Contes de Grimm

Les Contes de fées des frères Grimm, initialement compilés par Jacob et Wilhelm Grimm, sont une collection de contes populaires intemporels qui enchantent les lecteurs depuis des siècles. Ces récits sont un véritable trésor de folklore, présentant des histoires de courage, de magie et de moralité qui résonnent à travers les générations. Des classiques comme « Cendrillon », « Blanche-Neige » et « Hansel et Gretel » aux perles moins connues telles que « Le Pêcheur et sa Femme » et « Rumpelstiltskin », chaque histoire offre un aperçu de la riche tapisserie de la tradition orale européenne. Les Contes de fées des Grimm se caractérisent par leurs personnages vivants, leurs leçons morales et leurs tonalités souvent sombres, reflétant les réalités dures et les éléments fantastiques de leurs contextes historiques. Leur attrait durable réside dans leur capacité à divertir, enseigner et inspirer l’émerveillement, faisant d’eux une pierre angulaire de la littérature pour enfants et une source de fascination pour les chercheurs en folklore et en narration.

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Episodes

Les lutins

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

I
C'était un cordonnier qui était devenu si pauvre, sans qu'il y eût de sa faute, qu'à la fin, il ne lui reste à plus de cuir que pour une seule et unique paire de chaussures. Le soir, donc, il le découpa, comptant se remettre au travail le lendemain matin et finir cette paire de chaussures; et quand son cuir fût taillé, il alla se coucher, l'âme en paix et la conscience en repos; il se recommanda au bon Dieu et s'endormit.Au lieu du cuir le lendemain matin, après avoir fait sa prière, il voulait se remettre au travail quand il vit, sur son établi, les souliers tout faits et complètement finis. Il en fut tellement étonné qu'il ne savait plus que dire. Il prit les chaussures en main et les examina de près: le travail était impeccable et si finement fait qu'on eût dit un chef-d'œuvre: pas le moindre point qui ne fut parfait. Un acheteur arriva peu après, trouva les souliers fort à son goût et les paya plus cher que le prix habituel. Avec l'argent, le cordonnier put acheter assez de cuir pour faire deux paires de chaussures, qu'il tailla le soir même, pensant les achever le lendemain en s'y mettant de bonne heure. Mais le matin, quand il arriva au travail, les deux paires de souliers étaient faites, posées sur son établi, sans qu'il se fût donné la moindre peine; au surplus, les acheteurs ne lui manquèrent point non plus: et c'étaient de vrais connaisseurs, car il lui laissèrent assez d'argent pour qu'il pût acheter de quoi faire quatre paires de chaussures. Et ces quatre paires-là aussi, il les trouva finies le matin quand il venait, plein de courage, pour se mettre au travail. Et comme par la suite, il en alla toujours de même et que ce qu'il avait coupé le soir se trouvait fait le lendemain matin, le cordonnier se trouva non seulement tiré de la misère, mais bientôt dans une confortable aisance qui touchait presque à la richesse.Peu de temps avant la Noël, un soir, après avoir taillé et découpé son cuir, le cordonnier dit à sa femme au moment d'aller au lit: « Dis donc, si nous restions éveillés cette nuit pour voir qui nous apporte ainsi son assistance généreuse? »L' épouse en fut heureuse et alluma une chandelle neuve, puis ils allèrent se cacher, tous les deux, derrière les vêtements de la penderie et où ils restèrent à guetter. À minuit, arrivèrent deux mignons petits nains tout nus qui s'installèrent à l'établi et qui, tirant à eux les coupes de cuir, se mirent de leur agiles petits doigts à monter et piquer, coudre et clouer les chaussures avec des gestes d'une prestesse et d'une perfection telles qu'on n'arrivait pas à les suivre, ni même à comprendre comment c'était possible. Ils ne s'arrêtèrent pas dans leur travail avant d'avoir tout achevé et aligné les chaussures sur l'établi; puis ils disparurent tout aussi prestement.Le lendemain matin, l'épouse dit au cordonnier:- Ces petits hommes nous ont apporté la richesse, nous devrions leur montrer notre reconnaissance: ils sont tout nus et il doivent avoir froid à courir ainsi. Sais-tu quoi? Je vais leur coudre de petits caleçons et de petites chemises, de petites culottes et de petites vestes et je tricoterai pour eux de petites chaussettes; toi, tu leur feras à chacun une petite paire de souliers pour aller avec.- Cela, dit le mari, je le ferai avec plaisir!Et le soir, quand ils eurent tout fini, ils déposèrent leurs cadeaux sur l'établi, à la place du cuir découpé qui s'y entassait d'habitude, et ils allèrent se cacher de nouveaux pour voir comment ils recevraient leur présent. À minuit, les lutins arrivèrent en sautillant pour se mettre au travail; quand ils trouvèrent sur l'établi, au lieu du cuir, les petits vêtements préparés pour eux, ils marquèrent de l'étonnement d'abord, puis une grande joie à voir les jolies petites choses, dont ils ne tardèrent pas à s'habiller des pieds à la tête en un clin d'œil, pour se mettre aussitôt à chanter:
Maintenant nous voilà comme de vrais dandys!Pourquoi jouer encor les cordonniers ici?
Joyeux et bondissants, ils se mirent à danser dans l'atelier, à gambader comme de petits fous, sautant par-dessus chaises et bancs, pour gagner finalement la porte et s'en aller, toujours dansant. Depuis lors, on ne les a plus revus; mais pour le cordonnier tout alla bien jusqu'à son dernier jour, et tout lui réussit dans ses activités comme dans ses entreprises.
II
Il y avait une fois une pauvre servante qui était travailleuse et propre, qui balayait soigneusement chaque jour la maison et portait les ordures sur un grand tas devant la porte. Un matin, de bonne heure, comme elle arrivait déjà pour se mettre au travail, elle y trouva une lettre; mais comme elle ne savait pas lire, elle laissa son balai dans un coin, ce matin-là, et alla montrer la lettre à ses maîtres. C'était une invitation des lutins qui demandaient à la servante de servir de marraine à l'un de leurs enfants. Elle n'était pas décidée et ne savait que faire, mais à la fin, après beaucoup de paroles, ses maîtres réussirent à la convaincre qu'on ne pouvait pas refuser une invitation de cette sorte, et elle l'admit. Trois lutins vinrent la chercher pour la conduire dans une montagne creuse où vivaient les petits hommes. Tout y était petit, mais si délicat, si exquis qu'on ne peut pas le dire. L'accouchée reposait dans un lit noir d'ébène poli, à rosaces de perles, avec des couvertures brodées d'or; le minuscule berceau était d'ivoire et la baignoire d'or massif.La servante tint l'enfant sur les fonts baptismaux, puis voulu s'en retourner chez ses maîtres mais les lutins la prièrent instamment de demeurer trois jours avec eux. Elle accepta et demeura ces trois jours, qu'elle passa en plaisir est en joie, car les petits hommes la comblèrent de tous ce qu'elle aimait. Quand enfin elle voulut prendre le chemin du retour, ils lui bourrèrent les poches d'or et l'accompagnèrent gentiment au bas de la montagne. Arrivée à la maison, comme elle pensait avoir perdu assez de temps, elle s'en alla tout droit chercher le balai qui était toujours dans son coin. Elle commençait à balayer, quand des gens qu'elle n'avait jamais vus descendirent et virent lui demander qui elle était et ce qu'elle désirait. Parce que ce n'étaient pas trois jours, mais bien sept ans q'elle avait passés chez les petits hommes de la montagne; et ses anciens patrons étaient morts dans l'intervalle.
III
Une mère avait eu son enfant enlevé du berceau par les lutins qui, qui avaient mis à sa place un petit monstre à grosse tête avec le regard fixe, occupé seulement de boire et de manger. Dans sa détresse, elle alla demander conseil à sa voisine, qui lui dit de porter le petit monstre à la cuisine, de l'installer devant la cheminée et d'allumer le feu pour faire bouillir de l'eau dans deux coquilles d'œuf: « Le monstre ne pourra pas s'empêcher de rire, lui dit-elle, et dès l'instant qu'il rit, c'en est fini de lui. »La femme fit tout ce que sa voisine lui avait dit de faire, et Grosse-Tête, en la voyant mettre l'eau à bouillir dans des coquilles d'œufs, parla:
Moi qui suis vieux pourtantComme les bois de Prusse,Je n'avais jamais vu cuisiner et dans un œuf!
Et le voilà qui éclate de rire, et il riait encore quand déjà surgissaient toute une foule de lutins qui rapportèrent le véritable enfant, l'installèrent devant le feu et emportèrent avec eux le monstre à grosse tête.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tom Pouce

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Un pauvre laboureur assis un soir au coin de son feu dit à sa femme, qui filait à côté de lui:- Quel grand chagrin pour nous de ne pas avoir d'enfants. Notre maison est si triste tandis que la gaieté et le bruit animent celle de nos voisins.- Hélas! dit la femme, en poussant un soupir quand nous n'en aurions qu'un gros comme le pouce, je m'en contenterais, et nous l'aimerions de tout notre cœur.Sur ces entrefaites, la femme devint souffrante et mit au monde au bout de sept mois un enfant bien conformé dans tous ses membres mais n'ayant qu'un pouce de haut.Ils dirent:- Il est tel que nous l'avons souhaité et nous ne l'en aimerons pas moins de, tout notre cœur.Ils l'appelèrent Tom Pouce à cause de sa taille... Ils ne le laissaient manquer de rien; cependant l'enfant ne grandit pas et conserva toujours sa petite taille. Il avait les yeux vifs, la physionomie intelligente et se montra bientôt avisé et adroit, de sorte que tout ce qu'il entreprit lui réussit.Le paysan s'apprêtait un jour à aller abattre du bois dans la forêt et il se disait à lui-même: " Ah! si j'avais quelqu'un qui voulût conduire ma charrette! "- Père, s'écria Tom Pouce, je la conduirai bien, vous pouvez vous reposer sur moi, elle arrivera dans le bois à temps.L'homme se mit à rire.- Comment cela est-il possible, dit-il, tu es beaucoup trop petit pour conduire, le cheval par la bride.- Ça ne fait rien, si maman veut atteler je m'installerai dans l'oreille du cheval et je lui crierai où il faudra qu'il aille.- Eh bien, dit le père, nous allons essayer.La mère attela et installa Tom Pouce dans l'oreille du cheval. Le petit homme lui cria le chemin qu'il fallait prendre. " Hue! dia! Rue! dia! " et le cheval marcha ainsi, comme, s'il eût été guidé, par un véritable charretier; la charrette arriva dans le bois par la bonne route.Au moment où la voiture tournait au coin d'une haie, tandis que, le petit criait: Dia, Dia! deux étrangers vinrent à passer.- Voilà, s'écria l'un d'eux, une charrette qui marche sans que l'on voie le charretier et cependant on entend sa voix.- C'est étrange, en effet, dit l'autre, suivons-la et voyons où elle s'arrêtera.Elle poursuivit sa route et s'arrêta juste à l'endroit où se trouvait le bois abattu.Quand Tom Pouce, aperçut son père, il lui cria:- Vois-tu, père, me voilà avec la voiture, maintenant viens me faire descendre.Lie père saisit la bride du cheval de la main gauche et de la main droite retira de l'oreille son fils et le déposa à terre. Celui-ci s'assit joyeusement sur un fétu. En voyant Tom Pouce les deux étrangers ne surent que dire dans leur étonnement.L'un d'eux prit l'autre à part et lui dit:- Ecoute, ce petit être ferait notre fortune si nous l'exhibions pour de l'argent dans une grande ville. Achetons-le.Ils s'adressèrent au paysan et lui dirent:- Vendez-nous ce petit bonhomme, nous en aurons bien soin.- Non, répond le père, c'est mon enfant et il n'est pas à vendre pour tout l'or du monde.Cependant, en entendant cette proposition, Tom Pouce avait grimpé le long des plis des vêtements de son Père. Il se posa sur son épaule et de là lui souffla dans l'oreille:- Livrez-moi toujours, père, je saurai bien revenir.Son père le donna donc aux deux hommes pour une belle pièce d'or.- Où veux-tu te, mettre lui demandèrent-ils.- Posez-moi sur le bord de votre chapeau, je pourrai m'y promener et voir le paysage; je ne tomberai pas.Ils firent comme il le demanda et quand Tom Pouce eut fait ses adieux à son père ils l'emmenèrent avec eux. Ils marchèrent ainsi jusqu'au soir. A ce moment le petit homme leur dit:- Posez-moi un peu par terre, j'ai besoin de descendre.L'homme ôta son chapeau et en retira Tom Pouce qu'il déposa dans un champ près de la route. Aussitôt il s'enfuit parmi les mottes de terre, puis il se glissa dans un trou de souris qu'il avait cherché exprès.- Bonsoir, mes amis, rentrez sans moi, leur cria-t-il d'un ton moqueur.Ils voulurent le rattraper et fourragèrent avec des baguettes le trou de souris, peine perdue. Tom Pouce s'y enfonça toujours plus avant, et, comme la nuit était venue tout à fait, ils durent rentrer chez eux en colère et les mains vides.
Quand ils furent partis, Tom Pouce sortit de sa cachette souterraine. Il est dangereux de s'aventurer de nuit dans les champs, on a vite fait de se casser une jambe. Il rencontra par bonheur une coque vide d'escargot.- Je pourrai passer ici la nuit en sûreté; et il s'y installa. Sur le point de s'endormir, il entendit passer deux hommes dont l'un dit:- Comment s'y prendre pour dérober son or et son argent à ce richard de curé?- Je vais vous le dire, interrompit Tom Pouce.- Que veut dire ceci s'écria l'un des voleurs effrayés; j'ai entendu quelqu'un parler.Ils s'arrêtèrent et prêtèrent l'oreille. Tom Pouce répéta:- Emmenez-moi, je vous aiderai.- Mais où es-tu?- Cherchez par, terre, répondit-il, et du côté d'où vient la voix.Les voleurs finirent par le trouver.- Comment peux-tu avoir la prétention de nous être utile, petit drôle? lui demandèrent-ils.- Je me glisserai à travers les barreaux dans la fenêtre du curé, et -vous passerai tout ce que vous voudrez.- C'est bien, répondirent-ils, nous allons voir ce que tu sais faire.
Quand ils furent arrivés au presbytère, Tom Pouce se coula dans la chambre du curé, puis il se mit à crier de toutes ses forces:- Voulez-vous tout ce qu'il y a ici?Les -voleurs furent effrayés et ils lui dirent:- Parle plus bas, tu vas éveiller tout le monde.Mais Tom Pouce feignit de ne pas avoir entendu et cria de nouveau:- Qu'est-ce que vous désirez? Voulez-vous tout ce qu'il y a ici?La servante qui reposait dans la chambre contiguë entendit ces mots, elle se leva sur son séant et prêta l'oreille. Les voleurs avaient commencé à battre en retraite, mais ils reprirent courage, et, pensant que le petit drôle voulait s'amuser à leurs dépens, ils revinrent sur leurs pas et lui dirent tout bas:- Allons, sois sérieux et passe-nous quelque chose.Alors Tom Pouce cria encore une fois, le plus fort qu'il put:- Je vous passerai tout; tendez-moi les mains.Cette fois, la servante entendit bien nettement, elle sauta à bas de son lit et se précipita vers la porte. Les voleurs s'enfuirent comme si le diable eût été à leurs trousses, mais n'ayant rien remarqué, la servante alla allumer une chandelle. Quand elle revint, Tom Pouce alla se cacher dans le foin, et la servante, ayant fouillé, partout sans avoir rien pu découvrir, crut avoir rêvé les yeux ouverts et alla se recoucher.
Tom Pouce s'était blotti dans le foin et s'y était arrangé une bonne, place, pour dormir; il comptait s'y reposer jusqu'au jour et puis retourner chez ses parents. Mais il dut en voir bien d'autres, car ce monde est plein de peines et de, misères. La servante se leva dès l'aurore, pour donner à manger aux bestiaux. Sa première visite fut pour la grange où elle prit une brassée du foin là où se trouvait précisément endormi le pauvre Tom. Mais il dormait d'un sommeil si profond qu'il ne s'aperçut de rien et ne s'éveilla que quand il fut dans la bouche d'une vache qui l'avait pris avec son foin.- Mon Dieu! s'écria-t-il, me voilà dans le moulin à foulon.Mais il se rendit bientôt compte où il se, trouvait réellement. Il prit garde, de ne pas se laisser broyer entre les dents, et finalement glissa dans la gorge et dans la panse. " Les fenêtres ont été oubliées dans cet appartement, se dit-il, et l'on n'y voit ni le soleil, ni chandelle. " Ce, séjour lui déplut beaucoup et, ce qui aggravait encore la situation, c'est qu'il arrivait toujours du nouveau foin et que l'espace qu'il occupait devenait de plus en plus, étroit. Il se mit à crier le plus haut qu'il put:- Ne m'envoyez plus de fourrage, ne m'envoyez plus de fourrage,!La servante à ce moment était justement en train de traire la vache. En entendant parler sans voir personne, et, reconnaissant la même voix que celle qui l'avait déjà éveillée la nuit, elle fut prise d'une telle frayeur qu'elle tomba de son tabouret et répandit son lait.Elle alla en toute hâte trouver son maître et lui cria:- Ah! grand Dieu, monsieur le curé, la vache parle.- Tu es folle, répondit le prêtre.Il se rendit cependant à l'étable afin de s'assurer de ce, qui se passait.A peine y eut-il mis le pied que Tom Pouce s'écria de nouveau:- Ne m'envoyez plus de fourrage, ne m'envoyez plus, de fourrage.La frayeur gagna le curé lui-même et, s'imaginant qu'il y avait un diable dans le corps de la vache, il dû qu'il fallait la tuer. Ainsi fut fait, et l'on jeta au fumier la panse, où se trouvait le pauvre Tom Pouce.
Il eut beaucoup de mal à se démêler de là et il commençait à passer sa tête quand survint un nouveau malheur. Un loup affamé qui passait par là avala la panse de la vache avec le petit bonhomme d'une seule bouchée. Tom Pouce ne perdit pas courage. " Peut-être, se dit-il, ce loup sera-t-il traitable. " Et de son ventre où il était enfermé il lui cria:- Cher loup, je, vais t'indiquer un bon repas à faire.- Et où cela? dit le loup.Dans telle et telle maison; tu n'auras qu'à te glisser par le soupirail de la cuisine, et tu trouveras des gâteaux, du lard, des saucisses à bouche que veux-tu.Et il lui indiqua exactement la maison de son père.Le loup ne se le fit pas dire deux fois. Il s'introduisit de nuit dans le soupirail et s'en donna à cœur joie dans le buffet aux provisions. Quand il fut repu et qu'il voulut sortir il s'était tellement gonfl6 de nourriture qu'il ne put venir à bout de repasser par la même voie. C'est là-dessus que Tom Pouce avait compté. Aussi commença-t-il à faire dans le ventre du loup un vacarme effroyable, hurlant et gambadant tant qu'il put.- Veux-tu te tenir en repos, dit le loup; tu vas éveiller le monde.- Eh quoi! répondit le petit homme, tu t'es régalé, je veux m'amuser aussi moi.Et il recommença son tapage.
Il finit par éveiller son père et sa mère qui se mirent à regarder dans la cuisine par la serrure. Quand ils virent le loup, ils coururent s'armer, l'homme d'une hache, la femme d'une faux.- Reste derrière, dit l'homme, à la femme au moment d'entrer, je vais lui asséner un coup avec ma hache, et s'il n'en meurt pas du coup, tu lui couperas le ventre.Tom Pouce qui entendit la voix de son père lui cria:- Cher père, c'est moi, je suis dans le ventre du loup.- Notre cher enfant nous est rendu! s'écria le père plein de joie.Et il ordonna à sa femme de mettre la faux de côté afin de ne pas blesser Tom Pouce. Puis il leva sa hache et en porta au loup un coup qui l'étendit mort. Il lui ouvrit ensuite le ventre avec des ciseaux et un couteau et en tira le petit Tom.- Ah! dit le père, que nous avons été inquiets sur ton sort!- Oui, père, j'ai beaucoup couru le monde, heureusement que je puis enfin reprendre l'air frais.- Où as-tu donc été?- Ah! père, j'ai été dans un trou de souris, dans la panse d'une vache et dans le ventre d'un loup. Mais maintenant je veux rester avec vous.- Nous ne te vendrons plus pour tout l'or du monde, dirent les parents en l'embrassant et le serrant contre leur cœur.Ils lui donnèrent à manger et à boire, et lui firent confectionner d'autres vêtements, car les siens avaient été gâtés pendant le voyage.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Il y a bien longtemps, il était un tailleur qui avait trois fils et une seule chèvre.La chèvre devait les nourrir tous les trois avec son lait; il fallait qu'elle mangeât bien et qu'on la menât tous les jours aux champs. Les fils s'en occupaient chacun à son tour.Un jour, l'aîné la mena au cimetière, où l'herbe était la plus belle, la laissa là à manger et à gambader. Le soir, quand le moment fut venu de rentrer à la maison, il demanda:- Alors, chèvre, es-tu repue?La chèvre répondit:- J'ai tant mangé que je ne peux plus avaler - bê, bê, bê, bê!- Eh bien! viens à la maison, dit le garçon.Il la prend par sa corde, la conduit à l'écurie et l'attache.- Alors, demanda le vieux tailleur, la chèvre a-t-elle assez mangé?- Oh! répondit le fils, elle a tant mangé qu'elle ne peut plus rien avaler.Le père voulut s'en rendre compte par lui-même. Il alla à l'écurie, caressa la chère petite chèvre et demanda:- Chèvre, es-tu repue?La chèvre répondit:- De quoi devrais-je être repue? Parmi les tombes j'ai couru pour me nourrir rien n'ai trouvé bê, bê, bê, bê!- Qu'entends-je! s'écria le tailleur. Il rentre à la maison et dit au garçon:- Ah, menteur, tu dis que la chèvre est repue et tu l'as laissée sans nourriture! Et, dans sa colère, il prend une canne et en bat son fils en le jetant dehors.Le lendemain, c'était au tour du second fils. Il chercha dans le jardin un coin où poussaient de belles herbes et la chèvre s'en régala. Le soir, comme il voulait rentrer, il demanda:- Chèvre, es-tu repue?La chèvre répondit:- J'ai tant mangé que je ne peux plus avaler - bê, bê, bê, bê!- Alors, rentre à la maison, dit le garçon.Il la tira vers la maison, l'attacha dans l'écurie.- Eh bien? demanda le vieux tailleur, la chèvre a-t-elle assez mangé?- Oh! répondit le fils, elle a tant mangé qu'elle ne peut plus rien avaler. Le tailleur n'avait pas confiance. Il se rendit à l'écurie et demanda:- Chèvre, es-tu repue?La chèvre répondit:- De quoi devrais-je être repue? Parmi les sillons j'ai couru pour me nourrir n'ai rien trouvé bê, bê, bê bê!- L'impudent mécréant! s'écria le tailleur. Laisser sans nourriture un animal si doux!Il rentre à la maison et, à coups d'aune, met le garçon à la porte.C'est maintenant au tour du troisième fils. il veut bien faire les choses, recherche les taillis les plus touffus et y fait brouter la chèvre. Le soir, comme il veut rentrer, il demande à la chèvre:- Chèvre, es-tu repue?La chèvre répondit:- J'ai tant mangé que je ne peux plus avaler - bê, bê, bê, bê!- Alors viens à la maison, dit le garçon.Et il la conduisit à l'écurie et l'attacha.- Eh bien? demanda le vieux tailleur, la chèvre a-t-elle assez mangé?- Oh! répondit le fils, elle a tant mangé qu'elle ne peut plus rien avaler. Le tailleur ne le croit pas. Il sort et demande:- Chèvre, es-tu repue?La méchante bête répondit:- De quoi devrais-je être repue?Parmi les sillons j'ai couru pour me nourrir n'ai rien trouvé - bê, bê, bê, bê!- Ah! le vilain menteur, s'écria le tailleur. Ils sont aussi fourbes et oublieux du devoir l'un que l'autre! Vous ne me ferez pas plus longtemps tourner en bourrique!Et, de colère hors de lui, il rentre à la maison, frappe le pauvre garçon avec l'aune, si fort qu'il le jette par la porte.Et voilà le vieux tailleur seul avec sa chèvre. Le lendemain matin, il va à l'écurie, caresse la chèvre et dit:- Viens, ma mignonne, je vais te conduire moi-même au champ.Il la prend par sa longe et la mène là où se trouvent les baies que les chèvres mangent avec le plus de plaisir.- Pour une fois, tu peux y aller de bon cœur, lui dit-il, et il la laissa brouter jusqu'au soir. Il demanda alors:- Chèvre, es-tu repue?Elle répondit:- J'ai tant mangé que je ne puis plus rien avaler, bê, bê, bê, bê!- Alors viens à la maison! dit le tailleur.Il la conduisit à l'écurie et l'attacha. Avant de partir, il se retourna une dernière fois et dit:- Alors te voilà donc repue pour une fois?Mais la chèvre ne fut pas meilleure avec lui qu'avec les autres. Elle s'écria:- De quoi devrais- je être repue?Parmi les sillons j'ai couru pour me nourrir n'ai rien trouvé - bê, bê, bê, bê!Quand le tailleur entendit cela, il en resta tout interdit et vit bien qu'il avait chassé ses fils sans raison.- Attends voir, s'écria-t-il, misérable créature! Ce serait trop peu de te chasser; je vais te marquer de telle sorte que tu n'oseras plus te montrer devant d'honnêtes tailleurs!En toute hâte, il rentre à la maison, prend son rasoir, savonne la tête de la chèvre et la tond aussi ras qu'une pomme. Et, parce que l'aune eût été trop noble, il prend une cravache et lui en assène de tels coups qu'elle se sauve à toute allure.Quand le tailleur se retrouva si seul dans sa maison, il fut saisi d'une grande tristesse. Il aurait bien voulu que ses fils fussent de nouveau là. Mais personne ne savait ce qu'ils étaient devenus.L'aîné était entré en apprentissage chez un menuisier. Il travaillait avec zèle et constance. Lorsque son temps fut terminé et que vint le moment de partir en tournée, son patron lui offrit une petite table, qui n'avait rien de particulier, en bois très ordinaire. Mais elle avait une qualité: quand on la déposait quelque part et que l'on disait: « Petite table, mets le couvert! » on la voyait tout à coup s'habiller d'une petite nappe bien propre. Et il y avait dessus une assiette, avec couteau et fourchette, et des plats avec légumes et viandes, tant qu'il y avait la place. Et un grand verre plein de vin rouge étincelait que ça en mettait du baume au cœur. Le jeune compagnon pensa: en voilà assez jusqu'à la fin de tes jours! Et, de joyeuse humeur, il alla de par le monde, sans se préoccuper de savoir si l'auberge serait bonne ou mauvaise et si l'on y trouvait quelque chose à manger ou non. Quand la fantaisie l'en prenait, il restait dans les champs, les prés ou les bois, où cela lui plaisait, décrochait la petite table de son dos, l'installait devant lui et disait: « Petite table, mets le couvert! » Et tout de suite, tout ce que son cœur souhaitait était là. Finalement, il lui vint à l'esprit qu'il voudrait bien revoir son père. Sa colère avait dû s'apaiser et avec la« petite-table-mets-le-couvert », il l'accueillerait volontiers.Il arriva que, sur le chemin de la maison, il entra un soir dans une auberge pleine de monde. On lui souhaita la bienvenue et on l'invita à prendre place parmi les hôtes et à manger avec eux car on trouverait difficilement quelque chose pour lui tout seul.- Non, répondit le menuisier, je ne veux pas vous prendre le pain de la bouche. Il vaut mieux que vous soyez mes hôtes à moi.Ils rirent et crurent qu'il plaisantait. Mais lui, pendant ce temps, avait installé sa table de bois au milieu de la salle et il dit:- Petite table, mets le couvert!Instantanément, elle se mit à porter des mets si délicats que l'aubergiste n'aurait pas pu en fournir de pareils. Et le fumet en chatouillait agréablement les narines des clients.- Allez-y, chers amis, dit le menuisier.Et quand les hôtes virent que c'était sérieux, ils ne se le firent pas dire deux fois. Ils approchèrent leurs chaises, sortirent leurs couteaux et y allèrent de bon cœur. Ce qui les étonnait le plus, c'était que, lorsqu'un plat était vide, un autre, bien rempli, prenait aussitôt sa place.L'aubergiste, dans un coin, regardait la scène. Il ne savait que dire. Mais il pensait: « Voilà un cuisinier comme il m'en faudrait un! »Le menuisier et toute la compagnie festoyèrent gaiement jusque tard dans la nuit. Finalement, ils allèrent se coucher. Le jeune compagnon se mit également au lit et plaça sa table miraculeuse contre le mur. Mais des tas d'idées trottaient dans la tête de l'aubergiste. Il lui revint à l'esprit qu'il possédait dans un débarras une petite table qui ressemblait à celle du menuisier, comme une sœur. Il la chercha en secret et en fit l'échange. Le lendemain matin, le jeune homme paya sa chambre, installa la petite table sur son dos, sans penser que ce n'était plus la bonne, et reprit son chemin. À midi, il arriva chez son père qui l'accueillit avec une grande joie.- Alors, mon cher fils, qu'as-tu appris? lui demanda-t-il.- Père, je suis devenu menuisier.- C'est un bon métier! rétorqua le vieux.- Mais que ramènes-tu de ton compagnonnage?- Père, le meilleur de ce que je ramène est une petite table.Le père l'examina sur toutes ses faces et dit:- Tu n'as pas fabriqué là un chef-d'œuvre. C'est une vieille et méchante petite table.- Voire! C'est une table mystérieuse, magique, répondit le fils. Lorsque je l'installe et lui dis de mettre le couvert, les plus beaux plats s'y trouvent instantanément, avec le vin qui met du baume au cœur. Tu n'as qu'à inviter tous tes parents et amis. Pour une fois, ils se délecteront et se régaleront car la petite table les rassasiera tous.Quand tout le monde fut rassemblé, il installa la petite table au milieu de la pièce et dit:- Petite table, mets le couvert!Mais rien ne se produisit et la table resta aussi vide que n'importe quelle table qui n'entend pas la parole humaine. Alors le pauvre gars s'aperçut qu'on lui avait échangé sa table et il eut honte de passer pour un menteur. Les parents se moquaient de lui et il leur fallut repartir chez eux, affamés et assoiffés. Le père reprit ses chiffons et se remit à coudre. Le fils trouva du travail chez un patron.Le deuxième fils était arrivé chez un meunier et il avait fait son apprentissage chez lui. Lorsque son temps fut passé, le patron lui dit:- Puisque ta conduite a été bonne, je te fais cadeau d'un âne d'une espèce particulière. Il ne tire pas de voiture et ne porte pas de sacs.- À quoi peut-il bien servir dans ce cas? demanda le jeune compagnon.- Il crache de l'or, répondit le meunier. Si tu le places sur un drap et que tu dis « BRICKLEBRIT», cette bonne bête crache des pièces d'or par devant et par derrière.- Voilà une bonne chose, dit le jeune homme.Il remercia le meunier et partit de par le monde. Quand il avait besoin d'argent, il n'avait qu'à dire « BRICKLEBRIT » à son âne et il pleuvait des pièces d'or. Il n'avait plus que le mal de les ramasser. Où qu'il arrivât, le meilleur n'était jamais trop bon pour lui et plus cela coûtait cher, mieux c'était. Il avait toujours un sac plein de pièces à sa disposition. Après avoir visité le monde un bout de temps, il pensa: « Il te faut partir à la recherche de ton père! Quand tu arriveras avec l'âne à or, il oubliera sa colère et te recevra bien ».Par hasard, il descendit dans la même auberge que celle où la table de son frère avait été échangée. il conduisait son âne par la bride et l'aubergiste voulut le lui enlever pour l'attacher. Le jeune compagnon lui dit:- Ne vous donnez pas ce mal; je conduirai moi-même mon grison à l'écurie et je l'attacherai aussi moi-même. Il faut que je sache où il est.L'aubergiste trouva cela curieux et pensa que quelqu'un qui devait s'occuper soi-même de son âne ne ferait pas un bon client. Mais quand l'étranger prit dans sa poche deux pièces d'or et lui dit d'acheter quelque chose de bon pour lui, il ouvrit de grands yeux, courut partout pour acheter le meilleur qu'il pût trouver.Après le repas, l'hôte demanda ce qu'il devait. L'aubergiste voulait profiter de l'occasion et lui dit qu'il n'avait qu'à ajouter deux autres pièces d'or à celles qu'il lui avait déjà données. Le jeune compagnon plongea sa main dans sa poche, mais il n'avait plus d'argent.- Attendez un instant, Monsieur l'aubergiste, dit-il, je vais aller chercher de l'or.Il emmena la nappe.L'aubergiste ne comprenait pas ce que cela signifiait. Curieux, il suivit son client et quand il le vit verrouiller la porte de l'écurie, il regarda par un trou du mur. L'étranger avait étendu la nappe autour de l'âne et criait: « BRICKLEBRIT ». Au même moment, l'animal se mit à cracher, par devant et par derrière, de l'or qui s'empilait régulièrement sur le sol.- Quelle fortune! dit l'aubergiste. Voilà des ducats qui sont vite frappés! Un sac à sous comme cela, ce n'est pas inutile!Le client paya son écot et alla se coucher. L'aubergiste, lui, se faufila pendant la nuit dans l'écurie, s'empara de l'âne à or et en mit un autre à la place.De grand matin, le compagnon prit la route avec un âne, qu'il croyait être le sien. À midi, il arriva chez son père qui se réjouit en le voyant et l'accueillit volontiers.- Qu'es-tu devenu, mon fils? demanda le vieux.- Un meunier, cher père, répondit-il.- Qu'as-tu ramené de ton compagnonnage?- Rien en dehors d'un âne.- Des ânes, il y en a bien assez, dit le père. J'aurais préféré une bonne chèvre!- Oui, répondit le fils, mais ce n'est pas un âne ordinaire, c'est un âne à or. Quand je dis « BRICKLEBRIT », la bonne bête vous crache un drap plein de pièces d'or. Appelle tous les parents, je vais en faire des gens riches.- Voilà, qui me plaît, dit le tailleur. Je n'aurai plus besoin de me faire de souci avec mon aiguille.Il s'en fut lui-même à la recherche de ses parents, qu'il ramena. Dès qu'ils furent rassemblés, le meunier les pria de faire place, étendit son drap et amena l'âne dans la chambre.- Maintenant, faites attention! dit-il. Et il cria: « BRICKLEBRIT ».Mais ce ne furent pas des pièces d'or qui tombèrent et il apparut que l'animal ne connaissait rien à cet art qui n'est pas donné à n'importe quel âne. Le pauvre meunier faisait triste figure; il comprit qu'il avait été trompé et demanda pardon à ses parents qui s'en retournèrent chez eux aussi pauvres qu'ils étaient venus. Il ne restait plus rien d'autre à faire pour le père que de reprendre son aiguille et pour le fils, de s'engager chez un meunier.Le troisième frère était entré chez un tourneur sur bois et comme il s'agissait d'un métier d'art, ce fut lui qui resta le plus longtemps en apprentissage. Ses frères lui firent savoir par une lettre comment tout avait mal tourné pour eux et comment, au dernier moment, l'aubergiste les avait dépouillés de leurs cadeaux magiques.Lorsque le tourneur eut terminé ses études, son maître lui offrit, en récompense de sa bonne conduite, un sac et dit:- Il y a un bâton dedans.- Je peux prendre le sac et il peut me rendre service, mais pourquoi ce bâton? il ne fait que l'alourdir.- Je vais te dire ceci, répondit le patron. Si quelqu'un t'a causé du tort, tu n'auras qu'à dire:« Bâton, hors du sac! » aussitôt, le bâton sautera dehors parmi les gens et il dansera sur leur dos une si joyeuse danse que, pendant huit jours, ils ne pourront plus faire un mouvement. Et il ne s'arrête pas avant que tu dises: « Bâton, dans le sac! »Le compagnon le remercia, mit le sac sur son dos et quand quelqu'un s'approchait de trop près pour l'attaquer il disait: « Bâton, hors du sac! » Aussitôt le bâton surgissait et se secouait sur les dos, manteaux et pourpoints jusqu'à ce que les malandrins en hurlassent de douleur. Et cela allait si vite que, avant que l'on s'en aperçût, son tour était déjà venu.Le jeune tourneur arriva un soir à l'auberge où l'on avait dupé ses frères. Il déposa son havresac devant lui, sur la table, et commença à parler de tout ce qu'il avait vu de remarquable dans le monde.- Oui, dit-il, on trouve bien une « petite-table-mets-le-couvert », un âne à or et d'autres choses semblables; ce sont de bonnes choses que je ne mésestime pas; mais cela n'est rien à comparer au trésor que je me suis procuré et qui se trouve dans mon sac.L'aubergiste dressa l'oreille. « Qu'est-ce que ça peut bien être », pensait-il. « Le sac serait-il bourré de diamants? Il faudrait que je l'obtienne à bon marché lui aussi; jamais deux sans trois ».Lorsque le moment d'aller dormir fut arrivé, l'hôte s'étendit sur le banc et disposa son sac en guise d'oreiller. Quand l'aubergiste crut qu'il était plongé dans un profond sommeil, il s'approcha de lui, poussa et tira doucement, précautionneusement le sac pour essayer de le prendre et d'en mettre un autre à la place. Le tourneur s'attendait à cela depuis longtemps. Lorsque l'aubergiste voulut donner la dernière poussée, il cria:- Bâton, hors du sac!Aussitôt, le bâton surgit, frotta les côtes de l'aubergiste à sa façon. L'aubergiste criait pitié. Mais plus fort il criait, plus vigoureusement le bâton lui tapait sur le dos jusqu'à ce qu'il tombât sans souffle sur le sol. Alors le tourneur dit:- Si tu ne me rends pas la « petite-table-mets-le-couvert » et l'âne à or, la danse recommencera.- Oh! non, s'écria l'aubergiste d'une toute petite voix. je rendrai volontiers le tout, mais fais rentrer ton esprit frappeur dans son sac.Le jeune compagnon dit alors:- Je veux bien que la grâce passe avant le droit, mais garde-toi de refaire le mal. Et il cria:- Bâton, dans le sac.Et il le laissa tranquille.Le tourneur partit le lendemain matin avec la « petite-table-mets-le-couvert » et l'âne à or vers la maison de son père. Le tailleur se réjouit lorsqu'il le revit et lui demanda, à lui aussi, ce qu'il avait appris chez les autres.- Cher père, répondit-il, je suis devenu tourneur sur bois.- Un fameux métier, dit le père.- Qu'as-tu ramené de ton compagnonnage?- Une pièce précieuse, cher père, répondit le fils, un bâton dans un sac.- Quoi? s'écria le père.- Un bâton, ce n'était pas la peine, tu peux en cueillir à n'importe quel arbre!- Mais pas un comme ça, cher père; quand je dis « bâton, hors du sac », il en bondit et donne à celui qui m'a voulu du mal une fameuse danse jusqu'à ce qu'il tombe par terre et supplie qu'il s'arrête. Voyez-vous, c'est avec ce bâton que j'ai récupéré la « petite-table-mets-le-couvert » et l'âne à or que l'aubergiste voleur avait dérobés à mes frères. Maintenant, appelle mes frères, et invite tous les parents. Je veux qu'ils mangent et boivent et je remplirai leurs poches d'or.Le vieux tailleur ne croyait pas trop à cette histoire, mais il invita quand même ses parents. Le tourneur étendit un drap dans la chambre, fit entrer l'âne à or et dit à son frère:- Maintenant, cher frère, parle-lui.Le meunier dit:- BRICKLEBRITEt, à l'instant, des pièces d'or tombèrent sur le drap comme s'il en pleuvait à verse et l'âne n'arrêta que lorsque tous en eurent tant qu'ils ne pouvaient plus en porter. (Je vois à ta mine que tu aurais bien voulu y être!) Alors, le tourneur chercha la petite table et dit:- Cher frère, parle-lui maintenant.Et à peine le menuisier avait-il dit: « Petite table, mets le couvert » que déjà les plus beaux mets apparaissaient en abondance. Il y eut un repas comme jamais encore le bon tailleur n'en avait vu dans sa maison. Toute la famille resta rassemblée jusqu'au milieu de la nuit et tous étaient joyeux et comblés. Le tailleur enferma aiguilles, bobines, aune et fers à repasser dans une armoire et vécut avec ses fils dans la joie et la félicité.Et la chèvre à cause de laquelle le tailleur jeta dehors ses trois fils, qu'est-elle devenue?Ne supportant pas d'avoir la tête tondue, elle alla se cacher dans le terrier d'un renard. Lorsque celui-ci revint et aperçut deux gros yeux briller au fond de son terrier, il prit peur et se sauva à toute allure. Dans sa fuite, il rencontra un ours.- Pourquoi as-tu l'air si affolé, frère renard? lui demanda celui-ci. Que t'est-il donc arrivé?- Mon terrier est occupé par un épouvantable animal dont les yeux lancent des flammes expliqua le renard.- Nous allons le chasser, s'exclama l'ours qui accompagna le renard jusqu'à son terrier. Mais lorsque l'ours aperçut les yeux de braise, à son tour il prit peur et s'enfuit, renonçant à chasser l'intrus. Dans sa fuite, il rencontra une abeille.- Pourquoi fais-tu cette tête, frère ours? lui demanda-t-elle, toi qui d'ordinaire est si joyeux?- Un épouvantable animal aux yeux de braise occupe le terrier du renard et nous ne réussissons pas à l'en chasser, expliqua l'ours.L'abeille fut saisie de pitié.- Je ne suis qu'une pauvre et faible créature à laquelle vous ne prêtez d'ordinaire guère attention, dit-elle. Mais peut-être pourrais-je vous aider.L'abeille entra dans le terrier du renard, se posa sur la tête de la chèvre et la piqua si violemment que celle-ci sauta en l'air. « Bê, Bê », hurla la chèvre en décampant à toute allure. Elle courut, courut si longtemps qu'encore aujourd'hui nul ne sait jusqu'où elle est allée.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Le tailleur au ciel

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Un jour qu'il faisait un temps superbe là haut, le bon Dieu voulut parcourir les jardins du ciel. Il emmena avec lui tous les saints et tous les apôtres, laissant la garde du Paradis à saint Pierre, avec ordre de ne laisser entrer qui que ce fût pendant son absence. Pierre se plaça donc à la porte et fit sentinelle. Bientôt quelqu'un frappe; Pierre demande:
- Qui va là, et que voulez-vous? Une voix faible lui répond:- Je suis un pauvre, mais honnête tailleur qui vous supplie de le laisser entrer.- Oui vraiment, dit Pierre, honnête comme le voleur qui mérite la potence, car tu as les doigts crochus, et le drap de tes pratiques y est souvent resté. Tu ne pénétreras point dans le ciel! D'ailleurs le bon Dieu est absent, et m'a défendu d'ouvrir avant son retour.- De grâce! soyez charitable, répond le tailleur, j'ai marché si longtemps que mes pieds sont tout meurtris; il me serait impossible de m'en retourner maintenant. Si vous consentez à me laisser entrer, je promets de me charger de tous les ouvrages désagréables: je porterai les enfans, je laverai leurs mouchoirs, je nettoierai les bancs sur lesquels ils auront joué, et par-dessus le marché je raccommoderai leurs habits.
Saint Pierre se laissa toucher et ouvrit au tailleur; mais il fut entendu que ce dernier se tiendrait immobile derrière la porte, afin de n'être point aperçu par le Seigneur, lorsqu'il rentrerait de la promenade. Or, notre homme ne fut pas plutôt introduit, qu'il ne put contenir sa curiosité, et se mit à parcourir tous les coins du ciel.
Il arrive ainsi devant un grand nombre de sièges magnifiques, au milieu desquels s'élevait un trône en or massif. C'est sur ce trône que Dieu s'assoit pour pour voir tout ce qui se passe sur la terre.
Le tailleur s'arrête d'abord pétrifié d'admiration. Il mourait d'envie de se reposer un instant, et le sièége d'or le tentait bien plus que tous les autres. A la fin, n'y pouvant plus tenir, il franchit les degrés et prend place au sommet.
Or, à l'instant, même, il aperçoit tout ce qui se faisait ici-bas; et, entre autres choses, il remarque une vieille femme occupée à laver au bord d'un ruisseau, et qui, croyant n'être aperçue de personne, dérobait deux vêtements précieux.
A cette vue, le tailleur entra dans une telle colère, qu'il saisit un tabouret tout garni d'or et le lança du haut du ciel sur la vieille scélérate! Mais aussitôt il se demande comment il pourra remettre le tabouret à sa place, et se laissant glisser tout penaud en bas du trône, il court se rasseoir derrière la porte, avec l'air le plus confit du monde.
Quand le Seigneur revint avec son escorte, il n'aperçut pas d'abord le tailleur; mais il ne fut pas plutôt sur son trône, qu'il remarqua l'absence du tabouret.
- Qu'est devenu ce tabouret? demanda-t-il à saint Pierre.
Saint Pierre étonné répond qu'il n'en sait rien.
-Vous avez laissé entrer quelqu'un, reprend le bon Dieu.
Et l'apôtre avoue qu'il a reçu un pauvre tailleur qui se tient caché derrière la porte. Le Seigneur fait avancer notre homme, et lui demande s'il a pris le tabouret?
- J'en conviens, mon Dieu, répond celui-ci. Et il ajoute croyant bien se justifier:- Dans un accès d'honnête colère, je l'ai lancé contre une vieille femme qui dérobait deux vêtements de prix au bord d'un ruisseau.- Hommes faux et violens, dit le Seigneur, voilà donc votre justice, et vous osez vous plaindre de la justice divine. Si je vous jugeais comme vous jugez les autres, combien de fois ne t'aurais-je pas frappé, malheureux tailleur, et combien de fois j'aurais lancé sur les pécheurs du monde tous les tabourets du Paradis! Heureusement pour vous tous, la Clémence siège auprès de mon trône avec la Justice. Sors du ciel, mortel indigne d'y rester, et souviens-toi qu'à moi seul appartiennent le châtiment et le pardon.
Pierre dut mettre le tailleur à la porte du séjour des élus, et comme ce dernier, dont les chaussures étaient en lambeaux, avait les pieds tout gonflés d'ampoules, il prit un bâton que lui donna l'apôtre, et se dirigea, non sans peine et sans regret, vers le Purgatoire, où les âmes qui ont encore des fautes à expier, attendent le jour de leur délivrance.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

La sage Élise

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il y avait une fois un homme qui avait une fille qui s'appelait Sage Élise; quand elle fût grande, son père dit qu'elle devait être mariée, et sa mère dit « Oui, à condition de trouver quelqu'un qui y consentira. »
Un jour un étranger vînt, son nom était Hans, et il accepta de la prendre en mariage, à condition qu'elle soit vraiment très intelligente.- Oh, dit, le père, elle a vraiment du plomb dans la cervelle.- Oui, elle voit le vent passer et elle entend les mouches voler, ajouta la mère.- Eh bien, dit Hans, si elle n'est pas vraiment très intelligente, je ne la prendrai pas.
Tandis qu'ils étaient à table, à la fin du repas, la mère dit « Élise, va donc à la cave pour tirer de la bière. » La Sage Élise décrocha la cruche du mur et descendit à la cave , tout en faisant claquer le couvercle régulièrement pour passer le temps.
Une fois arrivée en bas, elle prit une petite chaise qu'elle plaça devant le tonneau pour ne pas avoir à se pencher et ainsi éviter de se faire mal au dos. Puis elle posa la cruche sou le robinet et l'ouvrit et, tandis que la bière s'écoulait, pour éviter que ses yeux ne soient sans occupation, elle se mit à regarder de ci de là et finit par apercevoir, après avoir examiné le plafond en détail, une pioche que les maçons avaient laissée, juste au-dessus de sa tête. La Sage Élise se mit alors à pleurer, en se disant « si j'épouse Hans et si nous avons un enfant, et si, une fois grand, nous l'envoyons chercher de la bière à la cave, cette pioche risquera de lui tomber sur la tête et de le tuer. » Elle resta assise là, à pleurer et à se lamenter en pensant au malheur qui l'attendait.
Pendant ce temps, les autres attendaient à boire en haut, en vain. La maîtresse finit par dire à la servante, « descends donc à la cave voir pourquoi Élise ne remonte pas. »
La servante descendit, et elle la trouva assise en face du tonneau, pleurant toutes les larmes de son corps.« Pourquoi pleurez-vous? demanda la servante.- Oh, pauvre de moi, répondit-elle, comment pourrais-je ne pas pleurer? Si j'épouse Hans, et si nous avons un enfant, et si, une fois grand, nous l'envoyons chercher de la bière à la cave, cette pioche risquera de lui tomber sur la tête et de le tuer.- Notre Élise est décidément très sage, répondit la servante, et elle s'assit immédiatement pour se lamenter du funeste destin.
Un peu plus tard, quand tout le monde en haut s'aperçut que la servante tardait à revenir, et comme ils avaient de plus en plus soif, le maître de maison dit à son fils « descends donc à la cave voir ce que font Élise et la servante. »
Le garçon s'y est rendu et il y trouva Sage Élise et la servante assises et pleurant ensemble. Il leur demanda alors ce qu'il se passait.- Oh, pauvre de moi, répondit Élise, comment pourrais-je ne pas pleurer? Si j'épouse Hans, et si nous avons un enfant, et si, une fois grand, nous l'envoyons chercher de la bière à la cave, cette pioche risquera de lui tomber sur la tête et de le tuer.- Notre Élise est décidément très sage, dit le garçon en s'asseyant auprès d'elle, et il se mit à pleurer de bon coeur.
En haut, tout le monde attendait son retour, mais comme il ne revenait pas, le maître dit à sa femme « descends donc à la cave voir ce que fait Élise. »
Alors la maîtresse descendit et les trouva tous les trois en train de se lamenter, et quand elle demanda la cause de ces plaintes, Élise lui expliqua comment son éventuel futur fils pourrait se faire tuer dès qu'il serait en âge de descendre chercher de la bière, la pioche lui tombant sur la tête. Alors la mère s'écria « notre Élise est décidément très sage », et elle s'assit et se mit à pleurer comme les autres.
En haut, son mari attendit quelques instants, mais comme sa femme ne revenait pas et comme il avait de plus en plus soif, il dit « je dois descendre à mon tour à la cave pour voir ce qui est arrivé à Élise. »
Quand il arriva à la cave, il les trouva tous en train de pleurer, et il apprit que c'était à cause de l'enfant qu'Élise était susceptible d'avoir, et de la possibilité qu'il soit tué par la pioche qui pourrait tombait précisément au moment où l'enfant serait assis juste en-dessous pour tirer de la bière. En entendant cela, il s'exclama « notre Élise est décidément très sage », puis il s'assit et se mit à se lamenter avec les autres.
Le futur marié était toujours en haut, seul, et il y resta un long moment. Mais, comme personne ne revenait, il finit par se dire qu'il ferait mieux d'aller voir par lui-même ce qui se passait. Et il les trouva là, tous les cinq, en train de geindre et de pleurer lamentablement, chacun plus fort que les autres.« Que diable s'est-il passé, demanda-t-il. - Oh, mon cher Hans, répondit Élise, si nous nous marions et si nous avons un enfant, et si, une fois grand, nous l'envoyons chercher de la bière à la cave, cette pioche risquera de lui tomber sur la tête et de le tuer. Alors comment pourrions-nous ne pas pleurer? - Fort bien, dit Hans. Je ne peux pas imaginer avoir plus de sagesse et de bon sens sous mon toit. Tu es si sage, Élise, que je te veux pour femme. »Puis, la prenant par la main, il la conduisit en haut de l'escalier, et ils se marièrent sur-le-champ.
Peu de temps après le mariage, Hans dit à sa femme:- Je vais travailler, pour gagner de l'argent; toi, vas dans le champ récolter le maïs, que l'on aie du pain.- Très bien, je le ferai, cher Hans, répondit-elle.
Après qu'Hans fût parti, elle se prépara un délicieux ragoût et le prit avec elle au champ. Quand elle y fût rendue, elle se dit:- Bien, que faire maintenant? Vaut-il mieux que je fauche tout de suite, ou bien que je mange? Bon, je vais d'abord manger.Puis elle mangea tout son ragoût, et quand elle n'en pût plus prendre une bouchée, elle se dit:- Bien, que faire maintenant? Vaut-il mieux que je fauche tout de suite, on bien que je fasse la sieste? Bon, je vais d'abord faire la sieste.Puis elle s'allongea au milieu du maïs et s'endormit.
Hans rentra et attendit un long moment chez lui. Élise ne revenait pas, alors il pensa « Ma Sage Élise est si travailleuse qu'elle ne pense même pas à rentrer pour manger. »
Mais comme le soir s'annonçait sans qu'Élise ne fût revenue, Hans sortit voir quelle quantité de maïs elle avait fauché. Mais elle était encore en train de dormir et n'avait fauché aucun épi. Alors Hans se précipita chez lui et en ramena un filet à oiseau muni de clochettes qu'il jeta sur Élise. Mais elle continuait de dormir. Alors Hans retourna en courant chez lui, s'y enferma et se mit à travailler.
Finalement, alors qu'il commençait à faire noir dehors, Sage Élise se leva, et les clochettes tintinnabulaient à chacun des mouvements qu'elle faisait pour se redresser. Elle prit peur et commença de se demander si elle était bien Sage Élise, et pensa, « Suis-je moi ou ne suis-je pas moi? ». Et, comme elle ne trouvait pas la réponse, elle resta figée un moment à réfléchir. Finalement, elle se dit « Je vais rentrer à la maison et demander à Hans si je suis moi ou si je ne suis pas moi; lui saura certainement. »
Elle se précipita chez elle mais la porte était verrouillée. Elle frappa alors à la fenêtre et cria:« Hans, Élise est-elle dedans?- Oui, répondit Hans, elle est dedans. »
Alors elle prit de plus en plus peur, et en pleurant « Oh, mon dieu, alors je ne suis pas moi », elle alla frapper à une autre porte, mais les gens, en entendant les clochettes, ne venaient pas lui ouvrir, et elle ne put aller nulle part. Alors elle s'enfuit en courant du village et depuis ce jour-là, personne ne l'a plus vue.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Les trois langages

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

En Suisse, il y avait une fois un comte assez âgé qui n'avait qu'un fils; mais ce fils, était stupide et ne savait rien apprendre. 'Ecoute, mon fils, lui dit son père, je n'arrive à rien avec toi, et je suis incapable, quoi que je fasse, de te mettre la moindre chose dans la tête. Tu vas donc partir d'ici et je vais te confier à un maître fameux qui tentera de faire quelque chose de toi'. Le fils étudia pendant un an avec ce maître. Quand il revint chez lui, le père fut horrifié de l'entendre dire: 'J'ai appris ce que disent les chiens quand ils aboient'.
Renvoyé pour une deuxième année d'études avec un maître différent, l'enfant revient pour dire qu' 'il a appris ce que disent les petits oiseaux'. Furieux de constater que son fils avait une fois de plus perdu son temps, le père se mit en colère: 'Tu iras chez un troisième maître, menaça-t-il, mais si cette fois tu n'y apprends rien, moi je ne veux plus être ton père'. Quand l'année s'acheva, le fils rentra à la maison et son père lui demanda: 'Mon fils qu'as-tu appris?' – 'Mon cher père, cette année j'ai appris ce que coassent les grenouilles'. Le père entra une telle fureur qu'il chassa son fils et ordonna à ses domestiques de l'emmener dans la forêt pour lui ôter la vie. Mais les serviteurs ... se contentèrent de l'abandonner dans la forêt.
Au cours de ses pérégrinations, il parcourt un pays affligé par des chiens sauvages dont les aboiements furieux empêchent les gens de dormir et qui, à certaines heures, veulent qu'on leur livre un homme qu'ils dévorent instantanément. Comme le héros comprend le langage des chiens, ceux-ci lui expliquent pourquoi ils sont si féroces et ce qu'il faut faire pour les apaiser. Dès que le jeune homme a fait le nécessaire, les chiens quittent le pays et le héros y séjourne quelque temps.
Quelques années plus tard, il décide d'aller à Rome. En chemin, des grenouilles, par leurs coassements, lui révèlent un avenir fabuleux, ce qui le rend tout pensif. Arrivé à Rome, il apprend que le pape vient de mourir et que les cardinaux ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le nom de son successeur. Au moment même où les cardinaux décident que le futur pape sera désigné par un signe miraculeux, deux colombes blanches viennent se poser sur les épaules du héros. Quand on lui demande s'il accepterait de devenir pape, il hésite, ne sachant pas s'il en est digne; mais les colombes lui conseillent d'accepter. Il est donc consacré, comme l'avaient prédit les grenouilles. Mais il doit chanter la messe, et comme il n'en sait pas le premier mot, les colombes, qui n'ont pas quitté ses épaules, lui soufflent tout dans l'oreille.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

La jeune fille sans mains

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois, il y a quelques jours, à l'époque où la farine des villageois était écrasée à la meule de pierre, un meunier qui avait connu des temps difficiles. Il ne lui restait plus que cette grosse meule de pierre dans une remise et, derrière, un superbe pommier en fleur. Un jour, tandis qu'il allait dans la forêt couper du bois mort avec sa hache au tranchant d'argent, un curieux vieillard surgit de derrière un arbre. "A quoi bon te fatiguer à fendre du bois? dit-il. Ecoute, si tu me donnes ce qu'il y a derrière ton moulin, je te ferai riche.- Qu'y a-t-il, derrière mon moulin, sinon mon pommier en fleurs? pensa le meunier. Il accepta donc le marché du vieil homme.- Dans trois ans, je viendrai chercher mon bien, gloussa l'étranger, avant de disparaître en boitant derrière les arbres. "Sur le sentier, en revenant, le meunier vit son épouse qui volait à sa rencontre, les cheveux défaits, le tablier en bataille. " Mon époux, mon époux, quand l'heure a sonné, une pendule magnifique a pris place sur le mur de notre maison, des chaises recouvertes de velours ont remplacé nos sièges rustiques, le garde-manger s'est mis à regorger de gibier et tous nos coffres, tous nos coffrets débordent. Je t'en prie, dis-moi ce qui est arrivé? " Et, à ce moment encore, des bagues en or vinrent orner ses doigts tandis que sa chevelure était prise dans un cercle d'or. "Ah," dit le meunier, qui, avec une crainte mêlée de respect, vit alors son justaucorps devenir de satin et ses vieilles chaussures, aux talons si éculés qu'il marchait incliné en arrière, laisser la place à de fins souliers. "Eh bien, tout cela nous vient d'un étranger, parvint-il à balbutier. J'ai rencontré dans la forêt un homme étrange, vêtu d'un manteau sombre, qui m'a promis abondance de biens si je lui donnais ce qui est derrière le moulin. Que veux-tu, ma femme, nous pourrons bien planter un autre pommier…- Oh, mon mari! gémit l'épouse comme foudroyée. Cet homme au manteau sombre, c'était le Diable et derrière le moulin il y a bien le pommier, mais aussi notre fille, qui balaie la cour avec un balai de saule." Et les parents de rentrer chez eux d'un pas chancelant, répandant des larmes amères sur leurs beaux habits.
Pendant trois ans, leur fille resta sans prendre époux. Elle avait un caractère aussi doux que les premières pommes de printemps. Le jour où le diable vint la chercher, elle prit un bain, enfila une robe blanche et se plaça au milieu d'un cercle qu'elle avait tracé à la craie autour d'elle. Et quand le diable tendit la main pour s'emparer d'elle, une force invisible la repoussa à l'autre bout de la cour. "Elle ne doit plus se laver, hurla-t-il, sinon je ne peux l'approcher." les parents et la jeune fille furent terrifiés. Quelques semaines passèrent. La jeune fille ne se lavait plus et bientôt ses cheveux furent poisseux, ses ongles noirs, sa peau grise, ses vêtements raides de crasse. Chaque jour, elle ressemblait de plus en plus à une bête sauvage.
Alors le diable revint. La jeune fille se mit à pleurer. Ses larmes coulèrent tant et tant sur ses paumes et le long de ses bras que bientôt ses mains et ses bras furent parfaitement propres, immaculés. Fou de rage, le diable hurla: "Coupe-lui les mains, sinon je ne peux m'approcher d'elle!" Le père fut horrifié: "Tu veux que je tranche les mains de mon enfant? - Tout ici mourra, rugit le Diable, tout, ta femme, toi, les champs aussi loin que porte son regard:" Le père fut si terrifié qu'il obéit. Implorant le pardon de sa fille, il se mit à aiguiser sa hache. Sa fille accepta son sort. "Je suis ton enfant, dit-elle, fais comme tu dois." Ainsi fit-il, et nul ne sait qui cria le plus fort, du père ou de son enfant. Et c'en fut fini de la vie qu'avait connue la jeune fille.
Quand le diable revint, la jeune fille avait tant pleuré que les moignons de ses bras étaient de nouveau propres et de nouveau, il se retrouva à l'autre bout de la cour quand il voulut se saisir d'elle. Il lança des jurons qui allumèrent de petits feux dans la forêt, puis disparut à jamais, car il n'avait plus de droits sur elle. Le père avait vieilli de cent ans, tout comme son épouse. Ils s'efforcèrent de faire aller, comme de vrais habitants de la forêt qu'ils étaient. Le vieux père proposa à sa fille de vivre dans un beau château, entourée pour la vie de richesses et de magnificence, mais elle répondit qu'elle serait mieux à sa place en mendiant désormais sa subsistance et en dépendant des autres pour vivre. Elle entoura donc ses bras d'une gaze propre et, à l'aube quitta la vie qu'elle avait connue. Elle marcha longtemps. Quand le soleil fut au zénith, la sueur traça des rigoles sur son visage maculé. Le vent la décoiffa jusqu'à ce que ses cheveux ressemblent à un amas de brindilles. Et au milieu de la nuit elle arriva devant un jardin royal où la lune faisait briller les fruits qui pendaient aux arbres. Une douve entourait le verger et elle ne put y pénétrer. Mais elle tomba à genoux car elle mourait de faim. Alors, un esprit vêtu de blanc apparut et toucha une des écluses de la douve, qui se vida. La jeune fille s'avança parmi les poiriers. Elle n'ignorait pas que chaque fruit, d'une forme parfaite, avait été compté et numéroté , et que le verger était gardé; néanmoins, dans un craquement léger, une branche s'abaissa vers elle de façon à mettre à sa portée le joli fruit qui pendait à son extrémité. Elle posa les lèvres sur la peau dorée d'une poire et la mangea, debout dans la clarté lunaire, ses bras enveloppés de gaze, ses cheveux en désordre, la jeune fille sans mains pareille à une créature de boue. La scène n'avait pas échappé au jardinier, mais il n'intervint pas, car il savait qu'un esprit magique gardait la jeune fille. Quand celle-ci eut fini de manger cette seule poire, elle retraversa la douve et alla dormir dans le bois, à l'abri des arbres.
Le lendemain matin, le roi vint compter ses poires. Il s'aperçut qu'il en manquait une, mais il eut beau regarder partout, il ne put trouver le fruit. La jardinier expliqua: "La nuit dernière, deux esprits ont vidé la douve, sont entrés dans le jardin quand la lune a été haute et celui qui n'avait pas de mains, un esprit féminin, a mangé la poire qui s'était offerte à lui." Le roi dit qu'il monterait la garde la nuit suivante. Quand il fit sombre, il arriva avec son jardinier et son magicien, qui savait comment parler avec les esprits. Tous trois s'assirent sous un arbre et attendirent. A minuit, la jeune fille sortit de la forêt, flottant avec ses bras sans mains, ses vêtements sales en lambeaux, ses cheveux en désordre et son visage sur lequel la sueur avait tracé des rigoles, l'esprit vêtu de blanc à ses côtés. Ils pénétrèrent dans le verger de la même manière que la veille et de nouveau, un arbre mit une branche à la portée de la jeune fille en se penchant gracieusement vers elle et elle consomma à petits coups de dents le fruit qui penchait à son extrémité. Le magicien s'approcha d'eux, un peu mais pas trop. "Es-tu ou n'es-tu pas de ce monde?" demanda-t-il. Et la jeune fille répondit: "J'ai été du monde et pourtant je ne suis pas de ce monde." Le roi interrogea le magicien: "Est-elle humaine? Est-ce un esprit?" le magicien répondit qu'elle était les deux à la fois.
Alors le cœur du roi bondit dans sa poitrine et il s'écria: "Je ne t'abandonnerai pas. A dater de ce jour, je veillerai sur toi." Dans son château, il fit faire, pour elle une paire de mains en argent, que l'on attacha à ses bras. Ainsi le roi épousa-t-il la jeune fille sans mains. Au bout de quelque temps, le roi dut partir guerroyer dans un lointain royaume et il demanda à sa mère de veiller sur sa jeune reine, car il l'aimait de tout cœur. "Si elle donne naissance à un enfant, envoyez-moi, tout de suite un message." La jeune reine donna naissance à un bel enfant.
La mère du roi envoya à son fils un messager pour lui apprendre la bonne nouvelle. Mais, en chemin, le messager se sentit fatigué, et, quand il approcha d'une rivière, le sommeil le gagna, si bien qu'il s'endormit au bord de l'eau. Le diable sortit de derrière un arbre et substitua au message un autre disant que la reine avait donné naissance à un enfant qui était mi-homme mi-chien. Horrifié, le roi envoya néanmoins un billet dans lequel il exprimait son amour pour la reine et toute son affection dans cette terrible épreuve. Le jeune messager parvint à nouveau au bord de la rivière et là, il se sentit lourd, comme s'il sortait d'un festin et il s'endormit bientôt. Là-dessus le diable fit son apparition et changea le message contre un autre qui disait: "Tuez la reine et son enfant." La vieille mère, bouleversée par l'ordre émis par son fils, envoya un messager pour avoir la confirmation. Et les messagers firent l'aller-retour. En arrivant au bord de la rivière, chacun d'eux était pris de sommeil et le Diable changeait les messages qui devenaient de plus en plus terribles, le dernier disant: "Gardez la langue et les yeux de la reine pour me prouver qu'elle a bien été tuée."
La vieille mère ne pouvait supporter de tuer la douce et jeune reine. Elle sacrifia donc une biche, prit sa langue et ses yeux et les tint en lieu sûr. Puis elle aida la jeune reine à attacher son enfant sur son sein, lui mit un voile et lui dit qu'elle devait fuir pour avoir la vie sauve. Les femmes pleurèrent ensemble et s'embrassèrent, puis se séparèrent. La jeune reine partit à l'aventure et bientôt elle arriva à une forêt qui était la plus grande, la plus vaste qu'elle avait jamais vue. Elle tenta désespérément d'y trouver un chemin. Vers le soir, l'esprit vêtu de blanc réapparut et la guida à une pauvre auberge tenue par de gentils habitants de la forêt. Une autre jeune fille vêtue d'une robe blanche, la fit entrer en l'appelant Majesté et déposa le petit enfant auprès d'elle. "Comment sais-tu que je suis reine? demanda-t-elle.- Nous les gens de la forêt sommes au courant de ces choses-là, ma reine. Maintenant, reposez-vous." La reine passa donc sept années à l'auberge, où elle mena une vie heureuse auprès de son enfant. Petit à petit, ses mains repoussèrent. Ce furent d'abord des mains d'un nourrisson, d'un rose nacré, puis des mains de petite fille et enfin des mains de femme.
Pendant ce temps, le roi revint de la guerre. Sa vieille mère l'accueillit en pleurant. "Pourquoi as-tu voulu que je tue deux innocents?" demanda-t-elle en lui montrant les yeux et la langue? En entendant la terrible histoire, le roi vacilla et pleura sans fin. Devant son chagrin, sa mère lui dit que c'étaient les yeux et la langue d'une biche, car elle avait fait partir la reine et son enfant dans la forêt. Le roi fit le vœu de rester sans boire et sans manger et de voyager jusqu'aux extrémités du ciel pour les retrouver. Il chercha pendant sept ans. Ses mains devinrent noires, sa barbe se fit brune comme de la mousse, ses yeux rougirent et se desséchèrent. Il ne mangeait ni ne buvait, mais une force plus puissante que lui l'aidait à vivre. A la fin, il parvint à l'auberge tenue par les gens de la forêt. La femme en blanc le fit entrer et il s'allongea, complètement épuisé. Elle lui posa un voile sur le visage. Il s'endormit et, tandis qu'il respirait profondément, le voile glissa petit à petit de son visage. Quand il s'éveilla une jolie femme et un bel enfant le contemplaient. "Je suis ton épouse et voici ton enfant." Le roi ne demandait qu'à la croire, mais il s'aperçut qu'elle avait des mains. "Mes labeurs et mes soins les ont fait repousser," dit la jeune femme. Alors la femme en blanc tira les mains en argent du coffre dans le quel elles étaient conservées. Le roi se leva étreignit son épouse et son enfant et, ce jour-là, la joie fut grande au cœur de la forêt. Tous les esprits et les habitants de l'auberge prirent part à un splendide festin. Par la suite, le roi, la reine et leur fils revinrent auprès de la vieille mère, se marièrent une seconde fois.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Le petit Pou et la petite Puce

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Le petit pou et la petite puce vivaient ensemble, tenaient ensemble leur petite maison et brassaient leur bière dans une coquille d'œuf. Un jour le petit pou tomba dans la bière et s'ébouillanta. La petite puce se mit à pleurer à chaudes larmes. La petite porte de la salle s'étonna: "Pourquoi pleures-tu ainsi, petite puce?" – "Parce que le pou s'est ébouillanté."
La petite porte se mit à grincer et le petit balai dans le coin demanda: "Pourquoi grinces-tu ainsi, petite porte?" – "Comment pourrais-je ne pas grincer!
Le petit pou s'est ébouillanté,La petite puce en perd la santé."
Le petit balai se mit à s'agiter de tous côtés. Une petite charrette qui passait par là, cria: "Pourquoi t'agites-tu ainsi, petit balai?" – "Comment pourrais-je rester en place!
Le petit pou s'est ébouillanté,La petite puce en perd la santé,La petite porte grince à qui mieux mieux."
Et la petite charrette dit: "Moi, je vais rouler," et elle se mit à rouler à toute vitesse. Elle passa par le dépotoir et les balayures lui demandèrent: "Pourquoi fonces-tu ainsi, petite charrette?" – "Comment pourrais-je ne pas foncer!
Le petit pou s'est ébouillanté,La petite puce en perd la santé,La petite porte grince à qui mieux mieux,Le balai s'agite, sauve-qui-peut!"
Les balayures décidèrent alors: "Nous allons brûler de toutes nos forces," et elles s'enflammèrent aussitôt. Le petit arbre à côté du dépotoir demanda: "Allons, balayures, pourquoi brûlez-vous ainsi?" – "Comment pourrions-nous ne pas brûler!
Le petit pou s'est ébouillanté,La petite puce en perd la santé,La petite porte grince à qui mieux mieux,Le balai s'agite, sauve-qui-peut!La charrette fonce fendant les airs."
Et le petit arbre dit: "Alors moi, je vais trembler," et il se mit à trembler à en perdre toutes ses feuilles. Une petite fille, qui passait par là avec une cruche d'eau à la main, s'étonna: "Pourquoi trembles-tu ainsi, petit arbre?" – "Comment pourrais-je ne pas trembler!
Le petit pou s'est ébouillanté,La petite puce en perd la santé,La petite porte grince à qui mieux mieux,Le balai s'agite, sauve-qui-peut!La charrette fonce fendant les airs,Les balayures brûlent en un feu d'enfer."
Et la petite fille dit: "Alors moi, je vais casser ma cruche," et elle la cassa. La petite source d'où jaillissait l'eau, demanda: "Pourquoi casses-tu ta cruche, petite fille?" – "Comment pourrais-je ne pas la casser!
Le petit pou s'est ébouillanté,La petite puce en perd la santé,La porte grince à qui mieux mieux,Le balai s'agite, sauve-qui-peut!La charrette fonce fendant les airs,Les balayures brûlent en un feu d'enfer.Et le petit arbre, le pauvre, du pied à la tête il tremble."
"Ah bon," dit la petite source, "alors moi, je vais déborder," et elle se mit à déborder. Et l'eau inonda tout en noyant, la petite fille, le petit arbre, les balayures, la charrette, le petit balai, la petite porte, la petite puce et le petit pou, tous autant qu'ils étaient.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois une pauvre femme qui mit au inonde un fils, et comme il était coiffé quand il naquit, on lui prédit que, dans sa quatorzième année, il épouserait la fille du roi. Sur ces entrefaites, le roi passa par le village, sans que personne le reconnût; et comme il demandait ce qu'il y avait de nouveau, on lui répondit qu'il venait de naître un enfant coiffé, que tout ce qu'il entreprendrait lui réussirait, et qu'on lui avait prédit que, lorsqu'il aurait quatorze ans, il épouserait la fille du roi. Le roi avait un mauvais cœur, et cette prédiction le fâcha. Il alla trouver les parents du nouveau-né, et leur dit d'un air tout amical: « Vous êtes de pauvres gens, donnez-moi votre enfant, j'en aurai bien soin. » Ils refusèrent d'abord; mais l'étranger leur offrit de l'or, et ils se dirent: « Puisque l'enfant est né coiffé, ce qui arrive est pour son bien. » Ils finirent par consentir et par livrer leur fils. Le roi le mit dans une boite, et chevaucha avec ce fardeau jusqu'au bord d'une rivière profonde où il le jeta, en pensant qu'il délivrait sa fille d'un galant sur lequel elle ne comptait guère. Mais la botte, loin de couler à fond, se mit à flotter comme un petit batelet, sans qu'il entrât dedans une seule goutte d'eau; elle alla ainsi à la dérive jusqu'à deux lieues de la capitale, et s'arrêta contre l'écluse d'un moulin. Un garçon meunier qui se trouvait là par bonheur l'aperçut et l'attira avec un croc; il s'attendait, en l'ouvrant, à y trouver de grands trésors: mais c'était un joli petit garçon, frais et éveillé. Il le porta au moulin; le meunier et sa femme, qui n'avaient pas d'enfants, reçurent celui-là comme si Dieu le leur eût envoyé. Ils traitèrent de leur mieux le petit orphelin, qui grandit chez eux en forces et en bonnes qualités. Un jour, le roi, surpris par la pluie, entra dans le moulin et demanda au meunier si ce grand jeune homme était son fils. « Non, sire, répondit-il: c'est un enfant trouvé qui est venu dans une boîte échouer contre notre écluse, il y a quatorze ans; notre garçon meunier l'a tiré de l'eau. » Le roi reconnut alors que c'était l'enfant né coiffé qu'il avait jeté à la rivière. « Bonnes gens, dit-il, ce jeune homme ne pourrait-il pas porter une lettre de ma part à la reine? Je lui donnerais deux pièces d'or pour sa peine. - Comme Votre Majesté l'ordonnera, » répondirent-ils; et ils dirent au jeune homme de se tenir prêt. Le roi écrivit à la reine une lettre où il lui mandait de se saisir du messager, de le mettre à mort et de l'enterrer, de façon à ce qu'il trouvât la chose faite à son retour. Le garçon se mit en route avec la lettre, mais il s'égara et arriva le soir dans une grande forêt. Au milieu des ténèbres, il aperçut de loin une faible lumière, et, se dirigeant de ce côté, il atteignit une petite maisonnette où il trouva une vieille femme assise près du feu. Elle parut toute surprise de voir le jeune homme et lui dit: « D'où viens-tu et que veux-tu? - Je viens du moulin, répondit-il; je porte une lettre à la reine; j'ai perdu mon chemin, et je voudrais bien passer la nuit ici. - Malheureux enfant, répliqua la femme, tu es tombé dans une maison de voleurs, et, s'ils te trouvent ici, c'est fait de toi. - A la grâce de Dieu! dit le jeune homme, je n'ai pas peur; et, d'ailleurs, je suis si fatigué qu'il m'est impossible d'aller plus loin. » Il se coucha sur un banc et s'endormit. Les voleurs rentrèrent bientôt après, et ils demandèrent avec colère pourquoi cet étranger était là. « Ah! dit la vieille, c'est un pauvre enfant qui s'est égaré dans le bois; je l'ai reçu par compassion. Il porte une lettre à la reine. » Les voleurs prirent la lettre pour la lire, et virent qu'elle enjoignait de mettre à mort le messager. Malgré la dureté de leur cœur, ils eurent pitié du pauvre diable; leur capitaine déchira la lettre, et en mit une autre à la place qui enjoignait qu'aussitôt que le jeune homme arriverait, on lui fit immédiatement épouser la fille du roi. Puis les voleurs le laissèrent dormir sur son banc jusqu'au matin, et, quand il fut éveillé, ils lui remirent la lettre et lui montrèrent son chemin. La reine, ayant reçu la lettre, exécuta ce qu'elle contenait: on fit des noces splendides; la fille du roi épousa l'enfant né coiffé, et, comme il était beau et aimable, elle fut enchantée de vivre avec lui. Quelque temps après, le roi revint dans son palais; et trouva que la prédiction était accomplie et que l'enfant né coiffé avait épousé sa fille. « Comment cela s'est-il fait? dit-il; j'avais donné dans ma lettre un ordre tout différent. » La reine lui montra la lettre , et lui dit qu'il pouvait voir ce qu'elle contenait. Il la lut et vit bien qu'on avait changé la sienne. Il demanda au jeune homme ce qu'était devenue la lettre qu'il lui avait confiée, et pourquoi il en avait remis une autre. « Je n'en sais rien, répliqua celui-ci; il faut qu'on l'ait changée la nuit, quand j'ai couché dans la forêt. » Le roi en colère lui dit: « Cela ne se passera pas ainsi. Celui qui prétend à ma fille doit me rapporter de l'enfer trois cheveux d'or de la tête du diable. Rapporte-les-moi, et ma fille t'appartiendra. » Le roi espérait bien qu'il ne reviendrait jamais d'une pareille commission. Le jeune homme répondit: « Le diable ne me fait pas peur; j'irai chercher les trois cheveux d'or. » Et il prit congé du roi et se mit en route. Il arriva devant une grande ville. A la porte, la sentinelle lui demanda quel était son état et ce qu'il savait: « Tout, répondit-il. - Alors, dit la sentinelle, rends-nous le service de nous apprendre pourquoi la fontaine de notre marché, qui nous donnait toujours du vin, s'est desséchée et ne fournit même plus d'eau. - Attendez, répondit-il, je vous le dirai à mon retour. » Plus loin, il arriva devant une autre ville. La sentinelle de la porte lui demanda son état et ce qu'il savait. « Tout, répondit-il. - Rends-nous alors le service de nous apprendre pourquoi le grand arbre de notre ville, qui nous rapportait des pommes d'or, n'a plus même de feuilles. - Attendez, répondit-il, je vous le dirai à mon retour. » Plus loin encore il arriva devant une grande rivière qu'il s'agissait de passer. Le passager lui demanda son état et ce qu'il savait. , Tout, répondit-il. - Alors, dit le passager, rends-moi le service de m'apprendre si je dois toujours rester à ce poste, sans jamais être relevé. - Attends, répondit-il, je te le dirai à mon retour. » De l'autre côté de l'eau, il trouva la bouche de l'enfer. Elle était noire et enfumée. Le diable n'était pas chez lui; il n'y avait que son hôtesse, assise dans un large fauteuil. « Que demandes-tu? lui dit-elle d'un ton assez doux. « Il me faut trois cheveux d'or de la tête du diable, sans quoi je n'obtiendrai pas ma femme. - C'est beaucoup demander, dit-elle, et si le diable t'aperçoit quand il rentrera, tu passeras un mauvais quart d'heure. Cependant tu m'intéresses, et je vais tâcher de te venir en aide. » Elle le changea en fourmi et lui dit: « Monte dans les plis de ma robe; là tu seras en sûreté - Merci, répondit-il, voilà qui va bien; mais j'aurais besoin en outre de savoir trois choses: pourquoi une fontaine qui versait toujours du vin ne fournit même plus d'eau; pourquoi un arbre qui portait des pommes d'or n'a plus même de feuilles; et si un certain passager doit toujours rester à son poste sans jamais être relevé. - Ce sont trois questions difficiles, dit-elle; mais tiens-toi bien tranquille, et sois attentif à ce que le diable dira quand je lui arracherai les trois cheveux d'or. » Quand le soir arriva, le diable revint chez lui. A peine était-il entré qu'il remarqua une odeur extraordinaire. « Il y a du nouveau ici, dit-il; je sens la chair humaine. » Et il alla fureter dans tous les coins, mais sans rien trouver. L'hôtesse lui chercha querelle. « Je viens de balayer et de ranger, dit-elle, et tu vas tout bouleverser ici, tu crois toujours sentir la chair humaine. Assieds-toi et mange ton souper. » Quand il eut soupé, il était fatigué; il posa su tête sur les genoux de son hôtesse, et lui dit de lui chercher un peu les poux; mais il ne tarda pas à s'endormir et à ronfler. La vieille saisit un cheveu d'or, l'arracha et le mit de côté. « Hé, s'écria le diable, qu'as-tu donc fait? - J'ai eu un mauvais rêve, dit l'hôtesse, et je t'ai pris par les cheveux. - Qu'as-tu donc rêvé? demanda le diable. - J'ai rêvé que la fontaine d'un marché, qui versait toujours du vin, s'était arrêtée et qu'elle ne donnait plus même d'eau; quelle en peut être la cause? - Ah! si on le savait! répliqua le diable: il y a un crapaud sous une pierre dans la fontaine; on n'aurait qu'à le tuer, le vin recommencerait à couler. » L'hôtesse se remit à lui chercher les poux; il se rendormit et ronfla de façon à ébranler les vitres. Alors elle lui arracha le second cheveu. « Heu! que fais-tu? s'écria le diable en colère. - Ne t'inquiète pas, répondit-elle, c'est un rêve que j'ai fait. - Qu'as-tu rêvé encore? demanda-t-il. - J'ai rêvé que dans un pays il y a un arbre qui portait toujours des pommes d'or, et qui n'a plus même de feuilles; quelle en pourrait être la cause? - Ah! si on le savait! répliqua le diable: il y a une souris qui ronge la racine; on n'aurait qu'à la tuer, il reviendrait des pommes d'or à l'arbre; mais si elle continue à la ronger, l'arbre mourra tout à fait. Maintenant laisse-moi en repos avec tes rêves. Si tu me réveilles encore, je te donnerai un soufflet. » L'hôtesse l'apaisa et se remit à lui chercher ses poux jusqu'à ce qu'il fût rendormi et ronflant. Alors elle saisit le troisième cheveu d'or et l'arracha. Le diable se leva en criant et voulait la battre; elle le radoucit encore en disant: « Qui peut se garder d'un mauvais rêve? - Qu'as-tu donc rêvé encore? demanda-t-il avec curiosité. - J'ai rêvé d'un passager qui se plaignait de toujours passer l'eau avec sa barque, sans que personne le remplaçât jamais. - Hé! le sot! répondit le diable: le premier qui viendra pour passer la rivière, il n'a qu'à lui mettre sa rame à la main, il sera libre et l'autre sera obligé de faire le passage à son tour. » Comme l'hôtesse lui avait arraché les trois cheveux d'or, et qu'elle avait tiré de lui les trois réponses, elle le laissa en repos, et il dormit jusqu'au matin. Quand le diable eut quitté la maison, la vieille prit la fourmi dans les plis de sa robe et rendit au jeune homme sa figure humaine. « Voilà les trois cheveux, lui dit-elle; mais as-tu bien entendu les réponses du diable à tes questions? -Très bien, répondit-il, et je m'en souviendrai. - Te voilà donc hors d'embarras, dit-elle, et tu peux reprendre ta route. » Il remercia la vieille qui l'avait si bien aidé, et sortit de l'enfer, fort joyeux d'avoir si heureusement réussi. Quand il arriva au passager, avant de lui donner la réponse promise, il se fit d'abord passer de l'autre côté, et alors il lui lit part du conseil donné par le diable: « Le premier qui viendra pour passer la rivière, tu n'as qu'à lui mettre ta rame à la main. » Plus loin, il retrouva la ville à l'arbre stérile; la sentinelle attendait aussi sa réponse: « Tuez la souris qui ronge les racines » dit-il, et les pommes d'or reviendront. » La sentinelle, pour le remercier, lui donna deux ânes chargés d'or. Enfin il parvint à la ville dont la fontaine était à sec. Il dit à la sentinelle: « Il y a un crapaud sous une pierre dans la fontaine; cherchez-le et tuez-le, et le vin recommencera à couler en abondance. » La sentinelle le remercia et lui donna encore deux ânes chargés d'or. Enfin, l'enfant né coiffé revint près de sa femme, qui se réjouit dans son cœur en le voyant de retour et en apprenant que tout s'était bien passé. Il remit au roi les trois cheveux d'or du diable. Celui-ci, en apercevant les quatre ânes chargés d'or, fut grandement satisfait et lui dit: « Maintenant toutes les conditions sont remplies, et ma fille est à toi. Mais, mon cher gendre, dis-moi d'où te vient tant d'or, car c'est un trésor énorme que tu rapportes. - Je l'ai pris, dit-il, de l'autre côté d'une rivière que j'ai traversée; c'est le sable du rivage. - Pourrais-je m'en procurer autant? lui demanda le roi, qui était un avare. - Tant que vous voudrez, répondit-il. Vous trouverez un passager; adressez-vous à lui pour passer l'eau, et vous pourrez remplir vos sacs. » L'avide monarque se mit aussitôt en route, et arrivéau bord de l'eau, il fit signe au passager de lui amener sa barque. Le passager le fit entrer, et, quand ils furent à l'autre bord, il lui mit la rame à la main et sauta dehors. Le roi devint ainsi passager en punition de ses péchés. « L'est-il encore? - Eh! sans doute, puisque personne ne lui a repris la rame. »Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

L’os chanteur

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois un pays où régnait la désolation, parce qu'un sanglier ravageait tous les champs, tuait les bestiaux et blessait les paysans avec ses défenses. Le roi avait promis une forte récompense à qui délivrerait la contrée de ce fléau; mais l'animal était si grand et si fort, que personne n'osait se risquer vers le lieu de son réfuge. A la fin, le roi fit savoir que celui qui parviendrait à se rendre maître de cette bête nuisible, ou à la ruer, obtiendrait la main de sa fille.
Dans ce pays vivaient deux frères, qui résolurent de tenter l'entreprise. L'aîné , rusé et adroit, s'y décida par orgueil; le cadet, qui était généreux et naïf, par bonté de cœur. Le roi leur dit:
- Pour être plus sûrs de rencontrer l'animal, vous ferez bieu de partir chacun d'un point opposé.
Ils suivirent son avis. L'aîné partit du couchant, et le cadet, du levant.
Celui-ci avait à peine fait quelques centaines de pas, qu'il vit venir à lui un petit homme tenant dans la main une lance toute noire.
- Je te donne cette lance, lui dit l'inconnu, parce que ton cœur est innocent et bon; avec cette arme, tu peux aller sans crainte au-devant du sanglier; il ne te fera aucun mal.
Le jeune compagnon remercia le petit homme, mit la lance sur son épaule, et s'avança d'un pas intrépide. Il ne tarda pas à apercevoir le féroce animal qui accourait vers lui; mais, sans se troubler, il se mit en arrêt avec sa lance, et la bête furieuse vint s'y heurter avec une telle force, que la pointe lui traversa le cœur. Alors le jeune homme plaça sa victime sur ses épaules, et prit le chemin du château, dans l'intention d'aller montrer au roi son trophée.
Quand il arriva à l'autre extrémité du bois, il aperçut une auberge où bon nombre de joyeux compagnons étaient en train de danser et de boire. Son frère faisait partie de la bruyante assemblée, car il s'était dit:
- Puisque je ne dois pas craindre que le sanglier s'échappe, je vais commencer par demander du courage aux bouteilles. A la vue de son jeune frère, qui arrivait avec sa proie, un sentiment d'envie s'éveilla dans son méchant cœur.- En ce un moment, cher frère, lui cria-t-il, et qu'un verre de vin te rafraîchisse.
Le jeune frère, qui ne soupçonnait aucune arrière pensée perfide, franchit le seuil de la maison, et raconta à son aîné sa rencontre avec le bon petit homme qui lui avait donné une lance, dans laquelle le sanglier s'était enferré. Son méchant frère le retint dans l'auberge jusqu'au soir, et. ce fut alors seulement qu'ils partirent ensemble.
Il était nuit lorsqu'ils arrivèrent auprès d'un petit pont jeté sur un ruisseau; l'aîné eut soin de laisser passer son frère le premier, et à peine celui-ci fut-il arrivé au milieu du pont, que son méchant compagnon lui donna un coup et le fit tomber mort au milieu de l'eau. Il l'enterra sans retard au-dessous du pont, prit le sanglier et le porta au roi, en disant qu'il l'avait tué; sur quoi, le roi lui donna la main de sa fille.
Cependant on commença à s'étonner de ne point voir revenir le jeune frère; son aîné répondit que sans doute le sanglier avait mis son corps en lambeaux, et chacun le crut.
Mais rien ne peut demeurer caché à l'œil de Dieu; cette cruelle action devait finir par être découverte. Bien des années après, un berger, qui faisait passer ses brebis sur le pont, aperçut en bas, dans le sable, un petit os blanc comme la neige.
- Cela fera une bonne embouchure pour mon cornet, pensa-t-il.
Il descendit donc, ramassa le petit os dans lequel il tailla une embouchure pour son instrument. La première fois qu'il essaya d'y souffler, le petit os se mit à chanter tout à coup, au grand étonnemement du berger:
Hélas! mon bon berger,Tu souffles dans mon petit os.Mon frère m'a tué,Puis il m'a enterré sous ce pont,Pour m'enlever le sanglier sauvage .En échange duquel le roi avait promis sa fille.
- Le merveilleux cornet que j'ai là! se dit le berger; il faut que j'aille le porter à notre seigneur le roi.
Il ne fut pas plutôt en présence du roi, que le cornet se mit à chanter de nouveau la chanson que vous avez déjà entendue.
Le roi comprit l'affreux mystère; il fit creuser sous le pont, et l'on y trouva le squelette entier du malheureux jeune homme.
Le méchant frère ne put pas nier plus longtemps son crime. On le fit coudre dans un sac et on le jeta ainsi tout vivant dans le ruisseau, où il ne tarda pas à être suffoqué.
Quant aux restes de son pauvre et innocent frère, on les porta dans l'église, et ils reposèrent désormais dans un beau tombeau.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Les musiciens de Brême

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Un homme avait un âne qui l'avait servi fidèlement pendant longues années, mais dont les forces étaient à bout, si bien qu'il devenait chaque jour plus impropre au travail. Le maître songeait à le dépouiller de sa peau; mais l'âne, s'apercevant que le vent soufflait du mauvais côté, s'échappa et prit la route de Brême: "Là, se disait-il, je pourrai devenir musicien de la ville." Comme il avait marché quelque temps, il rencontra sur le chemin un chien de chasse qui jappait comme un animal fatigué d'une longue course. "Qu'as-tu donc à japper de la sorte, camarade? lui dit-il. "Ah!" répondit le chien, "parce que je suis vieux, que je m'affaiblis tous les jours et que je ne peux plus aller à la chasse, mon maître a voulu m'assommer; alors j'ai pris la clef des champs; mais comment ferais-je pour gagner mon pain?" - "Eh bien!" dit l'âne, "je vais à Brême pour m'y faire musicien de la ville, viens avec-moi et fais-toi aussi recevoir dans la musique. Je jouerai du luth, et toi tu sonneras les timbales." Le chien accepta et ils suivirent leur route ensemble. A peu de distance, ils trouvèrent un chat couché sur le chemin et faisant une figure triste comme une pluie de trois jours. "Qu'est-ce donc qui te chagrine, vieux frise-moustache?" lui dit l'âne. "On n'est pas de bonne humeur quand on craint pour sa tête," répondit le chat, "parce que j'avance en âge, que mes dents sont usées et que j'aime mieux rester couché derrière le poêle et filer mon rouet que de courir après les souris, ma maîtresse a voulu me noyer; je me suis sauvé à temps: mais maintenant que faire, et où aller?" - "Viens avec nous à Brême; tu t'entends fort bien à la musique nocturne, tu te feras comme nous musicien de la ville." Le chat goûta l'avis et partit avec eux. Nos vagabonds passèrent bientôt devant une cour, sur la porte de laquelle était perché un coq qui criait du haut de sa tête. "Tu nous perces la moelle des os," dit l'âne, "qu'as-tu donc à crier de la sorte?" - "J'ai annoncé le beau temps," dit le coq, "car c'est aujourd'hui le jour où Notre-Dame a lavé les chemises de l'enfant Jésus et où elle doit les sécher; mais, comme demain dimanche on reçoit ici à dîner, la maîtresse du logis est sans pitié pour moi; elle a dit à la cuisinière qu'elle me mangerait demain en potage, et ce soir il faudra me laisser couper le cou. Aussi crié-je de toute mon haleine, pendant que je respire encore." - "Bon!" dit l'âne, "crête rouge que tu es, viens plutôt à Brême avec nous; tu trouveras partout mieux que la mort tout au moins: tu as une bonne voix, et, quand nous ferons de la musique ensemble, notre concert aura une excellente façon." Le coq trouva la proposition de son goût, et ils détalèrent tous les quatre ensemble.
Ils ne pouvaient atteindre la ville de Brême le même jour; ils arrivèrent le soir dans une forêt où ils comptaient passer la nuit. L'âne et le chien s'établirent sous un grand arbre, le chat et le coq y grimpèrent, et même le coq prit son vol pour aller se percher tout au haut, où il se trouverait plus en sûreté. Avant de s'endormir, comme il promenait son regard aux quatre vents, il lui sembla qu'il voyait dans le lointain une petite lumière; il cria à ses compagnons qu'il devait y avoir une maison à peu de distance, puisqu'on apercevait une clarté. "S'il en est ainsi," dit l'âne, "délogeons et marchons en hâte de ce côté, car cette auberge n'est nullement de mon goût." Le chien ajouta: "En effet, quelques os avec un peu de viande ne me déplairaient pas." Ils se dirigèrent donc vers le point d'où partait la lumière; bientôt ils la virent briller davantage et s'agrandir, jusqu'à ce qu'enfin ils arrivèrent en face d'une maison de brigands parfaitement éclairée. L'âne, comme le plus grand, s'approcha de la fenêtre et regarda en dedans du logis. "Que vois-tu là, grison?" lui demanda le coq. "Ce que je vois?" dit l'âne, "une table chargée de mets et de boisson, et alentour des brigands qui s'en donnent â cœur joie." - "Ce serait bien notre affaire," dit le coq. "Oui, certes!" reprit l'âne, "ah! si nous étions là!" Ils se mirent à rêver sur le moyen à prendre pour chasser les brigands; enfin ils se montrèrent. L'âne se dressa d'abord en posant ses pieds de devant sur la fenêtre, le chien monta sur le dos de l'âne, le chat grimpa sur le chien, le coq prit son vol et se posa sur la tête du chat. Cela fait, ils commencèrent ensemble leur musique à un signal donné. L'âne se mit à braire, le chien à aboyer, le chat à miauler, le coq à chanter puis ils se précipitèrent par la fenêtre dans la chambre en enfonçant les carreaux qui volèrent en éclats. Les voleurs, en entendant cet effroyable bruit, se levèrent en sursaut, ne doutant point qu'un revenant n'entrât dans la salle, et se sauvèrent tout épouvantés dans la forêt. Alors les quatre compagnons s'assirent à table, s'arrangèrent de ce qui restait, et mangèrent comme s'ils avaient dû jeûner un mois.
Quand les quatre instrumentistes eurent fini, ils éteignirent les lumières et cherchèrent un gîte pour se reposer, chacun selon sa nature et sa commodité. L'âne se coucha sur le fumier, le chien derrière la porte, le chat dans le foyer près de la cendre chaude, le coq sur une solive; et, comme ils étaient fatigués de leur longue marche, ils ne tardèrent pas à s'endormir. Après minuit, quand les voleurs aperçurent de loin qu'il n'y avait plus de clarté dans leur maison et que tout y paraissait tranquille, le capitaine dit: "Nous n'aurions pas dû pourtant nous laisser ainsi mettre en déroute," et il ordonna à un de ses gens d'aller reconnaître ce qui se passait dans la maison. Celui qu'il envoyait trouva tout en repos; il entra dans la cuisine et voulut allumer de la lumière; il prit donc une allumette, et comme les yeux brillants et en flammés du chat lui paraissaient deux charbons ardents, il en approcha l'allumette pour qu'elle prît feu. Mais le chat n'entendait pas raillerie; il lui sauta au visage et l'égratigna en jurant. Saisi d'une horrible peur, l'homme courut vers la porte pour s'enfuir; mais le chien qui était couché tout auprès, s'élança sur lui et le mordit à la jambe; comme il passait dans la cour à côté du fumier, l'une lui détacha une ruade violente avec ses pieds de derrière, tandis que le coq, réveillé par le bruit et déjà tout alerte, criait du haut de sa solive: "Kikeriki!" Le voleur courut à toutes jambes vers son capitaine et dit: "Il y a dans notre maison une affreuse sorcière qui a souillé sur moi et m'a égratigné la figure avec ses longs doigts; devant la porte est un homme armé d'un couteau, dont il m'a piqué la jambe; dans la cour se tient un monstre noir, qui m'a assommé d'un coup de massue, et au haut du toit est posé le juge qui criait: 'Amenez devant moi ce pendard!' Aussi me suis-je mis en devoir de m'esquiver." Depuis lors, les brigands n'osèrent plus s'aventurer dans la maison, et les quatre musiciens de Brême s'y trouvèrent si bien qu'ils n'en voulurent plus sortir.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Le petit Chaperon Rouge

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois une petite fille que tout le monde aimait bien, surtout sa grand-mère. Elle ne savait qu'entreprendre pour lui faire plaisir. Un jour, elle lui offrit un petit bonnet de velours rouge, qui lui allait si bien qu'elle ne voulut plus en porter d'autre. Du coup, on l'appela Chaperon Rouge. Un jour, sa mère lui dit: "Viens voir, Chaperon Rouge: voici un morceau de gâteau et une bouteille de vin. Porte-les à ta grand-mère; elle est malade et faible; elle s'en délectera; fais vite, avant qu'il ne fasse trop chaud. Et quand tu seras en chemin, sois bien sage et ne t'écarte pas de ta route, sinon tu casserais la bouteille et ta grand-mère n'aurait plus rien. Et quand tu arriveras chez elle, n'oublie pas de dire "Bonjour" et ne va pas fureter dans tous les coins."
"Je ferai tout comme il faut," dit le Petit Chaperon Rouge à sa mère. La fillette lui dit au revoir. La grand-mère habitait loin, au milieu de la forêt, à une demi-heure du village. Lorsque le Petit Chaperon Rouge arriva dans le bois, il rencontra le Loup. Mais il ne savait pas que c'était une vilaine bête et ne le craignait point. "Bonjour, Chaperon Rouge," dit le Loup. "Bonjour, Loup," dit le Chaperon Rouge. "Où donc vas-tu si tôt, Chaperon Rouge?" - "Chez ma grand-mère." - "Que portes-tu dans ton panier?" - "Du gâteau et du vin. Hier nous avons fait de la pâtisserie, et ça fera du bien à ma grand-mère. Ça la fortifiera." - "Où habite donc ta grand-mère, Chaperon Rouge?" - "Oh! à un bon quart d'heure d'ici, dans la forêt. Sa maison se trouve sous les trois gros chênes. En dessous, il y a une haie de noisetiers, tu sais bien?" dit le petit Chaperon Rouge. Le Loup se dit: "Voilà un mets bien jeune et bien tendre, un vrai régal! Il sera encore bien meilleur que la vieille. Il faut que je m'y prenne adroitement pour les attraper toutes les eux!" Il l'accompagna un bout de chemin et dit: "Chaperon Rouge, vois ces belles fleurs autour de nous. Pourquoi ne les regardes-tu pas? J'ai l'impression que tu n'écoutes même pas comme les oiseaux chantent joliment. Tu marches comme si tu allais à l'école, alors que tout est si beau, ici, dans la forêt!"
Le Petit Chaperon Rouge ouvrit les yeux et lorsqu'elle vit comment les rayons du soleil dansaient de-ci, de-là à travers les arbres, et combien tout était plein de fleurs, elle pensa: "Si j'apportais à ma grand- mère un beau bouquet de fleurs, ça lui ferait bien plaisir. Il est encore si tôt que j'arriverai bien à l'heure." Elle quitta le chemin, pénétra dans le bois et cueillit des fleurs. Et, chaque fois qu'elle en avait cueilli une, elle se disait: "Plus loin, j'en vois une plus belle," et elle y allait et s'enfonçait toujours plus profondément dans la forêt. Le Loup lui, courait tout droit vers la maison de la grand-mère. Il frappa à la porte. "Qui est là?" - "C'est le Petit Chaperon Rouge qui t'apporte du gâteau et du vin." - "Tire la chevillette," dit la grand-mère. "Je suis trop faible et ne peux me lever." Le Loup tire la chevillette, la porte s'ouvre et sans dire un mot, il s'approche du lit de la grand-mère et l'avale. Il enfile ses habits, met sa coiffe, se couche dans son lit et tire les rideaux.
Pendant ce temps, le petit Chaperon Rouge avait fait la chasse aux fleurs. Lorsque la fillette en eut tant qu'elle pouvait à peine les porter, elle se souvint soudain de sa grand-mère et reprit la route pour se rendre auprès d'elle. Elle fut très étonnée de voir la porte ouverte. Et lorsqu'elle entra dans la chambre, cela lui sembla si curieux qu'elle se dit: "Mon dieu, comme je suis craintive aujourd'hui. Et, cependant, d'habitude, je suis si contente d'être auprès de ma grand-mère!" Elle s'écria: "Bonjour!" Mais nulle réponse. Elle s'approcha du lit et tira les rideaux. La grand-mère y était couchée, sa coiffe tirée très bas sur son visage. Elle avait l'air bizarre. "Oh, grand-mère, comme tu as de grandes oreilles." - "C'est pour mieux t'entendre!" - "Oh! grand-mère, comme tu as de grands yeux!" - "C'est pour mieux te voir!" - "Oh! grand-mère, comme tu as de grandes mains!" - "C'est pour mieux t'étreindre!" - "Mais, grand-mère, comme tu as une horrible et grande bouche!" - "C'est pour mieux te manger!" À peine le Loup eut-il prononcé ces mots, qu'il bondit hors du lit et avala le pauvre Petit Chaperon Rouge.
Lorsque le Loup eut apaisé sa faim, il se recoucha, s'endormit et commença à ronfler bruyamment. Un chasseur passait justement devant la maison. Il se dit: "Comme cette vieille femme ronfle! Il faut que je voie si elle a besoin de quelque chose." Il entre dans la chambre et quand il arrive devant le lit, il voit que c'est un Loup qui y est couché. "Ah! c'est toi, bandit!" dit-il. "Voilà bien longtemps que je te cherche." Il se prépare à faire feu lorsque tout à coup l'idée lui vient que le Loup pourrait bien avoir avalé la grand-mère et qu'il serait peut-être encore possible de la sauver. Il ne tire pas, mais prend des ciseaux et commence à ouvrir le ventre du Loup endormi. À peine avait-il donné quelques coups de ciseaux qu'il aperçoit le Chaperon Rouge. Quelques coups encore et la voilà qui sort du Loup et dit: "Ah! comme j'ai eu peur! Comme il faisait sombre dans le ventre du Loup!" Et voilà que la grand-mère sort à son tour, pouvant à peine respirer. Le Petit Chaperon Rouge se hâte de chercher de grosses pierres. Ils en remplissent le ventre du Loup. Lorsque celui-ci se réveilla, il voulut s'enfuir. Mais les pierres étaient si lourdes qu'il s'écrasa par terre et mourut.
Ils étaient bien contents tous les trois: le chasseur dépouilla le Loup et l'emporta chez lui. La grand-mère mangea le gâteau et but le vin que le Petit Chaperon Rouge avait apportés. Elle s'en trouva toute ragaillardie. Le Petit Chaperon Rouge cependant pensait: "Je ne quitterai plus jamais mon chemin pour aller me promener dans la forêt, quand ma maman me l'aura interdit."
On raconte encore qu'une autre fois, quand le Petit Chaperon Rouge apportait de nouveau de la galette à sa vieille grand-mère, un autre loup essaya de la distraire et de la faire sortir du chemin. Mais elle s'en garda bien et continua à marcher tout droit. Arrivée chez sa grand-mère, elle lui raconta bien vite que le loup était venu à sa rencontre et qu'il lui avait souhaité le bonjour, mais qu'il l'avait regardée avec des yeux si méchants: "Si je n'avais pas été sur la grand-route, il m'aurait dévorée!" ajouta-t'elle. "Viens," lui dit sa grand-mère, "nous allons fermer la porte et bien la cadenasser pour qu'il ne puisse pas entrer ici." Peu après, le loup frappait à la porte et criait: "Ouvre-moi, grand-mère! c'est moi, le Petit Chaperon Rouge, qui t'apporte des gâteaux!" Mais les deux gardèrent le silence et n'ouvrirent point la porte. Tête-Grise fit alors plusieurs fois le tour de la maison à pas feutrés, et, pour finir, il sauta sur le toit, décidé à attendre jusqu'au soir, quand le Petit Chaperon Rouge sortirait, pour profiter de l'obscurité et l'engloutir. Mais la grand-mère se douta bien de ses intentions. "Prends le seau, mon enfant," dit-elle au Petit Chaperon Rouge, "j'ai fait cuire des saucisses hier, et tu vas porter l'eau de cuisson dans la grande auge de pierre qui est devant l'entrée de la maison." Le Petit Chaperon Rouge en porta tant et tant de seaux que, pour finir, l'auge était pleine. Alors la bonne odeur de la saucisse vint caresser les narines du loup jusque sur le toit. Il se pencha si bien en tendant le cou, qu'à la fin il glissa et ne put plus se retenir. Il glissa du toit et tomba droit dans l'auge de pierre où il se noya. Allègrement, le Petit Chaperon Rouge regagna sa maison, et personne ne lui fit le moindre mal.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Les sept corbeaux

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Un homme avait sept fils et aucune fille, alors qu'il désirait vraiment en avoir une. Mais un jour, sa femme le combla de joie en donnant enfin naissance à une fille. La joie des parents fut immense, mais hélas, le bébé était si petit et si chétif qu'on jugea nécessaire de le baptiser de toute urgence.
Le père envoya vite un de ses fils à la source afin qu'il y puisât l'eau du baptême, mais les six autres l'y suivirent et comme chacun voulut être le premier à puiser, la cruche tomba à l'eau. Les sept garçons restèrent là, ne sachant que faire et n'osant surtout pas rentrer chez eux.
Ne les voyant pas revenir, le père s'impatienta et dit: "Les garnements sont certainement en train de s'amuser et ont oublié la pauvre petite!" Il avait tellement peur que le bébé meure sans baptême qu'il s'emporta: "Je voudrais les voir tous transformés en corbeaux!"
A peine eut-il prononcé ces paroles, qu'il entendit des battements d'ailes au-dessus de sa tête. Il leva les yeux et vit s'envoler sept corbeaux noirs.
Les parents ne pouvaient rompre la malédiction et leur peine était immense d'avoir ainsi perdu leurs sept fils. Néanmoins, ils se consolèrent quelque peu en constatant que leur chère petite fille recouvrait ses forces et embellissait de jour en jour.
Pendant très longtemps, la petite ignora qu'elle avait eu des frères, car ses parents se gardaient bien d'y faire la moindre allusion. Mais un jour, elle surprit par hasard une conversation à son sujet: on disait qu'elle était bien jolie, mais qu'elle était tout de même responsable du malheur qui avait frappé ses sept frères. Toute bouleversée, elle courut demander à son père et à sa mère si elle avait bien eu des frères et ce qu'il était advenu d'eux.
Ses parents ne purent garder le secret plus longtemps. Ils l'assurèrent que seul le ciel avait voulu tout ce qui s'était passé. Sa naissance n'avait été que la cause indirecte de cette malédiction. Cependant, de jour en jour, la fillette se sentait davantage coupable et était persuadée qu'elle devait absolument délivrer ses frères. Elle ne connut ni trêve ni repos jusqu'au jour où elle partit parcourir le vaste monde: elle retrouverait ses frères, où qu'ils soient, et les délivrerait à n'importe quel prix. Elle n'emporta qu'une petite bague en souvenir de ses parents, une miche de pain contre la faim, un cruchon d'eau contre la soif et une petite chaise pour se reposer.
Alors elle s'en alla loin, très loin, jusqu'au bout du monde. Elle s'approcha du soleil, mais il était brûlant, effrayant et mangeait les jeunes enfants. Elle s'enfuit à toutes jambes et courut vers la lune, mais celle-ci était glaciale, sinistre et méchante. Lorsqu'elle aperçut la fillette, elle dit: "Je sens, je sens l'odeur de la chair humaine." La petite fille s'éloigna aussi vite qu'elle le put et arriva auprès des étoiles, qui l'accueillirent avec bonté. Chaque étoile était assise sur sa petite chaise personnelle. L'étoile du matin se leva, lui tendit un petit os de poulet et dit: "Sans cet osselet, tu ne pourras pas ouvrir la Montagne de Verre où se trouvent tes frères."
La fillette prit l'osselet, l'enroula précieusement dans son mouchoir et reprit sa route jusqu'à ce qu'elle fût arrivée à la Montagne de Verre. La porte était fermée; la petite voulut donc sortir le petit os, mais quand elle dénoua son minuscule mouchoir, il contenait non plus un os de poulet, mais une petite clé en or.
Quand elle s'avança à l'intérieur, un nain vint à sa rencontre et lui demanda:
"Que cherches-tu, mon enfant?""Je cherche mes frères, les sept corbeaux," répondit-elle.
Et le nain déclara: "Messieurs les corbeaux ne sont pas à la maison, mais si tu veux attendre ici leur retour, entre donc!"
Le nain se mit alors à servir le repas des corbeaux dans sept petites assiettes et sept petits gobelets. La petite soeur mangea une bouchée de chaque petite assiette et but une gorgée de chaque petit gobelet; dans le dernier gobelet, elle laissa tomber la bague qu'elle avait emportée avec elle.
Tout à coup, on entendit dans l'air des battements d'ailes et des croassements. Le nain dit alors: "Voici Messieurs les corbeaux qui rentrent."
Dès qu'ils furent arrivés, ils voulurent manger et boire et chacun chercha donc son assiette et son gobelet.Tous, l'un après l'autre, s'étonnèrent: "Qui donc a mangé dans mon assiette? Qui a bu dans mon gobelet? Une bouche humaine est passée par là!"
Et comme le septième corbeau arrivait au fond de son gobelet, la petite bague roula devant lui. Il la regarda et reconnut la bague qui avait appartenu à son père et à sa mère. "Mon Dieu! si notre petite soeur pouvait être là," s'exclama-t-il, "nous serions délivrés!"
En entendant ce souhait, la fillette, qui se tenait cachée derrière la porte, s'avança vers les sept corbeaux qui retrouvèrent instantanément leur forme humaine. Ils s'embrassèrent chaleureusement, puis reprirent tous ensemble joyeusement le chemin de la maison.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Dame Hiver (Dame Holle)

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Une veuve avait deux filles, l'une jolie et courageuse, l'autre paresseuse et laide. C'était à la seconde qu'elle donnait sa préférence, parce que cette fille laide et paresseuse était sa propre fille et l'autre avait tout le travail à faire dans la maison dont elle était la Cendrillon. Elle devait chaque jour aller sur la grand-route s'asseoir près du puits et filer, filer tellement que les doigts lui en saignaient. Un jour donc, que sa quenouille était toute poisseuse et tachée de sang, la malheureuse se pencha sur le puits pour la laver mais la quenouille lui échappa des mains et tomba tout au fond du puits. En pleurant elle courut raconter son malheur à la marâtre, qui lui cria dessus. Elle fut assez impitoyable pour lui dire: «Puisque que tu as laissé tomber la quenouille, tu n'as qu'à aller toi-même la chercher!» La pauvre retourna près du puits, se tortura en se demandant comment faire et pour finir, dans son affolement, sauta elle-même dans le puits pour en rapporter la quenouille. En tombant elle s'évanouit; et lorsqu'elle se réveilla et repris ses sens, elle était dans une belle prairie, sous le brillant soleil, et il y avait autour d'elle des milliers et des milliers de fleurs. Elle s'avança dans cette prairie et arriva devant un four à pain où cuisait la fournée, et voilà que les pains, de l'intérieur se mirent à appeler: «Retire-moi! Retire-moi! Sinon je vais brûler, je suis déjà bien cuit et plus que cuit!» Elle y alla, saisit la longue pelle de four et sortit un à un tous les pains jusqu'au dernier. Puis elle poursuivi sa marche et arriva près d'un pommier chargé de pommes en quantité énorme, et là aussi on l'appela: «Secoue-moi! Secoue-moi! Nous les pommes, nous sommes toutes mûres!» Alors elle secoua l'arbre et les pommes tombèrent comme s'il pleuvait, et elle le secoua jusqu'à ce qu'il n'en restât plus une sur l'arbre, puis elle les mit soigneusement en tas avant de se remettre en route. Pour finir, elle arriva près d'une petite maison où une vieille regardait par la fenêtre, mais elle avait de si longues dents, cette vieille que la fillette dans sa peur, voulu se sauver à toutes jambes. «Pourquoi t'effrayes-tu ma chère enfant?» lui dit la vieille femme. «Reste avec moi, et si tu fais bien ton travail, si tu me tiens la maison bien en ordre, tout n'en n'ira que mieux pour toi. Surtout, tu dois veiller à bien faire mon lit et secouer soigneusement l'édredon pour en faire voler les plumes, parce qu'alors, il neige sur le monde. Je suis Dame Hiver.» Le ton aimable et les bonnes paroles de la vieille réconfortèrent son cœur et lui rendirent son courage: elle accepta son offre et entra à son service, s'acquittant de sa tâche à la grande satisfaction de Dame Hiver, battant et secouant son édredon jusqu'à faire voler les plumes de tous cotés, légères et dansantes comme des flocons de neige. En retour, elle avait la bonne vie chez elle: jamais un mot méchant et tous les jours du bouilli et du rôti. Mais quand elle fut restée un bon bout de temps chez Dame Hiver, elle devint triste peu à peu, sans trop savoir pourquoi quand cela commença, ni ce qui lui pesait si lourd sur le cœur; enfin elle se rendit compte qu'elle avait le mal du pays. Elle savait bien, pourtant, qu'elle était mille fois mieux traitée ici que chez elle, mais elle n'en languissait pas moins de revoir sa maison. «Je m'ennuie de chez moi,» finit-elle par dire à Dame Hiver, «et bien que je sois beaucoup mieux ici, je voudrais remonter là-haut et retrouver les miens. Je sens que je ne pourrais pas rester plus longtemps.» - «Il me plaît que tu aies envie de renter chez toi,» dit Dame Hiver, «et puisque tu m'as servi si fidèlement, je vais te ramener moi-même là-haut.» Elle la prit par la main et la conduisit jusque devant un grand portail, une porte monumentale dont les battants étaient ouverts; au moment où la jeune fille allait passer, une pluie d'or tomba sur elle, dense et drue, et tout l'or qui tomba resta sur elle, la couvrant et la recouvrant entièrement. «C'est ce que je te donne pour avoir été si diligente et soigneuse dans ton travail,» lui dit Dame Hiver, en lui tendant en plus, sa quenouille qui était tombée au fond du puits. La grand-porte se referma alors, et la jeune fille se retrouva sur le monde, non loin de chez sa mère. Et quand elle entra dans la cour, le coq, perché sur le puits, chanta:
«Cocorico! Cocorico!La demoiselle d'or est ici de nouveau.»
Elle arriva ensuite chez sa mère, et là, parce qu'elle était couverte de tant d'or, elle reçut bon accueil aussi bien de sa mère que de sa demi-sœur.
La jeune fille leur raconta tout ce qu'il lui était advenu, et quand la mère apprit de quelle manière elle était arrivée à cette immense richesse, sa seule idée fut de donner à sa fille, la paresseuse et laide, le même bonheur. Il fallut donc qu'elle allât comme sa sœur, s'asseoir à coté du puits pour filer; et que pour que sa quenouille fût poisseuse de sang, elle dut se piquer le doigt et s'égratigner la main dans les épines; elle jeta ensuite sa quenouille dans le puits et sauta elle-même comme l'avait fait sa sœur. Et il lui arriva la même chose qu'à elle: elle se retrouva dans la même prairie et emprunta le même chemin, arriva devant le même four, où elle entendit semblablement le pain crier: «Retire-moi! Retire-moi! Sinon je vais brûler, je suis déjà bien cuit et plus que cuit!» Mais la paresseuse se contenta de répondre: «Plus souvent, tiens! que je vais me salir!» Et elle passa outre. Lorsqu'elle arriva un peu plus loin près du pommier, il appela et cria: «Secoue-moi, secoue-moi! Nous les pommes nous sommes toutes mûres!» Mais la vilaine ne se retourna même pas et répondit: «Fameuse idée, oui! Pour qu'il m'en tombe une sur la tête.» Et elle continua son chemin. Lorsqu'elle arriva de devant la maison de Dame Holle, comme elle avait déjà entendu parler de ses longues dents elle n'eut pas peur et se mit aussitôt à la servir. Le premier jour tout alla bien, elle fit du zèle, obéit avec empressement et vivacité, car elle songeait à tout l'or que cela lui vaudrait bientôt; mais le deuxième jour, déjà, elle commença à paresser et à traîner, et beaucoup plus le troisième jour, car elle ne voulu même pas se lever ce matin là. Elle ne faisait pas non plus le lit de Dame Hiver comme elle devait le faire, négligeait de secouer l'édredon et de faire voler les plumes. Dame Hiver ne tarda pas à se lasser d'une telle négligence et lui donna congé. La fille paresseuse s'en montra ravie, pensant que venait le moment de la pluie d'or; mais si Dame Hiver la conduisit aussi elle-même à la grand-porte, au lieu de l'or, ce fut une grosse tonne de poix qui lui tomba dessus. «Voilà la récompense que t'ont méritée tes services!» lui dit Dame Hiver, qui referma aussitôt la grand-porte. La paresseuse rentra chez elle, mais couverte de poix des pieds à la tête; et le coq, sur le puits, quand il la vit, chanta:
«Cocorico! Cocorico!La sale demoiselle est ici de nouveau.»
La poix qui la couvrait colla si bien à elle que, de toute sa vie, jamais elle ne put l'enlever.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Il était une fois un souriceau, un oiselet est une petite saucisse qui s'étaient pris d'amitié, avaient mis en commun les soucis du ménage et vivaient fort heureux, tranquilles et contents depuis un bon bout de temps. L'oiselet avait pour tâche d'aller chaque jour d'un coup d'ailes jusque dans la forêt pour ramasser le bois; le souriceau s'occupait de puiser l'eau, d'allumer le feu et de mettre la table; la saucisse faisait la cuisine.
On n'est jamais content quand les choses vont bien. Et c'est ainsi que l'oiselet, un jour, rencontra en chemin un autre oiseau devant lequel il se félicite de l'excellence de son état. L'autre le rabroua et le traita de tous les noms, ce pauvre idiot qui faisait tout le gros travail pendant que les autres avaient la belle vie dans la maison. Quand le souriceau a apporté son eau et allumé le feu, disait-il, il n'a plus qu'à aller se coucher dans la chambre, paresser et se reposer jusqu'à ce qu'on l'appelle pour se mettre à table. La petite saucisse, elle, n'a rien à faire qu'à rester douillettement devant le feu en surveillant la marmite, et quand approche l'heure du repas, tout ce qu'elle a à faire, c'est de plonger une fois ou deux dans le bouillon ou dans le plat, et c'est fini: tout est graissé, parfumé et salé! Ils n'attendent que toi et ton retour avec ta lourde charge, mais lorsque tu reviens ils n'ont qu'à passer à table, et après qu'ils se sont gavés ils n'ont plus qu'à aller dormir à poings fermés, le ventre bien garni, jusqu'au lendemain matin. Voilà ce qui peut s'appeler une belle vie!
Le jour suivant, l'oiselet, sensible à la provocation, se refusa à aller chercher le bois, affirmant aux deux autres qu'il était leur esclave depuis assez longtemps dans sa stupidité et qu'il fallait que ça change! Le souriceau et la saucisse eurent beau le supplier de toutes les manières, il ne voulut rien savoir et ce fut lui qui resta le maître, imposant ses conditions: ils n'avaient qu'à tirer au sort les différentes tâches. Ils tirèrent et le sort désigna la saucisse pour aller au bois, le souriceau pour la cuisine et l'oiselet pour puiser l'eau.
Qu'arrivera-t-il? La petite saucisse s'en alla de bon matin dans la forêt pour ramasser le bois, l'oiselet alluma le feu à la maison, et le souriceau prépara la marmite et surveilla la cuisson; puis tous deux attendirent le retour de leur compagne. Mais elle resta si longtemps en route qu'ils finirent par s'inquiéter vraiment, trouvant que cela ne présageait rien de bon. L'oiselet s'envola pour aller un peu à sa rencontre, et voilà que, sans aller bien loin, il rencontra un chien qui avait trouvé la saucisse à son goût et, la voyant en liberté, l'avait croquée d'un coup. L'oiselet pouvait bien s'en prendre au chien, l'accuser de vol et d'assassinat, qu'est-ce que cela changeait? Le chien, lui, se contenta d'affirmer qu'il avait trouvé des messages compromettants sur la saucisse, et qu'à cause de cela il avait bien fallu qu'il lui ôtât la vie.
Affligé de ce deuil et tout triste dans son cœur, l'oiselet ramassa le bois et rapporta la charge à la maison, où il fait le récit de ce qu'il avait vu et entendu. Le souriceau et l'oiselet étaient en grand chagrin, mais ils finirent par décider de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de rester ensemble. L'oiselet, donc, dressa la table et le souriceau prépara la cuisine; au moment de servir et voulant imiter la saucisse et faire pour le mieux, il se plongea dans la marmite afin de parfumer le plat et relever son goût; mais, hélas! il n'alla pas bien loin: à peine entré, il était cuit et devait laisser là son poil, et sa peau, et ses os et sa vie, s'il faut tout dire.
Quand l'oiselet s'en vint pour chercher la marmite, il n'y avait plus trace de cuisinière dans la maison! Il chercha, fouilla, alla jusqu'à retourner tout le bois, mais il n'y avait plus de cuisinière dans la cuisine. Et voilà que, dans son émoi, il ne vit pas que le feu avait pris dans le bois qu'il venait de retourner; quand il s'en aperçut, c'était déjà un commencement d'incendie. Et il mit tant de hâte à courir puiser de l'eau pour l'éteindre, qu'il laissa échapper le seau et fut entraîné derrière lui au fond du puis, d'où il lui fût impossible de ressortir, et dans lequel il finit par se noyer.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Cendrillon

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Un homme riche avait une femme qui tomba malade; et quand celle-ci sentit sa fin prochaine, elle appela à son chevet son unique fille et lui dit: «Chère enfant, reste bonne et pieuse, et le bon Dieu t'aidera toujours, et moi, du haut du ciel, je te regarderai et te protégerai.» Puis elle ferma les yeux et mourut. La fillette se rendit chaque jour sur la tombe de sa mère, pleura et resta bonne et pieuse. L'hiver venu, la neige recouvrit la tombe d'un tapis blanc. Mais au printemps, quand le soleil l'eut fait fondre, l'homme prit une autre femme.
La femme avait amené avec elle ses deux filles qui étaient jolies et blanches de visage, mais laides et noires de coeur. Alors de bien mauvais jours commencèrent pour la pauvre belle-fille. «Faut-il que cette petite oie reste avec nous dans la salle?» dirent-elles. «Qui veut manger du pain, doit le gagner. Allez ouste, souillon!» Elles lui enlevèrent ses beaux habits, la vêtirent d'un vieux tablier gris et lui donnèrent des sabots de bois. «Voyez un peu la fière princesse, comme elle est accoutrée!» s'écrièrent-elles en riant et elles la conduisirent à la cuisine. Alors il lui fallut faire du matin au soir de durs travaux, se lever bien avant le jour, porter de l'eau, allumer le feu, faire la cuisine et la lessive. En outre, les deux soeurs lui faisaient toutes les misères imaginables, se moquaient d'elle, lui renversaient les pois et les lentilles dans la cendre, de sorte qu'elle devait recommencer à les trier. Le soir, lorsqu'elle était épuisée de travail, elle ne se couchait pas dans un lit, mais devait s'étendre près du foyer dans les cendres. Et parce que cela lui donnait toujours un air poussiéreux et sale, elles l'appelèrent Cendrillon.
Il arriva que le père voulut un jour se rendre à la foire; il demanda à ses deux belles-filles ce qu'il devait leur rapporter. «De beaux habits,» dit l'une. «Des perles et des pierres précieuses,» dit la seconde. «Et toi, Cendrillon,» demanda-t-il, «que veux-tu?» - «Père, le premier rameau qui heurtera votre chapeau sur le chemin du retour, cueillez-le pour moi.» Il acheta donc de beaux habits, des perles et des pierres précieuses pour les deux soeurs, et, sur le chemin du retour, en traversant à cheval un vert bosquet, une branche de noisetier l'effleura et fit tomber son chapeau. Alors il cueillit le rameau et l'emporta. Arrivé à la maison, il donna à ses belles-filles ce qu'elles avaient souhaité et à Cendrillon le rameau de noisetier. Cendrillon le remercia, s'en alla sur la tombe de sa mère et y planta le rameau, en pleurant si fort que les larmes tombèrent dessus et l'arrosèrent. Il grandit cependant et devint un bel arbre. Cendrillon allait trois fois par jour pleurer et prier sous ses branches, et chaque fois un petit oiseau blanc venait se poser sur l'arbre. Quand elle exprimait un souhait, le petit oiseau lui lançait à terre ce quelle avait souhaité.
Or il arriva que le roi donna une fête qui devait durer trois jours et à laquelle furent invitées toutes les jolies filles du pays, afin que son fils pût se choisir une fiancée. Quand elles apprirent qu'elles allaient aussi y assister, les deux soeurs furent toutes contentes; elles appelèrent Cendrillon et lui dirent: «Peigne nos cheveux, brosse nos souliers et ajuste les boucles, nous allons au château du roi pour la noce.» Cendrillon obéit, mais en pleurant, car elle aurait bien voulu les accompagner, et elle pria sa belle-mère de bien vouloir le lui permettre. «Toi, Cendrillon,» dit-elle, «mais tu es pleine de poussière et de crasse, et tu veux aller à la noce? Tu n'as ni habits, ni souliers, et tu veux aller danser?» Mais comme Cendrillon ne cessait de la supplier, elle finit par lui dire: «J'ai renversé un plat de lentilles dans les cendres; si dans deux heures tu les as de nouveau triées, tu pourras venir avec nous.» La jeune fille alla au jardin par la porte de derrière et appela: «Petits pigeons dociles, petites tourterelles et vous tous les petits oiseaux du ciel, venez m'aider à trier les graines:
Les bonnes dans le petit pot,Les mauvaises dans votre jabot.»
Alors deux pigeons blancs entrèrent par la fenêtre de la cuisine, puis les tourterelles, et enfin, par nuées, tous les petits oiseaux du ciel vinrent en voletant se poser autour des cendres. Et baissant leurs petites têtes, tous les pigeons commencèrent à picorer: pic, pic, pic, pic, et les autres s'y mirent aussi: pic, pic, pic, pic, et ils amassèrent toutes les bonnes graines dans le plat. Au bout d'une heure à peine, ils avaient déjà terminé et s'envolèrent tous de nouveau. Alors la jeune fille, toute joyeuse à l'idée qu'elle aurait maintenant la permission d'aller à la noce avec les autres, porta le plat à sa marâtre. Mais celle-ci lui dit: «Non, Cendrillon, tu n'as pas d'habits et tu ne sais pas danser: on ne ferait que rire de toi.» Comme Cendrillon se mettait à pleurer, elle lui dit: «Si tu peux, en une heure de temps, me trier des cendres deux grands plats de lentilles, tu nous accompagneras.» Car elle se disait qu'au grand jamais elle n'y parviendrait. Quand elle eut jeté le contenu des deux plats de lentilles dans la cendre, la jeune fille alla dans le jardin par la porte de derrière et appela: «Petits pigeons dociles, petites tourterelles, et vous tous les petits oiseaux du ciel, venez m'aider à trier les graines:
Les bonnes dans le petit pot,Les mauvaises dans votre jabot.»
Alors deux pigeons blancs entrèrent par la fenêtre de la cuisine, puis les tourterelles, et enfin, par nuées, tous les petits oiseaux du ciel vinrent en voletant se poser autour des cendres. Et baissant leurs petites têtes, tous les pigeons commencèrent à picorer: pic, pic, pic, pic, et les autres s y mirent aussi: pic, pic, pic, pic, et ils ramassèrent toutes les bonnes graines dans les plats. Et en moins d'une demi-heure, ils avaient déjà terminé, et s'envolèrent tous à nouveau. Alors la jeune fille, toute joyeuse à l'idée que maintenant elle aurait la permission d'aller à la noce avec les autres, porta les deux plats à sa marâtre. Mais celle-ci lui dit: «C'est peine perdue, tu ne viendras pas avec nous, car tu n'as pas d'habits et tu ne sais pas danser; nous aurions honte de toi.» Là-dessus, elle lui tourna le dos et partit à la hâte avec ses deux filles superbement parées.
Lorsqu'il n'y eut plus personne à la maison, Cendrillon alla sous le noisetier planté sur la tombe de sa mère et cria:
«Petit arbre, ébranle-toi, agite-toi,Jette de l'or et de l'argent sur moi.»
Alors l'oiseau lui lança une robe d'or et d'argent, ainsi que des pantoufles brodées de soie et d'argent. Elle mit la robe en toute hâte et partit à la fête. Ni ses soeurs, ni sa marâtre ne la reconnurent, et pensèrent que ce devait être la fille d'un roi étranger, tant elle était belle dans cette robe d'or. Elles ne songeaient pas le moins du monde à Cendrillon et la croyaient au logis, assise dans la saleté, a retirer les lentilles de la cendre. Le fils du roi vint à sa rencontre, a prit par la main et dansa avec elle. Il ne voulut même danser avec nulle autre, si bien qu'il ne lui lâcha plus la main et lorsqu'un autre danseur venait l'inviter, il lui disait: «C'est ma cavalière.»
Elle dansa jusqu'au soir, et voulut alors rentrer. Le fils du roi lui dit: «Je m'en vais avec toi et t'accompagne,» car il voulait voir à quelle famille appartenait cette belle jeune fille. Mais elle lui échappa et sauta dans le pigeonnier. Alors le prince attendit l'arrivée du père et lui dit que la jeune inconnue avait sauté dans le pigeonnier. Serait-ce Cendrillon? se demanda le vieillard et il fallut lui apporter une hache et une pioche pour qu'il pût démolir le pigeonnier. Mais il n'y avait personne dedans. Et lorsqu'ils entrèrent dans la maison, Cendrillon était couchée dans la cendre avec ses vêtements sales, et une petite lampe à huile brûlait faiblement dans la cheminée; car Cendrillon avait prestement sauté du pigeonnier par- derrière et couru jusqu'au noisetier; là, elle avait retiré ses beaux habits, les avait posés sur la tombe, et l'oiseau les avait remportés; puis elle était allée avec son vilain tablier gris se mettre dans les cendres de la cuisine.
Le jour suivant, comme la fête recommençait et que ses parents et ses soeurs étaient de nouveau partis, Cendrillon alla sous le noisetier et dit:
«Petit arbre, ébranle-toi, agite-toi,Jette de l'or et de l'argent sur moi.»
Alors l'oiseau lui lança une robe encore plus splendide que celle de la veille. Et quand elle parut à la fête dans cette toilette, tous furent frappés de sa beauté. Le fils du toi, qui avait attendu sa venue, la prit aussitôt par la main et ne dansa qu'avec elle. Quand d'autres venaient l'inviter, il leur disait: «C'est ma cavalière.» Le soir venu, elle voulut partir, et le fils du roi la suivit, pour voir dans quelle maison elle entrait, mais elle lui échappa et sauta dans le jardin derrière sa maison. Il y avait là un grand et bel arbre qui portait les poires les plus exquises, elle grimpa entre ses branches aussi agilement qu'un écureuil, et le prince ne sut pas où elle était passée. Cependant il attendit l'arrivée du père et lui dit: «La jeune fille inconnue m'a échappé, et je crois qu'elle a sauté sur le poirier.» Serait-ce Cendrillon? pensa le père qui envoya chercher la hache et abattit l'arbre, mais il n'y avait personne dessus. Et quand ils entrèrent dans la cuisine, Cendrillon était couchée dans la cendre, tout comme d'habitude, car elle avait sauté en bas de l'arbre par l'autre côté, rapporté les beaux habits à l'oiseau du noisetier et revêtu son vilain tablier gris.
Le troisième jour, quand ses parents et ses soeurs furent partis, Cendrillon retourna sur la tombe de sa mère et dit au noisetier:
«Petit arbre, ébranle-toi, agite-toi,Jette de l'or et de l'argent sur moi.»
Alors l'oiseau lui lança une robe qui était si somptueuse et si éclatante qu'elle n'en avait encore jamais vue de pareille, et les pantoufles étaient tout en or. Quand elle arriva à la noce dans cette parure, tout le monde fut interdit d'admiration. Seul le fils du roi dansa avec elle, et si quelqu'un l'invitait, il disait: «C'est ma cavalière.»
Quand ce fut le soir, Cendrillon voulut partir, et le prince voulut l'accompagner, mais elle lui échappa si vite qu'il ne put la suivre. Or le fils du roi avait eu recours à une ruse: il avait fait enduire de poix tout l'escalier, de sorte qu'en sautant pour descendre, la jeune fille y -avait laissé sa pantoufle gauche engluée. Le prince la ramassa, elle était petite et mignonne et tout en or. Le lendemain matin, il vint trouver le vieil homme avec la pantoufle et lui dit: «Nulle ne sera mon épouse que celle dont le pied chaussera ce soulier d'or.» Alors les deux soeurs se réjouirent, car elles avaient le pied joli. L'aînée alla dans sa chambre pour essayer le soulier en compagnie de sa mère. Mais elle ne put y faire entrer le gros orteil, car la chaussure tait trop petite pour elle; alors sa mère lui tendit un couteau en lui disant: «Coupe-toi ce doigt; quand tu seras reine, tu n'auras plus besoin d'aller à pied.» Alors la jeune fille se coupa l'orteil, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouver le fils du roi. Il la prit pour fiancée, la mit sur son cheval et partit avec elle. Mais il leur fallut passer devant la tombe; les deux petits pigeons s'y trouvaient, perchés sur le noisetier, et ils crièrent:
«Roucou-cou, roucou-cou et voyez là,Dans la pantoufle, du sang il y a:Bien trop petit était le soulier;Encore au logis la vraie fiancée.»
Alors il regarda le pied et vit que le sang en coulait. Il fit faire demi-tour à son cheval, ramena la fausse fiancée chez elle, dit que ce n'était pas la véritable jeune fille et que l'autre soeur devait essayer le soulier. Celle-ci alla dans sa chambre, fit entrer l'orteil, mais son talon était trop grand. Alors sa mère lui tendit un couteau en disant: «Coupe-toi un bout de talon; quand tu seras reine, tu n'auras plus besoin d'aller à pied.» La jeune fille se coupa un bout de talon, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouve le fils du roi. Il la prit alors pour fiancée, la mit sur son cheval et partit avec elle. Quand ils passèrent devant le noisetier, les deux petits pigeons s'y trouvaient perchés et crièrent:
«Roucou-cou, Roucou-cou et voyez là,Dans la pantoufle, du sang il y a:Bien trop petit était le soulier;Encore au logis la vraie fiancée.»
Le prince regarda le pied et vit que le sang coulait de la chaussure et teintait tout de rouge les bas blancs. Alors il fit faire demi-tour à son cheval, et ramena la fausse fiancée chez elle. «Ce n'est toujours pas la bonne,» dit-il, «n'avez-vous point d'autre fille?» - «Non,» dit le père, «il n'y a plus que la fille de ma défunte femme, une misérable Cendrillon malpropre, c'est impossible qu'elle soit la fiancée que vous cherchez.» Le fils du roi dit qu'il fallait la faire venir, mais la mère répondit: «Oh non! La pauvre est bien trop sale pour se montrer.» Mais il y tenait absolument et on dut appeler Cendrillon. Alors elle se lava d'abord les mains et le visage, puis elle vint s'incliner devant le fils du roi, qui lui tendit le soulier d'or. Elle s'assit sur un escabeau, retira son pied du lourd sabot de bois et le mit dans la pantoufle qui lui allait comme un gant. Et quand elle se redressa et que le fils du roi vit sa figure, il reconnut la belle jeune fille avec laquelle il avait dansé et s'écria: «Voilà la vraie fiancée!» La belle-mère et les deux soeurs furent prises de peur et devinrent blêmes de rage. Quant au prince, il prit Cendrillon sur son cheval et partit avec elle. Lorsqu'ils passèrent devant le noisetier, les deux petits pigeons blancs crièrent:
«Rocou-cou, Roucou-cou et voyez là,Dans la pantoufle, du sang plus ne verraPoint trop petit était le soulier,Chez lui, il mène la vraie fiancée.»
Et après ce roucoulement, ils s'envolèrent tous deux et descendirent se poser sur les épaules de Cendrillon, l'un à droite, l'autre à gauche et y restèrent perchés.
Le jour où l'on devait célébrer son mariage avec le fils du roi, ses deux perfides soeurs s'y rendirent avec l'intention de s'insinuer dans ses bonnes grâces et d'avoir part à son bonheur. Tandis que les fiancés se rendaient à l'église, l'aînée marchait à leur droite et la cadette à leur gauche: alors les pigeons crevèrent un oeil à chacune celles. Puis, quand ils s'en revinrent de l'église, l'aînée marchait à leur gauche et la cadette à leur droite: alors les pigeons crevèrent l'autre oeil à chacune d'elles. Et c'est ainsi qu'en punition de leur méchanceté et de leur perfidie, elles furent aveugles pour le restant de leurs jours.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Par une matinée d'été, un petit tailleur, assis sur sa table près de la fenêtre, cousait joyeusement et de toutes ses forces. Il vint à passer dans la rue une paysanne qui criait: « Bonne crème à vendre! bonne crème à vendre! « Ce mot de crème résonna agréablement aux oreilles du petit homme, et passant sa mignonne tête par la fenêtre: « Ici, bonne femme, entrez ici, lui dit-il, vous trouverez acheteur. »
Elle monta, chargée de son lourd panier, les trois marches de la boutique du tailleur et il fallut quelle étalât tous ses pots devant lui. Après les avoir tous considérés, maniés, flairés l'un après l'autre, il finit par dire: « Il me semble que cette crème est bonne; pesez-m'en deux onces, bonne femme, allez même jusqu'au quarteron. » La paysanne, qui avait espéré faire un marché plus considérable, lui donna ce qu'il désirait; mais elle s'en alla en grondant et en murmurant.
« Maintenant, s'écria le petit tailleur, je prie Dieu qu'il me fasse la grâce de bénir cette bonne crème, pour quelle me rende force et vigueur. » Et prenant le pain dans l'armoire, il coupa une longue tartine pour étendre sa crème dessus. « Voilà qui n'aura pas mauvais goût, pensa-t-il, mais, avant de l'entamer, il faut que j'achève cette veste. » Il posa sa tartine à côté de lui et se remit à coudre, et dans sa joie il faisait des points de plus en plus grands. Cependant l'odeur de la crème attirait les mouches qui couvraient le mur et elles vinrent en foule se poser dessus. « Qui vous a invitées ici? » dit le tailleur en chassant ces hôtes incommodes.
Mais les mouches qui n'entendaient pas le français, revinrent en plus grand nombre qu'auparavant. Cette fois, la moutarde lui monta au nez, et saisissant un lambeau de drap dans son tiroir: « Attendez, s'écria-t-il, je vais vous en donner; » et il frappa dessus sans pitié. Ce grand coup porté, il compta les morts; il n'y en avait pas moins de sept, qui gisaient les pattes étendues. « Peste! se dit-il étonné lui-même de sa valeur, il paraît que je suis un gaillard, il faut que toute la ville le sache. »
Et, dans son enthousiasme, il se fit une ceinture et broda dessus en grosses lettres: « J'en abats sept d'un coup! »
« Mais la ville ne suffit pas, ajouta-t-il encore, il faut que le monde tout entier l'apprenne. » Le cœur lui frétillait de joie dans la poitrine comme la queue d'un petit agneau.
Il mit donc sa ceinture et résolut de courir le monde, car sa boutique lui semblait désormais un trop petit théâtre pour sa valeur. Avant de sortir de chez lui, il chercha dans toute la maison s'il n'avait rien à emporter, mais il ne trouva qu'un vieux fromage qu'il mit dans sa poche. Devant sa porte, il y avait un oiseau en cage; il le mit dans sa poche avec le fromage. Puis il enfila bravement son chemin; et, comme il était leste et actif, il marcha sans se fatiguer.
Il passa par une montagne au sommet de laquelle était assis un énorme géant qui regardait tranquillement les passants. Le petit tailleur alla droit à lui et lui dit: « Bonjour, camarade; te voilà assis, tu regarde le monde à tes pieds? Pour moi, je me suis mis en route et je cherche les aventures. Veux-tu venir avec moi? »
Le géant lui répondit d'un air de mépris: « Petit drôle! petit avorton!
- Est-il possible? » s'écria le petit tailleur; et, boutonnant son habit, il montra sa ceinture au géant en lui disant: « Lis ceci, tu verras à qui tu as affaire. »
Le géant, qui lut: « Sept d'un coup! » s'imagina que c'étaient des hommes que le tailleur avait tués, et conçut un peu plus de respect pour le petit personnage. Cependant, pour l'éprouver, il prit un caillou dans sa main et le pressa si fort que l'eau en suintait. « Maintenant, dit-il, fais comme moi, si tu as de la vigueur.
- N'est-ce que cela? répondit le tailleur; c'est un jeu d'enfant dans mon pays. » Et fouillant à sa poche il prit son fromage mou et le serra dans sa main de façon à en faire sortir tout le jus. « Eh bien, ajouta-t-il, voilà qui te vaut bien, ce me semble. »
Le géant ne savait que dire et ne comprenait pas qu'un nain pût être si fort. Il prit un autre caillou et le lança si haut que l'œil le voyait à peine, en disant: « Allons, petit homme, fais comme moi.
- Bien lancé! dit le tailleur, mais le caillou est retombé. Moi, j'en vais lancer un autre qui ne retombera pas. » Et prenant l'oiseau qui était dans sa poche, il le jeta en l'air.
L'oiseau, joyeux de se sentir libre, s'envola à tire d'aile, et ne revint pas. « Qu'en dis-tu, cette fois, camarade? ajouta-t-il.
- C'est bien fait, répondit le géant, mais je veux voir si tu portes aussi lourd que tu lances loin. » Et il conduisit le petit tailleur devant un chêne énorme qui était abattu sur le sol. « Si tu es vraiment fort, dit-il, il faut que tu m'aides à enlever cet arbre.
- Volontiers, répondit le petit homme, prends le tronc sur ton épaule; je me chargerai des branches et de la tête, c'est le plus lourd. »
Le géant prit le tronc sur son épaule, mais le petit tailleur s'assit sur une branche, de sorte que le géant, qui ne pouvait pas regarder derrière lui, portait l'arbre tout entier et le tailleur par-dessus le marché. Il s'était installé paisiblement, et sifflait gaiement le petit air:
Il était trois tailleurs qui chevauchaient ensemble, comme si c'eût été pour lui un jeu d'enfant que de porter un arbre. Le géant, écrasé sous le fardeau et n'en pouvant plus au bout de quelques pas, lui cria: « Attention, je laisse tout tomber. » Le petit homme sauta lestement en bas, et saisissant l'arbre dans ses deux bras, comme s'il en avait porté sa part, il dit au géant: « Tu n'es guère vigoureux pour un gaillard de ta taille. »
Ils continuèrent leur chemin, et, comme ils passaient devant un cerisier, le géant saisit la tête de l'arbre où étaient les fruits les plus mûrs, et, la courbant jusqu'en bas, la mit dans la main du tailleur pour lui faire manger les cerises. Mais celui-ci était bien trop faible pour la maintenir, et, quand le géant l'eut lâchée, l'arbre en se redressant emporta le tailleur avec lui. Il redescendit sans se blesser; mais le géant lui dit: « Qu'est-ce donc! est-ce que tu n'aurais pas la force de courber une pareille baguette?
- Il ne s'agit pas de force, répondit le petit tailleur; qu'est-ce que cela pour un homme qui en a abattu sept d'un coup? J'ai sauté par-dessus l'arbre pour me garantir du plomb, parce qu'il y avait en bas des chasseurs qui tiraient aux buissons; fais-en autant, si tu peux. » Le géant essaya, mais il ne put sauter par-dessus l'arbre, et il resta embarrassé dans les branches. Ainsi le tailleur conserva l'avantage.
« Puisque tu es un si brave garçon, dit le géant, il faut que tu viennes dans notre caverne et que tu passes la nuit chez nous. »
Le tailleur y consentit volontiers. Quand ils furent arrivés, ils trouvèrent d'autres géants assis près du feu, tenant à la main et mangeant chacun un mouton rôti. Le tailleur jugeait l'appartement plus grand que sa boutique. Le géant lui montra son lit et lui dit de se coucher. Mais, comme le lit était trop grand pour un si petit corps, il se blottit dans un coin. A minuit, le géant, croyant qu'il dormait d'un profond sommeil, saisit une grosse barre de fer et en donna un grand coup au beau milieu du lit; il pensait bien avoir tué J'avorton sans rémission. Au petit jour, les géants se levèrent et allèrent dans le bois; ils avaient oublié le tailleur; quand ils le virent sortir de la caverne d'un air joyeux et passablement effronté, ils furent pris de peur, et, craignant qu'il ne les tuât tous, ils s'enfuirent au plus vite.
Le petit tailleur continua son voyage, toujours le nez au vent. Après avoir longtemps erré, il arriva dans le jardin d'un palais, et, comme il se sentait un peu fatigué, il se coucha sur le gazon et s'endormit. Les gens qui passaient par là se mirent à le considérer de tous côtés et lurent sur sa ceinture: Sept d'un coup! « Ah! se dirent-ils, qu'est-ce que ce foudre de guerre vient faire ici au milieu de la paix? il faut que ce soit quelque puissant seigneur. » Ils allèrent en faire part au roi, en ajoutant que si la guerre venait à éclater, ce serait un utile auxiliaire qu'il faudrait s'attacher à tout prix. Le roi goûta ce conseil et envoya un de ses courtisans au petit homme pour lui offrir du service aussitôt qu'il serait éveillé. L'envoyé resta en sentinelle près du dormeur, et, quand celui-ci eut commencé à ouvrir les yeux et à se tirer les membres, il lui fit ses propositions. « J'étais venu pour cela, répondit l'autre, et je suis prêt à entrer au service du roi. » On le reçut avec toutes sortes d'honneurs, et on lui assigna un logement à la cour.
Mais les militaires étaient jaloux de lui et auraient voulu le voir à mille lieues plus loin. « Qu'est-ce que tout cela deviendra? se disaient-ils entre eux; si nous avons quelque querelle avec lui, il se jettera sur nous et en abattra sept à chaque coup. Pas un de nous ne survivra. » Ils se résolurent d'aller trouver le roi et de lui demander tous leur congé. « Nous ne pouvons pas, lui dirent-ils, rester auprès d'un homme qui en abat sept d'un coup. »
Le roi était bien désolé de voir ainsi tous ses loyaux serviteurs l'abandonner; il aurait souhaité de n'avoir jamais vu celui qui en était la cause et s'en serait débarrassé volontiers. Mais il n'osait pas le congédier, de peur que cet homme terrible ne le tuât ainsi que son peuple pour s'emparer du trône.
Le roi, après y avoir beaucoup songé, trouva un expédient. Il envoya faire au petit tailleur une offre que celui-ci ne pouvait manquer d'accepter en sa qualité de héros. Il y avait dans une forêt du pays deux géants qui commettaient toutes sortes de brigandages, de meurtres et d'incendies. Personne n'approchait d'eux sans craindre pour ses jours. S'il parvenait à les vaincre et à les mettre à mort, le roi lui donnerait sa fille unique en mariage, avec la moitié du royaume pour dot. On mettait à sa disposition cent cavaliers pour l'aider au besoin. Le petit tailleur pensa que l'occasion d'épouser une jolie princesse était belle et ne se retrouverait pas tous les jours. Il déclara qu'il consentait à marcher contre les géants, mais qu'il n'avait que faire de l'escorte des cent cavaliers, celui qui en avait abattu sept d'un coup ne craignant pas deux adversaires à la fois.
Il se mit donc en marche suivi des cent cavaliers. Quand on fut arrivé à la lisière de la forêt, il leur dit de l'attendre, et qu'il viendrait à bout des géants à lui tout seul. Puis il entra dans le bois en regardant avec précaution autour de lui. Au bout d'un moment il aperçut les deux géants endormis sous un arbre et ronflant si fort que les branches en tremblaient. Le petit tailleur remplit ses deux poches de cailloux, et, montant dans l'arbre sans perdre de temps, il se glissa sur une branche qui s'avançait juste au-dessus des deux dormeurs et laissa tomber quelques cailloux, l'un après l'autre, sur l'estomac de l'un d'eux. Le géant fut longtemps sans rien sentir, mais à la fin il s'éveilla, et poussant son camarade il lui dit: « Pourquoi me frappes-tu?
- Tu rêves, dit l'autre, je ne t'ai pas touché. »
Ils se rendormirent. Le tailleur se mit alors à jeter une pierre au second. « Qu'y a-t-il? s'écria celui-ci, qu'est-ce que tu me jettes?
- Je ne t'ai rien jeté; tu rêves, » répondit le premier.
Ils se disputèrent quelque temps; mais, comme ils étaient fatigués, ils finirent par s'apaiser et se rendormir encore. Cependant le tailleur recommença son jeu, et choisissant le plus gros de ses cailloux, il le jeta de toutes ses forces sur l'estomac du premier géant. « C'est trop fort! » s'écria celui-ci; et se levant comme un forcené, il sauta sur son compagnon, qui lui rendit la monnaie de sa pièce. Le combat devint si furieux qu'ils arrachaient des arbres pour s'en faire des armes, et l'affaire ne cessa que lorsque tous les deux furent étendus morts sur le sol.
Alors le petit tailleur descendit de son poste. « Il est bien heureux, pensait-il, qu'ils n'aient pas aussi arraché l'arbre sur lequel j'étais perché; j'aurais été obligé de sauter sur quelque autre, comme un écureuil; mais on est leste dans notre métier. » Il tira son épée, et, après en avoir donné à chacun d'eux une couple de bons coups dans la poitrine, il revint trouver les cavaliers et leur dit: « C'est fini, je leur ai donné le coup de grâce; l'affaire a été chaude; ils voulaient résister, ils ont arraché des arbres pour me les lancer; mais à quoi servirait tout cela contre un homme comme moi, qui en abats sept d'un coup!
- N'êtes-vous pas blessé? demandèrent les cavaliers.
- Non, dit-il, je n'ai pas un cheveu de dérangé. »
Les cavaliers ne voulaient pas le croire; ils entrèrent dans le bois et trouvèrent en effet les géants nageant dans leur sang, et les arbres abattus de tous côtés autour d'eux.
Le petit tailleur réclama la récompense promise par le roi; mais celui-ci qui se repentait d'avoir engagé sa parole, chercha encore à se débarrasser du héros. « Il y a, lui dit-il, une autre aventure dont tu dois venir à bout avant d'obtenir ma fille et la moitié de mon royaume. Mes forêts sont fréquentées par une licorne qui y fait beaucoup de dégâts, il faut t'en emparer.
- Une licorne me fait encore moins peur que deux géants: Sept d'un coup, c'est ma devise. »
Il prit une corde et une hache et entra dans le bois, en ordonnant à ceux qui l'accompagnaient de l'attendre au dehors. Il n'eut pas à chercher longtemps; la licorne apparut bientôt, et elle s'élança sur lui pour le percer. « Doucement, doucement, dit-il; trop vite ne vaut rien. » Il resta immobile jusqu'à ce que l'animal fût tout près de lui, et alors il se glissa lestement derrière le tronc d'un arbre. La licorne, qui était lancée de toutes ses forces contre l'arbre, y enfonça sa corne si profondément qu'il lui fut impossible de la retirer, et qu'elle fut prise ainsi. « L'oiseau est en cage »se dit le tailleur, et sortant de sa cachette, il s'approcha de la licorne, lui passa sa corde autour du cou; à coups de hache il débarrassa sa corne enfoncée dans le tronc, et, quand tout fut fini, il amena l'animal devant le roi.
Mais le roi ne couvait se résoudre à tenir sa parôle; il lui posa encore une troisième condition. Il s'agissait de s'emparer d'un sanglier qui faisait de grands ravages dans les bois. Les chasseurs du roi avaient ordre de prêter main-forte. Le tailleur accepta en disant que ce n'était qu'un jeu d'enfants. Il entra dans le bois sans les chasseurs; et ils n'en furent pas fâchés, car le sanglier les avait déjà reçus maintes fois de telle façon qu'ils n'étaient nullement tentés d'y retourner. Dès que le sanglier eut aperçu le tailleur, il se précipita sur lui, en écumant et en montrant ses défenses aiguës pour le découdre; mais le léger petit homme se réfugia dans une chapelle qui était là tout près, et en ressortit aussitôt en sautant par la fenêtre. Le sanglier y avait pénétré derrière lui; mais en deux bonds le tailleur revint à la porte et la ferma, de sorte que la bête furieuse se trouva prise, car elle était trop lourde et trop massive pour s'enfuir par le même chemin. Après cet exploit, il appela les chasseurs pour qu'ils vissent le prisonnier de leurs propres yeux, et il se présenta au roi, auquel force fut cette fois de s'exécuter malgré lui et de lui donner sa fille et la moitié de son royaume. Il eût eu bien plus de mal encore a se décider s'il avait su que son gendre n'était pas un grand guerrier, mais un petit manieur d'aiguille. Les noces furent célébrées avec beaucoup de magnificence et peu de joie, et d'un tailleur on fit un roi.
Quelque temps après, la jeune reine entendit la nuit son mari qui disait en rêvant: « Allons, garçon, termine cette veste et ravaude cette culotte, ou sinon je te donne de l'aune sur les oreilles. » Elle comprit ainsi dans quelle arrière-boutique le jeune homme avait été élevé, et le lendemain elle alla se plaindre à son père, le priant de la délivrer d'un mari qui n'était qu'un misérable tailleur.
Le roi lui dit pour la consoler: « La nuit prochaine, laisse ta chambre ouverte; mes serviteurs se tiendront à la porte, et, quand il sera endormi, ils entreront, et le porteront chargé de chaînes sur un navire qui l'emmènera bien loin. »
La jeune femme était charmée; mais l'écuyer du roi, qui avait tout entendu et qui aimait le nouveau prince, alla lui découvrir le complot.
« J'y mettrai bon ordre, » lui dit le tailleur. Le soir il se coucha comme à l'ordinaire, et quand sa femme le crut bien endormi, elle alla ouvrir la porte et se recoucha à ses côtés. Mais le petit homme, qui faisait semblant de dormir, se mit à crier à haute voix: « Allons, garçon, termine cette veste et ravaude cette culotte, ou sinon je te donne de l'aune sur les oreilles. J'en ai abattu sept d'un coup, j'ai tué deux géants, chassé une licorne, pris un sanglier; aurais-je donc peur des gens qui sont blottis à ma porte? » En entendant ces derniers mots, ils furent tous pris d'une telle épouvante, qu'ils s'enfuirent comme s'ils avaient eu le diable à leurs trousses, et que jamais personne n'osa plus se risquer contre lui. Et de cette manière il conserva toute sa vie la couronne.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Du pêcheur et sa femme

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il y avait une fois un pêcheur et sa femme, qui habitaient ensemble une cahute au bord de la mer, le pêcheur allait tous les jours jeter son hameçon, et il le jetait et le jetait encore. Un jour il était assis près de sa ligne, sur le rivage, le regard tourné du côté de l'eau limpide, et il restait assis, toujours assis; tout à coup il vit l'hameçon plonger et descendre profondément, et quand il le retira, il tenait au bout une grosse barbue. La barbue lui dit: « Je te prie de me laisser vivre; je ne suis pas une vraie barbue, je suis un prince enchanté. A quoi te servirait de me faire mourir? Je ne serais pas pour toi un grand régal; rejette-moi dans l'eau et laisse-moi nager. - Vraiment, dit l'homme, tu n'as pas besoin d'en dire si long, je ne demande pas mieux que de laisser nager à son aise une barbue qui sait parler. » Il la rejeta dans l'eau, et la barbue s'y replongea jusqu'au fond, en laissant après elle une longue traînée de sang. L'homme alla retrouver sa femme dans la cahute. « Mon homme, lui dit-elle, n'as-tu rien pris aujourd'hui? - Non, dit l'homme, j'ai pris une barbue qui m'a dit qu'elle était un prince enchanté, et je l'ai laissée nager comme auparavant. - N'as-tu rien demandé pour toi? dit la femme. - Non, dit l'homme; et qu'aurais-je demandé? - Ah! dit la femme, c'est pourtant triste d'habiter toujours une cahute sale et infecte comme celle-ci: tu aurais pu pourtant demander pour nous une petite chaumière. Retourne et appelle la barbue: dis-lui que nous voudrions avoir une petite chaumière; elle fera cela certainement. - Ah! dit l'homme, pourquoi y retournerais-je? - Vraiment, dit la femme, tu l'as prise et tu l'as laissée nager comme auparavant, elle le fera; vas-y sur-le-champ. » L'homme ne s'en souciait point; pourtant il se rendit au bord de la mer, et quand il y fut il la vit toute jaune et toute verte; il s'approcha de l'eau etdit:
Tarare ondin, Tarare ondin,Petit poisson, gentil fretin,Mon Isabeau crie et tempête;Il en faut bien faire à sa tête.
La barbue s'avança vers lui et lui dit: « Que veut-elle donc? - Ah! dit l'homme, je t'ai prise tout à l'heure; ma femme prétend que j'aurais dû te demander quelque chose. Elle s'ennuie de demeurer dans une cahute; elle voudrait bien avoir une chaumière. - Retourne sur tes pas, dit la barbue, elle l'a déjà. » L'homme s'en retourna, et sa femme n'était plus dans sa cahute; mais à sa place était une petite chaumière, et sa femme était assise à la porte sur un banc. Elle le prit par la main et lui dit: « Entre donc et regarde; cela vaut pourtant bien mieux » Ils entrèrent, et dans la chaumière étaient une jolie petite salle, une chambre où était placé leur lit, une cuisine et une salle à manger avec une batterie de cuivre et d'étain très brillants, et tout l'attirail d'un service complet. Derrière étaient une petite cour avec des poules et des canards, et un petit jardin avec des légumes et des fruits. « Vois, dit la femme, n'est-ce pas joli? - Oui, dit l'homme, restons comme cela, nous allons vivre vraiment heureux. - Nous y réfléchirons, » dit la femme. Là-dessus ils mangèrent et se mirent au lit. Cela alla bien ainsi pendant huit ou quinze jours, puis la femme dit: « Écoute, mon homme, cette chaumière est aussi trop étroite, et la cour et le jardin sont si petits! La barbue aurait bien pu en vérité nous donner une maison plus grande. J'aimerais à habiter un grand château en pierre: va trouver la barbue, il faut qu'elle nous donne un château. - Ah! femme, dit l'homme, cette chaumière est vraiment fort bien; à quoi bon servirait d'habiter un château? - Eh! dit la femme, va, la barbue peut très-bien le faire. - Non, femme, dit l'homme, la barbue vient tout justement de nous donner cette chaumière, je ne veux pas retourner vers elle; je craindrais de l'importuner. - Vas-y, dit la femme; elle peut le faire, elle le fera volontiers; va, te dis-je. » L'homme sentait cette démarche lui peser sur le cœur, et ne se souciait point de la faire; il se disait à lui-même: « Cela n'est pas bien. » Pourtant il obéit. Quand il arriva près de la mer, l'eau était violette et d'un bleu sombre, grisâtre et prête à se soulever; elle n'était plus verte et jaune comme auparavant; pourtant elle n'était point agitée. Le pêcheur s'approcha et dit:
Tarare ondin, Tarare ondin,Petit poisson, gentil fretin,Mon Isabeau crie et tempête;Il en faut bien faire à sa tête.
« Et que veut-elle donc? dit la barbue. - Ah! dit l'homme à demi troublé, elle veut habiter un grand château de pierre. - Va, dit la barbue, tu la trouveras sur la porte. » L'homme s'en alla, et croyait retrouver son logis; mais, comme il approchait, il vit un grand château de pierre, et sa femme se tenait au haut du perron; elle allait entrer dans l'intérieur. Elle le prit par la main et lui dit: « Entre avec moi. » Il la suivit, et dans le château était un vestibule immense dont les murs étaient plaqués de marbre; il y avait une foule de domestiques qui ouvraient avec fracas les portes devant eux; les murs étaient brillants et couverts de belles tentures; dans les appartements les sièges et les tables étaient en or, des lustres en cristal étaient suspendus aux plafonds, et partout aussi des tapis de pied dans les chambres et les salles; des mets et des vins recherchés chargeaient les tables à croire qu'elles allaient rompre. Derrière le château était une grande cour renfermant des étables pour les vaches et des écuries pour les chevaux, des carrosses magnifiques; de plus un grand et superbe jardin rempli des plus belles fleurs, d'arbres à fruits; et enfin un parc d'au moins une lieue de long, où l'on voyait des cerfs, des daims, des lièvres, tout ce que l'on peut désirer. « Eh bien! dit la femme, cela n'est-il pas beau? - Ah! oui, dit l'homme, tenons-nous-en là; nous habiterons ce beau château, et nous vivrons contents. - Nous y réfléchirons, dit la femme, dormons là-dessus d'abord. » Et nos gens se couchèrent. Le lendemain la femme s'éveilla comme il faisait grand jour, et de son lit elle vit la belle campagne qui s'offrait devant elle. L'homme étendait les bras en s'éveillant Elle le poussa du coude et dit: « Mon homme, lève-toi et regarde par la fenêtre; vois, ne pourrions-nous pas devenir rois de tout ce pays? Va trouver la barbue, nous serons rois. - Ah! femme, dit l'homme, pourquoi serions-nous rois? je ne m'en sens nulle envie. - Bon, dit la femme, si tu ne veux pas être roi, moi je veux être reine. Va trouver ta barbue, je veux être reine. - Ah! femme, dit l'homme, pourquoi veux-tu être reine? Je ne me soucie point de lui dire cela. - Et pourquoi pas? dit la femme; vas-y à l'instant, il faut que je sois reine. » L'homme y alla, mais il était tout consterné de ce que sa femme voulait être reine. « Cela n'est pas bien, cela n'est vraiment pas bien, pensait-il. Je ne veux pas y aller. » Il y allait pourtant. Quand il approcha de la mer, elle était d'un gris sombre, l'eau bouillonnait du fond à la surface et répandait une odeur fétide. Il s'avança etdit:
Tarare ondin, Tarare ondin,Petit poisson, gentil fretin,Mon Isabeau crie et tempête;Il en faut bien faire à sa tête.
« Et que veut-elle donc? dit la barbue. - Ah! dit l'homme, elle veut devenir reine. - Retourne, elle l'est déjà, » dit la barbue. L' homme partit et, quand il approcha du palais, il vit que le château s'était de beaucoup agrandi et portait une haute tour décorée de magnifiques ornements. Des gardes étaient en sentinelle à la porte, et il y avait là des soldats en foule avec des trompettes et des timbales. Comme il entrait dans l'édifice, il vit de tous côtés le marbre le plus pur enrichi d'or, des tapis de velours et de grands coffres d'or massif. Les portes de la salle s'ouvrirent; toute la cour y était réunie, et sa femme était assise sur un trône élevé, tout d'or et de diamant; elle portait sur la tête une grande couronne d'or, elle tenait dans sa main un sceptre d'or pur garni de pierres précieuses; et à ses côtés étaient placées, sur un double rang, six jeunes filles, plus petites de la tête l'une que l'autre. Il s'avança et dit: « Ah! femme, te voilà donc reine! - Oui, dit-elle, je suis reine. » Il se plaça devant elle et la regarda, et, quand il l'eut contemplée un instant, il dit: « Ah! femme, quelle belle chose que tu sois reine! Maintenant nous n'avons plus rien à désirer. - Point du tout, mon homme, dit-elle tout agitée; le temps me dure fort de tout ceci, je n'y puis plus tenir. Va trouver la barbue; je suis reine, il faut maintenant que je devienne impératrice. - Ah! femme, dit l'homme, pourquoi Veux-tu devenir impératrice? - Mon homme, dit-elle, va trouver la barbue, je veux être impératrice. - Ah! femme, dit l'homme, elle ne peut pas te faire impératrice, je n'oserai pas dire cela à la barbue; il n'y a qu'un empereur dans l'empire: la barbue ne peut pas faire un empereur; elle ne le peut vraiment pas. - Je suis reine, dit la femme, et tu es mon mari. Veux-tu bien y aller à l'instant même? Va, si elle a pu nous faire rois, elle peut nous faire empereurs. Va, te dis-je. » Il fallut qu'il marchât. Mais tout en s'éloignant, il était troublé et se disait en lui-même: « Cela n'ira pas bien; empereur! c'est trop demander, la barbue se lassera. » Tout en songeant ainsi, il vit que l'eau était noire et bouillonnante; l'écume montait à la surface, et le vent la soulevait en soufflant avec violence: il se sentit frissonner. Il s'approcha et dit:
Tarare ondin, Tarare ondin,Petit poisson, gentil fretin,Mon Isabeau crie et tempête,Il en faut bien faire à sa tête.
« Et que veut-elle donc? dit la barbue. -Ah! barbue, dit-il, ma femme veut devenir impératrice. - Retourne, dit la barbue: elle l'est maintenant. » L'homme revint sur ses pas, et, quand il fut de retour, tout le château était d'un marbre poli, enrichi de figures d'albâtre et décoré d'or. Des soldats étaient en nombre devant la porte; ils sonnaient de la trompette, frappaient les timbales et battaient le tambour; dans l'intérieur du palais, les barons, les comtes et les ducs allaient et venaient en qualité de simples serviteurs: ils lui ouvrirent les portes, qui étaient d'or massif. Et quand il fut entré, il vit sa femme assise sur un trône qui était d'or d'une seule pièce, et haut de mille pieds; elle portait une énorme couronne d'or de trois coudées, garnie de brillants et d'escarboucles: d'une main elle tenait le sceptre, et de l'autre le globe impérial; à ses côtés étaient placés sur deux rangs ses gardes, tous plus petits l'un que l'autre, depuis les plus énormes géants, hauts de mille pieds, jusqu'au plus petit nain, qui n'était pas plus grand que mon petit doigt. Devant elle se tenaient debout une foule de princes et de ducs. L'homme s'avança au milieu d'eux, et dit: « Femme, te voilà donc impératrice! - Oui, dit-elle, je suis impératrice. »Alors il se plaça devant elle et la contempla; puis quand il l'eut considérée un instant: « Ah! femme, dit-il, quelle belle chose que de te voir impératrice! -Mon homme, dit-elle, que fais-tu là planté? Je suis impératrice, je veux maintenant être pape; va trouver la barbue. -Ah! femme, dit l'homme, que demandes-tu là? tu ne peux pas devenir pape; il n'y a qu'un seul pape dans la chrétienté; la barbue ne peut pas faire cela pour toi. - Mon homme, dit-elle, je veux devenir pape; va vite, il faut que je sois pape aujourd'hui même. - Non, femme, dit l'homme, je ne puis pas lui dire cela; cela ne peut être ainsi, c'est trop; la barbue ne peut pas te faire pape. - Que de paroles, mon homme! dit la femme; elle a pu me faire impératrice, elle peut aussi bien me faire pape. Marche, je suis impératrice, et tu es mon homme; vite, mets-toi en chemin. » Il eut peur et partit; mais le cœur lui manquait, il tremblait, avait le frisson, et ses jambes et ses genoux flageolaient sous lui. Le vent soufflait dans la campagne, les nuages couraient, et l'horizon était sombre vers le couchant; les feuilles s'agitaient avec bruit sur les arbres; l'eau se soulevait et grondait comme si elle eût bouillonné, elle se brisait à grand bruit sur le rivage, et il voyait de loin les navires qui tiraient le canon d'alarme et dansaient et bondissaient sur les vagues. Le ciel était bleu encore à peine sur un point de son étendue, mais tout à l'entour des nuages d'un rouge menaçant annonçaient une terrible tempête. Il s'approcha tout épouvanté et dit:
Tarare ondin, Tarare ondin,Petit poisson, gentil fretin,Mon Isabeau crie et tempête;Il en faut bien faire a sa tète.
« Et que veut-elle donc? dit la barbue. - Ah! dit l'homme, elle veut devenir pape. - Retourne, dit la barbue, elle l'est à cette heure. » Il revint, et quand il arriva, il vit une immense église tout entourée de palais. Il perça la foule du peuple pour y pénétrer. Au dedans, tout était éclairé de mille et mille lumières; sa femme était revêtue d'or de la tête aux pieds; elle était assise sur un trône beaucoup plus élevé que l'autre, et portait trois énormes couronnes d'or; elle était environnée d'une foule de prêtres. A ses côtés étaient placées deux rangées de cierges, dont le plus grand était épais et haut comme la plus haute tour, et le plus petit pareil au plus petit flambeau de cuisine; tous les empereurs et les rois étaient agenouillés devant elle et baisaient sa mule. « Femme, dit l'homme en la contemplant, il est donc vrai que te voilà pape? - Oui, dit-elle, je suis pape. » Alors il se plaça devant elle et se mit à la considérer, et il lui semblait qu'il regardait le soleil. Quand il l'eut ainsi contemplée un moment: « Ah! femme, dit-il, quelle belle chose que de te voir pape! » , Mais elle demeurait roide comme une souche et ne bougeait. Il lui dit: « Femme, tu seras contente maintenant; te voilà pape: tu ne peux pas désirer d'être quelque chose de plus. - J'y réfléchirai, » dit la femme. Là-dessus, ils allèrent se coucher. Mais elle n'était pas contente; l'ambition l'empêchait de dormir, et elle pensait toujours à ce qu'elle voudrait devenir. L'homme dormit très-bien, et profondément: il avait beaucoup marché tout le jour. Mais la femme ne put s'assoupir un instant; elle se tourna d'un côté sur l'autre pendant toute la nuit, pensant toujours à ce qu'elle pourrait devenir, et ne trouvant plus rien à imaginer. Cependant le soleil se levait, et, quand elle aperçut l'aurore, elle se dressa sur son séant et regarda du côté de la lumière. Lorsqu'elle vit que les rayons du soleil entraient par la fenêtre: « Ah! pensa-t-elle, ne puis-je aussi commander de se lever au soleil et à la lune?... Mon homme, dit-elle en le poussant du coude, réveille-toi, vatrouver la barbue: je veut devenir, pareille au bon Dieu. » L'homme était encore tout endormi, mais il fut tellement effrayé qu'il tomba de son lit. Il pensa qu'il avait mal entendu; il se frotta les yeux et dit: « Ah! femme, que dis-tu? - Mon homme, dit-elle, si je ne peux pas ordonner au soleil et à la lune de se lever, et s'il faut que je les voie se lever sans mon commandement, je n'y pourrai tenir, et je n'aurai pas une heure de bon temps; je songerai toujours que je ne puis les faire lever moi-même. » Et en disant cela, elle le regarda d'un air si effrayant qu'il sentit un frisson lui courir par tout le corps. « Marche à l'instant, je veux devenir pareille au bon Dieu » - Ah! femme, dit l'homme eu se jetant à ses genoux, la barbue ne peut pas faire cela. Elle peut bien te faire impératrice et pape; je t'en prie, rentre en toi-même, et contente-toi d'être pape. » Alors elle se mit en fureur, ses cheveux volèrent en désordre autour de sa tête, elle déchira son corsage, et donna à son mari un cou de pied en criant: « Je n'y tiens plus, Je n'y puis plus tenir! Veux-tu marcher à l'instant même?» Alors il s'habilla rapidement et se mit à courir comme un insensé. Mais la tempête était déchaînée, et grondait si furieuse qu'à peine il pouvait se tenir sur ses pieds; les maisons et les arbres étaient ébranlés, les éclats de rochers roulaient dans la mer, et le ciel était noir comme de la poix; il tonnait, il éclairait, et la mer soulevait des vagues noires, aussi hautes que des clochers et des montagnes, et à leur sommet elles portaient toutes une couronne blanche d'écume. Il se mit à crier (à peine lui-même pouvait-il entendre ses propres paroles):
Tarare ondin, Tarare ondin,Petit poisson, gentil fretin,Mon Isabeau crie et tempête;Il en faut bien faire à sa tête.
« Et que veut-elle donc? dit la barbue. - Ah! dit-il, elle veut devenir pareille au bon Dieu. - Retourne, tu la trouveras logée dans la cahute. » Et ils y logent encore aujourd'hui à l'heure qu'il est.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Tuesday Aug 13, 2024

Dans un petit village vivait une pauvre vieille femme, qui s'était ramassé un plat de haricots et voulait les faire cuire. Elle dressa son feu dans la cheminée et l'alluma avec une bonne poignée de paille pour qu'il brûle plus vite. Quand elle mit ses haricots dans la marmite, il y en eut un qui lui échappa par mégarde, et qui vint choir sur le sol juste à côté d'un brin de paille; l'instant d'après, c'était un bout de braise qui sautait du foyer et qui venait tomber auprès des autres. Le bout de paille entama la conversation: "Chers amis, d'où arrivez-vous comme cela?" - "La chance m'a permis de sauter hors du feu," répondit la braise et sans la force de cet élan, "c'était pour moi la mort certaine: je serais maintenant réduite en cendres." - "Je l'ai échappé belle aussi," répondit le haricot à son tour, "car si la vieille femme m'avait jeté dans la marmite, irrémissiblement c'en était fait de moi et j'étais cuit avec les autres." - "Croyez-vous peut-être que le j'aurais eu un destin plus clément?" reprit le bout de paille. "Tous mes frères, la vieille les a fait passer en feu et en fumée: soixante d'un coup, qu'elle avait pris, auquel elle a ôté la vie! Moi, par bonheur, je lui ai filé entre les doigts." - "Et maintenant, qu'est-ce que nous allons faire?" demanda la braise. "A mon avis," dit le haricot, "puisque nous avons tous les trois sites miraculeusement échappé à la mort, nous devrions nous unir en bons camarades et partir tous d'ici pour gagner un autre pays, afin d'éviter quelque nouveau malheur."
La proposition convint aux deux autres, et tous ensemble ils se mirent en chemin. Ils arrivèrent bientôt devant un ruisselet qui n'avait pas le moindre pont, ni même une passerelle le, et ils ne savaient pas comment passer de l'autre côté. Le fétu eut alors une bonne idée et dit: "Je vais me coucher en travers, et vous pourrez ainsi passer sur moi comme sur un pont." La paille, donc, se suspendit entre une rive et l'autre, et sur ce pont improvisé, la braise, avec son naturel ardent, s'avança hardiment, mais à tout petits pas pour ne pas renverser le fragile édifice. Arrivée au milieu, toutefois, en entendant le bruit que faisait le courant au-dessous d'elle, la peur la prit et elle s'immobilisa, n'osant pas se risquer plus avant; aussi le bout de paille commença-t-il à prendre feu, se rompant net par le milieu et tombant dans l'eau, entraînant dans sa perdition la braise, qui chuinta en touchant l'eau et rendit aussitôt l'esprit. Le haricot, demeuré prudemment sur la rive, partit d'un tel fou rire en voyant cette histoire, et s'en tordit tellement sans pouvoir s'arrêter, que, pour finir, il éclata. C'en eût été fini de lui pareillement, si par bonheur un compagnon tailleur qui faisait son tour d'Allemagne ne s'était arrêté au bord de ce ruisseau pour se reposer. Par ce qu'il avait bon cœur et l'âme secourable, le tailleur prit du fil et une aiguille et se mit aussitôt à le recoudre. Le haricot lui en fit ses remerciements chaleureux et choisis comme on l'imagine; mais comme il avait utilisé du fil noir, c'est pour cela que, depuis ce temps là, tous les haricots ont une couture noire.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

Le serpent blanc

Tuesday Aug 13, 2024

Tuesday Aug 13, 2024

Il y a maintenant fort longtemps que vivait un roi dont la sagesse était connue dans tout son royaume. On ne pouvait rien lui cacher, il semblait capter dans les airs des nouvelles sur les choses les plus secrètes. Ce roi avait une étrange habitude: tous les midis, alors que la grande table était desservie et qu'il n'y avait plus personne dans la salle, son serviteur fidèle lui apportait un certain plat. Or, ce plat était recouvert, et le valet lui-même ignorait ce qu'il contenait; personne d'ailleurs ne le savait, car le roi ne soulevait le couvercle et ne commençait à manger que lorsqu'il était seul. Pendant longtemps cela se passa ainsi. Mais un jour, le valet, ne sachant plus résister à sa curiosité, emporta le plat dans sa chambrette et referma soigneusement la porte derrière lui. Il souleva le couvercle et vit un serpent blanc au fond du plat. Cela sentait bon et il eut envie d'y goûter. N'y tenant plus, il en coupa un morceau et le porta à sa bouche. Mais à peine sentit-il le morceau sur sa langue qu'il entendit gazouiller sous la fenêtre. Il s'approcha, écouta et se rendit compte qu'il s'agissait de moineaux qui se racontaient ce qu'ils avaient vu dans les champs et dans les forêts. Le fait d'avoir goûté au serpent lui avait donné la faculté de comprendre le langage des animaux.
Ce jour-là, justement, la reine perdit sa plus belle bague, et les soupçons se portèrent sur le valet qui avait la confiance du roi et avait donc accès partout. Le roi le fit appeler, le rudoya et menaça de le condamner s'il ne démasquait pas le coupable avant le lendemain matin. Le jeune homme jura qu'il était innocent mais le roi ne voulut rien entendre et le renvoya. Le valet, effrayé et inquiet, descendit dans la cour où il commença à se demander comment il pourrait bien faire pour s'en tirer. Il y avait là, sur le bord du ruisseau, des canards qui se reposaient en discutant à voix basse tout en lissant leurs plumes avec leur bec. Le valet s'arrêta pour écouter. Les canards se racontaient où ils avaient pataugé ce matin-là et quelles bonnes choses ils avaient trouvées à manger puis l'un d'eux se plaignit: "J'ai l'estomac lourd car j'ai avalé par mégarde une bague qui était sous la fenêtre de la reine." Le valet l'attrapa aussitôt, le porta dans la cuisine et dit au cuisinier: "Saigne ce canard, il est déjà bien assez gras." - "D'accord," répondit le cuisinier en le soupesant. "Il n'a pas été fainéant et il s'est bien nourri; il devait depuis longtemps s'attendre à ce qu'on le mette dans le four." Il le saigna et trouva, en le vidant, la bague de la reine. Le valet put ainsi facilement prouver son innocence au roi. Celui-ci se rendit compte qu'il avait blessé son valet fidèle et voulut réparer son injustice; il promit donc au jeune homme de lui accorder une faveur et la plus haute fonction honorifique à la cour, que le valet choisirait.
Le valet refusa tout et demanda seulement un cheval et de l'argent pour la route, car il avait envie de partir à la découverte du monde. Aussi se mit-il en route dès qu'il eut reçu ce qu'il avait demandé. Un jour, il passa près d'un étang où trois poissons, qui s'étaient pris dans les roseaux, étaient en train de suffoquer. On dit que les poissons sont muets, et pourtant le valet entendit leur complainte qui disait qu'ils ne voulaient pas mourir si misérablement. Le jeune homme eut pitié d'eux; il descendit de son cheval et rejeta les trois poissons prisonniers dans l'eau. Ceux-ci recommencèrent à frétiller gaiement, puis ils sortirent la tête de l'eau et crièrent: "Nous n'oublierons pas que tu nous as sauvés et te revaudrons cela un jour." Le valet continua à galoper et eut soudain l'impression d'entendre une voix venant du sable foulé par son cheval. Il tendit l'oreille et entendit le roi des fourmis se lamenter: "Oh, si les gens voulaient faire un peu plus attention et tenaient leurs animaux maladroits à l'écart! Ce cheval stupide piétine avec ses lourds sabots mes pauvres serviteurs!" Le jeune homme s'écarta aussitôt et le roi des fourmis cria: "Nous n'oublierons pas et te revaudrons cela un jour!" Le chemin mena le valet dans la forêt où il vit un père corbeau et une mère corbeau en train de jeter tous leurs petits du nid. "Allez-vous-en, sacripants," croassèrent-ils, "nous n'arrivons plus à vous nourrir vous êtes déjà assez grands pour vous trouver à manger tout seuls!" Les pauvres petits, qui s'agitaient par terre en battant des ailes, piaillèrent: "Comment pourrions-nous, pauvres petits que nous sommes, subvenir à nos besoins alors que nous ne savons même pas voler! Nous allons mourir de faim!" Le jeune homme descendit aussitôt de son cheval, le transperça de son épée et l'abandonna aux jeunes corbeaux pour qu'ils aient de quoi se nourrir. Les petits s'approchèrent et, après s'être rassasiés, crièrent: "Nous ne t'oublierons pas et te revaudrons cela un jour!"
Le valet fut désormais obligé de continuer sa route à pied. Il marcha et marcha et, après une longue marche, il arriva dans une grande ville dont les rues étaient très peuplées et très animées. Soudain, un homme arriva à cheval et annonça que l'on cherchait un époux pour la princesse royale, mais que celui qui voudrait l'épouser devrait passer une épreuve difficile et, s'il échouait, il devrait payer de sa vie. De nombreux prétendants s'y étaient déjà essayés et tous y avaient péri. Mais le jeune homme, lorsqu'il eut l'occasion de voir la princesse, fut si ébloui de sa beauté qu'il en oublia tous les dangers. Il se présenta donc comme prétendant devant le roi.
On l'emmena immédiatement au bord de la mer et on jeta sous ses yeux un anneau d'or dans les vagues. Puis, le roi lui ordonna de ramener l'anneau du fond de la mer, et ajouta: "Si tu émerges de l'eau sans l'anneau, les vagues te rejetteront sans cesse jusqu'à ce que tu périsses." Tous plaignirent le jeune homme et s'en allèrent. Seul, debout sur la plage, le valet se demanda ce qu'il allait bien pouvoir faire, lorsqu'il vit soudain trois poissons s'approcher de lui. C'étaient les poissons auxquels il avait sauvé la vie. Le poisson du milieu portait dans sa gueule un coquillage qu'il déposa aux pieds du jeune homme. Celui-ci le prit, l'ouvrit et y trouva l'anneau d'or. Heureux, il le porta au roi, se réjouissant d'avance de la récompense. Or, la fille du roi était très orgueilleuse et, dès qu'elle eut appris que son prétendant n'était pas de son rang, elle le méprisa et exigea qu'il subît une nouvelle épreuve. Elle descendit dans le jardin et, de ses propres mains, elle répandit dans l'herbe dix sacs de millet. "Tu devras ramasser ce millet!" ordonna-t-elle, "que ces sacs soient remplis avant le lever du soleil! Et pas un seul grain ne doit manquer!" Le jeune homme s'assit dans l'herbe et se demanda comment il allait pouvoir s'acquitter de cette nouvelle tâche. Ne trouvant pas de solution, il resta assis en attendant tristement l'aube et la mort. Or, dès que les premiers rayons de soleil éclairèrent le jardin, il vit devant lui les dix sacs de millet remplis à ras. Ils étaient rangés les uns à côté des autres et pas un grain ne manquait. Le roi des fourmis était venu la nuit avec des milliers de ses serviteurs et les fourmis reconnaissantes avaient rassemblé tout le millet avec infiniment de soin et en avaient rempli les sacs. La princesse descendit elle-même dans le jardin et constata avec stupéfaction que son prétendant avait rempli sa tâche. Ne sachant pourtant toujours pas maîtriser son cœur plein d'orgueil, elle déclara: "Il a su passer les deux épreuves, mais je ne serai pas sa femme tant qu'il ne m'aura pas apporté une pomme de l'Arbre de Vie." Le jeune homme ignorait où poussait un tel arbre, mais il décida de marcher là où ses jambes voudraient bien le porter, sans trop d'espoir de trouver l'arbre en question. Il traversa trois royaumes et il arriva un soir dans une forêt. Il s'assit au pied d'un arbre pour se reposer un peu lorsqu'il entendit un bruissement dans les branches au-dessus de sa tête et une pomme d'or tomba dans sa main. Au même moment, trois corbeaux se posèrent sur ses genoux et dirent: "Nous sommes les trois jeunes corbeaux que tu as sauvés de la famine. Nous avons appris que tu étais en quête de la pomme d'or et c'est pourquoi nous avons traversé la mer et sommes allés jusqu'au bout du monde où se trouve l'Arbre de Vie pour t'apporter cette pomme." Le jeune homme, le cœur joyeux, prit le chemin du retour et remit la pomme d'or à la belle princesse qui ne pouvait plus se dérober. Ils coupèrent la pomme de Vie en deux, la mangèrent ensemble et, à cet instant, le cœur de la princesse s'enflamma d'amour pour le jeune homme. Ils s'aimèrent et vécurent heureux jusqu'à un âge très avancé.Cet épisode vous est offert par Podbean.com.

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