaux blancs. Ils avaient de blancs plumets sur la tête et leurs harnais étaient d'or. À l'arrière se tenait le valet du jeune roi. C'était le fidèle Henri. Il avait eu tant de chagrin quand il avait vu son seigneur transformé en grenouille qu'il s'était fait bander la poitrine de trois cercles de fer pour que son coeur n'éclatât pas de douleur. La voiture devait emmener le prince dans son royaume. Le fidèle Henri l'y fit monter avec la princesse, et s'installa de nouveau à l'arrière, tout heureux de voir son maître libéré du mauvais sort.
Quand ils eurent roulé pendant quelque temps, le prince entendit des craquements derrière lui, comme si quelque chose se brisait. Il tourna la tête et dit:
"Henri, est-ce l'attelage qui brise ses chaînes?""Eh! non, Seigneur, ce n'est pas la voiture,Mais de mon coeur l'une des ceintures.Car j'ai eu tant de peineQuand vous étiez dans la fontaine,Transformé en grenouille vilaine!"
Par deux fois encore, en cours de route, on entendit des craquements et le prince crut encore que la voiture se brisait. Mais ce n'était que les cercles de fer du fidèle Henri, heureux de voir son seigneur délivré.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

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